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« De nombreux pays émergents et en développement ont réalisé de bonnes performances économiques au cours de la dernière décennie et lors de la crise mondiale. Entre 2003 et 2007, la croissance s'est accélérée dans ces pays, alors qu’elle restait faible dans les économies avancées, ce qui a amené plusieurs économistes à se demander s’il n’y avait pas eu un « découplage » entre, d’une part, les pays émergents et en développement et, d’autre part, les économies avancées. Ce débat a été temporairement écarté lorsque la crise mondiale éclata et que les pays émergents et en développement furent durement touchés par la crise qui avait tout d’abord touché les Etats-Unis et l’Europe. En fait, plus de la moitié des pays émergents et en développement connurent une décroissance en 2009. Mais ils ont rapidement rebondi et beaucoup d'entre eux ont connu en 2010 et en 2011 des taux de croissances similaires ou supérieurs à ceux observés avant la crise. (…) La croissance des économies émergentes et en développement représente aujourd'hui la quasi-totalité de la croissance mondiale.

La question que se posent les responsables politiques est si cette performance va durer. (…) Les optimistes mettent en avant la meilleure conduite des politiques économiques et l’ample marge de manœuvre (…) que celle-ci a permis de dégager. Ces économies sont également devenues plus diversifiées sur de nombreux plans (leur structure économique, le profil de leurs échanges commerciaux et la composition de leurs flux de capitaux). D’un autre côté, la croissance récente dans certaines économies émergentes et en développement a été alimentée par les afflux de capitaux, la forte croissance du crédit et, dans le cas des exportateurs de matières premières, par les prix élevés des matières premières. Ces facteurs sont susceptibles de se retourner, ce qui suggère que les perspectives de ces économies peuvent ne pas être robustes (…). En outre, une partie de la marge de manœuvre qu’elles ont construite au cours de la dernière décennie a été utilisée au cours de la crise mondiale et n'a pas encore été complètement reconstituée. Et il y a maintenant des signes que la croissance ralentit dans certaines économies émergentes et en développement. (…)

Notre étude confirment confirme que les économies émergentes et en développement sont maintenant plus résistantes qu’elles ne l’étaient dans les précédentes décennies. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Leur performance était déjà nettement meilleure dans les années quatre-vingt-dix qu’elle ne l’était durant les deux précédentes décennies, même avec les sévères ralentissements de la croissance entraînées par les crises tequila, asiatique et russe. Mais la dernière décennie a vraiment été exceptionnelle. Pour la première fois, les économies émergentes et en développement ont fait mieux que les économies avancées en termes de durée d’expansion.

(…) Ces gains ne sont pas temporaires. Ces économies se portent mieux aujourd'hui, d’une part, parce que les chocs sont moins fréquents et, d’autre part, parce qu’elles ont amélioré leurs politiques économiques. Les deux dernières années (2010 et 2011) étaient encore meilleures que la période 2000-2007 en termes de durée moyenne prévue des expansions (…), en particulier pour les chocs extérieurs. (…) Les taux d'intérêt mondiaux étaient bas, ce qui soutint la croissance mondiale et les conditions de crédit, mais aussi alimenta les flux de capitaux à destination des économies émergentes et en développement. Et l'incertitude mondiale est demeurée élevée, mais elle fut finalement moindre en 2010-2011 qu’en 2000-2003. Il n’y a également eu aucune crise bancaire dans les économies émergentes et en développement au cours des deux dernières années (…). Bien que les soldes budgétaires se soient réduits à la suite de la crise mondiale, la dette publique médiane est passée d'environ 45 % du PIB au cours de la période 2000-2007 à environ 35 % PIB sur la période 2010-2011 et une plus grande proportion de ces économies a maintenant une faible inflation et une faible dette publique. Dans leur ensemble, ces facteurs ont accru la durée moyenne attendue des expansions.

(…) Le calme relatif de ces deux dernières années pourrait bien n'être que temporaire. Il y a un risque important que les économies avancées connaissent un autre ralentissement de la croissance, comme les persistantes tensions souveraines et bancaires en Europe et la soi-disant falaise budgétaire aux États-Unis menacent de freiner la croissance. Il pourrait y avoir une dégradation des termes de l’échange pour les économies émergentes et en développement si les prix des matières premières chutent. De nouvelles poussées d’incertitude mondiale sont possibles et de nouvelles sorties des capitaux (sudden stops) sont possibles si l’aversion face au risque s’élève (…). Si conjoncture extérieure se détériore encore, les économies émergentes et en développement finiront probablement par "se recoupler" avec les économies avancées, comme elles le firent au cours de la Grande Récession (…). Pour se prémunir contre un tel scénario, ces économies auront besoin de reconstituer leurs tampons, afin de s'assurer qu’elles aient une marge de manœuvre suffisante pour faire face aux chocs. Si (…) la plus grande flexibilité des taux de change et les politiques macroéconomiques contra-cycliques sont maintenues dans plusieurs de ces économies, cela leur permettrait aussi de mieux absorber d’éventuels chocs. »

Abdul ABIAD, John BLUEDORN, Jaime GUAJARDO & Petia TOPALOVA, « The rising resilience of emerging market and developing economies », FMI, working paper, n° 300, 20 décembre 2012.