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« Le fait que l'emploi se redresse plus lentement que le PIB est un phénomène relativement nouveau. Les reprises sans emplois ne sont vraiment survenues que suite aux récessions de 1991 et de 2001. Ces trois dernières reprises constituent une rupture nette par rapport aux précédents épisodes de récession observés après la Seconde Guerre mondiale, épisodes au cours desquels le PIB et l'emploi rebondissaient vigoureusement suite aux récessions. (…)

Une reprise sans emplois n'est pas simplement un retard des entreprises dans leurs embauches. (…) Elle peut être attribuée à un manque de reprise dans tout un sous-ensemble des emplois, en l’occurrence les emplois focalisés sur la routine ou les tâches répétitives, ces dernières étant de plus en plus effectuées par des machines. (…) Les professions concentrées sur les tâches de routine ont tendance à être des emplois moyennement rémunérés. Ainsi, la disparition des emplois de routine au cours des trente dernières années représente une "polarisation" de l’emploi parce que le milieu de la distribution des salaires se creuse. (…)

Le changement structurel sur le marché du travail est clairement manifeste dans le cycle d’affaires. Le déclin à long terme des emplois de routine se produit par à-coups, puisque ce type d’emplois disparaît essentiellement au cours des récessions. La portée de la polarisation des emplois est large. L’automatisation et l’adoption de technologie informatique mène au déclin des emplois de salaires intermédiaires (…), d’une part les emplois à col bleu dans la production et la maintenance et, d’autre part, les emplois de col blanc dans les bureaux et administrations. Cela affecte à la fois les professions dominées par les hommes et celles dominées par les femmes et cela touche de nombreux secteurs (industrie manufacturière, commerces de gros et de détail, services financiers et même l’administration publique). (…)

La croissance de l'emploi à la suite des dernières récessions a donc été inégalement répartie, concentrée dans les emplois à hauts et bas salaires. (…) La reprise de l’activité suite à la Grande Récession a été particulièrement déséquilibrée, puisque la majorité des emplois qui ont été créés sont peu rémunérés. Le rythme de la polarisation de l’emploi s'est particulièrement accéléré dans la dernière récession. L’ampleur de l’automation et du progrès en robotique et technologie informatique n’a pas ralenti. (…) Nous devons nous attendre à ce que les prochaines récessions stimulent la polarisation de l’emploi. Les reprises sans emplois sont peut-être la nouvelle norme. »

Henry Siu et Nir Jaimovich, « Jobless recoveries and the disappearance of routine occupations », in VoxEU.org, 6 novembre 2012