« Beaucoup des croyances économiques qui prévalent dans les cercles financiers, qui sont au fondement des mesures prises par le gouvernement et qui sont acceptées par les médias et le public, sont en fait basées sur une analyse incomplète, sur des hypothèses allant contre les faits et sur de fausses analogies. (...) Egalement fallacieuse est l’idée que ce qui est possible ou désirable pour un individu à un moment donné le sera également pour (...) l'économie dans son ensemble. (…)

Erreur n° 2 : Inciter les individus à épargner davantage stimule l'investissement et la croissance économique. Cela semble dériver de l'hypothèse d'une production agrégée inchangée de sorte que ce qui n’est pas utilisé pour la consommation est nécessairement et automatiquement consacré à la formation du capital. (...) C’est en fait l'inverse qui est vrai. Dans une économie monétaire, pour la plupart des individus, toute décision d’épargner davantage se ramène à une décision de dépenser moins ; moins de dépenses de la part d’un épargnant signifient moins de revenus et moins d'épargne pour les vendeurs et les producteurs. L'épargne agrégée ne s’en trouve pas accrue, mais diminuée puisque les vendeurs réduisent à leur tour leurs achats, le revenu national diminue et avec lui l'épargne nationale.

(...) Lorsque l’épargne consiste en une réduction des dépenses sur les services (par définition non stockables) comme une coupe de cheveux, l'effet sur le revenu et l'épargne du vendeur est immédiat et évident. Lorsqu'il s'agit d'un bien stockable, il peut y avoir un temporairement investissement dans les stocks, mais celui-ci va très rapidement disparaître car le producteur réduit les commandes à ses fournisseurs pour ramener ses stocks à leur niveau normal, ce qui aboutit finalement à une réduction de la production, de l'emploi et du revenu.

L’épargne ne crée pas de "fonds prêtables" à partir de rien. (…) Toute tentative d'épargne, avec la réduction correspondante des dépenses, ne fait rien pour améliorer la volonté des banques et des autres prêteurs à financer des projets d'investissement (...). Avec des ressources disponibles non utilisées, l’épargne n'est ni une condition nécessaire à la formation du capital, ni même ne constitue un moyen de la stimuler, mais il est bien sa conséquence, puisque les revenus générés par la formation de capital s'avère être une source d’épargne supplémentaire.

Erreur n° 3 : L’emprunt public « évince » l'investissement privé. La réalité est que, au contraire, les dépenses des fonds empruntés (contrairement à la dépense des recettes fiscales) vont générer des revenus imposables supplémentaires, accroître la demande pour les produits de l'industrie privée et rendre l'investissement privé plus rentable. Tant qu’il y a beaucoup de ressources inutilisées et que les autorités monétaires se comportent raisonnablement (au lieu d'essayer de contrer les soi-disant répercussions inflationnistes du déficit), ceux qui ont une perspective d'investissement rentable peuvent obtenir un financement. Dans ces circonstances, chaque dollar additionnel du déficit va induire à moyen et long termes plus de deux dollars supplémentaires d'investissement privé. Le capital créé vient augmenter la richesse de quelqu'un et ipso facto l’épargne de quelqu'un. L'idée d'une "offre créant sa propre demande" est remise en cause dès l'instant où une partie des revenus générés par l’offre est épargnée, mais l'investissement crée sa propre épargne et plus encore. Un éventuel évincement ne peut être que le résultat, non pas de la réalité économique sous-jacente, mais des réactions restrictives qu'adopteraient inopportunément les autorités monétaires en réponse au déficit public. »

William Vickrey, « Fifteen fatal fallacies of financial fundamentalism », 5 octobre 1996, cité par Lars P Syll.