« Pourquoi (…) devrait-on se dire que la science économique est en crise ?

La réponse évidente serait que nous n’avons pas vu venir la crise de 2008. Mais est-il même logiquement possible de prévoir le futur ? G.L.S. Shackle ne le pensait pas, car les choix des individus, qui déterminent les phénomènes économiques, ne sont pas prévisible et son argument a été ignoré plutôt que réfuté. Et Gary Gorton a dit de son côté que « les crises financières ne sont pas prévisibles », en partie parce qu’elles résultent de comportements en cascade qui ne peuvent être prévus.

Disons cela d’une autre manière. Imaginons que les économistes avaient collectivement et de manière crédible annoncé une crise financière au milieu des années deux mille. Les gens auraient répondu à de tels avertissements en prêtant moins et en empruntant moins (…). Mais cela se serait traduit par une baisse de l’endettement et la crise n’aurait pas eu lieu. Il y aurait alors aujourd’hui une crise de la science économique comme tout le monde se demanderait pourquoi le désastre que nous avions prédit n’est jamais survenu. En fait, les prévisions ne peuvent être justes que si elles ne sont pas crues.

Toutefois, je suspecte qu’il y a une autre raison expliquant pourquoi l’on pense que l’économie est en crise. C’est parce que, comme Coase l’a dit, les économistes ont perdu de vue la vie et les gens ordinaires, préférant être des conseillers politiques, des théoriciens ou, pire, prévisionnistes.

En faisant cela, beaucoup ont cessé de poursuivre l'objectif de Keynes. Quelle sorte de réputation auraient les dentistes s’ils cessaient de traiter les dents des gens et préféraient donner des conseils au gouvernement sur la politique dentaire, s’ils essayaient de prévoir la prévalence de la carie dentaire ou appelaient à de nouvelles manières de conceptualiser les bouches ?

Peut-être, alors, que le problème avec les économistes est qu'ils ont échoué à saisir quelle fonction la profession peut raisonnablement servir. »

Chris Dillow, « Economists as dentists », Stumbling and Mumbling (blog), 23 novembre 2012.