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« Est-ce que l’austérité (en particulier les programmes de consolidation budgétaire actuellement mis en œuvre dans la plupart des pays de l’Union européenne) est vouée à l’échec ? (…) Une nouvelle recherche du NIESR fait la première tentative (à ma connaissance) de modéliser l’impact quantitatif de la consolidation budgétaire menée de manière coordonnée au sein de l’UE (…)

La principale conclusion est que, tandis qu’en “temps normal” la consolidation budgétaire aurait peut-être peut-être permis de diminuer les ratios dette/PIB, la consolidation budgétaire est au contraire dans les circonstances actuelles vouée à échouer pour l'ensemble de l'UE. En raison des plans de consolidation budgétaire actuellement en place, les ratios de dette vont être plus élevés en 2013 dans l’UE dans son ensemble, et non plus faibles. Ceci va aussi être vrai dans la plupart des Etats-membres pris individuellement (notamment la Royaume-Uni, mais excepté l’Irlande).

L’austérité coordonnée dans une dépression est en effet vouée à l’échec. Ce qui implique que la stratégie actuelle qui est poursuivie individuellement par chaque Etat-membre, aussi bien que par l’UE dans son ensemble, est fondamentalement défectueuse. (…) Elle aggrave les choses.

Pourquoi est-ce que la consolidation budgétaire est-elle actuellement aussi dommageable ? Dans des circonstances normales, un resserrement de la politique budgétaire serait accompagné d'un relâchement de la politique monétaire. Cependant, avec des taux d’intérêt qui sont déjà à des niveaux exceptionnellement bas, c’est improbable ou infaisable. De plus, durant un ralentissement, lorsque le chômage est massif et la sécurité de l’emploi réduite, un plus grand pourcentage de ménages et d’entreprises est contraint en termes de liquidité. Finalement, avec tous les pays consolidant simultanément leurs finances publiques, la production de chaque pays est réduite, non simplement par la consolidation budgétaire mise en œuvre dans l’économie domestique, mais aussi par celle menée dans les autres pays, à travers le commerce extérieur. Dans l’UE, il est probable que de tels effets de débordement sont des plus larges. (…)

L’impact négatif des consolidations budgétaires sur la croissance (…) est bien plus large qu’en temps “normal” ; par conséquent, la consolidation budgétaire accroît (plutôt qu’elle ne réduit) le ratio dette publique sur PIB dans chaque pays, excepté l’Irlande. Au Royaume-Uni et dans la zone euro dans son ensemble, le résultat de la consolidation budgétaire coordonnée est une hausse du ratio dette sur PIB d’approximativement cinq points de pourcentage. Bien sûr, un argument fréquemment avancé pour soutenir les programmes de consolidation budgétaire est qu’ils réduisent la prime d’endettement du gouvernement dans les pays avec une dette et des déficits élevés. Mais ces simulations montrent que l’opposé peut en fait être vrai : (...) ceci élève en fait les taux d’intérêt, exacerbe les effets négatifs sur la production et accroît à son tour les ratios dette/PIB ; il s'agit vraiment d'une "spirale de la mort".

Tout cela implique que les politiques poursuivies par les pays de l’UE au cours des dernières années ont des effets pervers et dommageables à l'activité. Nos simulations suggèrent que la consolidation budgétaire coordonnée n’a pas eu seulement un impact substantiellement plus large qu’attendu sur la croissance, mais aussi qu’elle a eu l’effet d’élever plutôt que de diminuer les ratios dette/PIB (…). Non seulement la croissance aurait été plus élevée si de telles politiques n’avaient pas été menées, mais les ratios dette/PIB auraient aussi été plus faibles.

C’est particulièrement ironique que, alors même que l’UE a été créée en partie pour précisément éviter de tels problèmes de type “dilemme du prisonnier” dans la coordination des politiques économiques, c’est en fait exactement le contraire qui se passe actuellement. »

Jonathan Portes, “Self-defeating austerity?”, in Not The Treasury View (blog), mercredi 31 octobre 2012.