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« Q : Cela n’impliquerait-il pas que le gouvernement s’endette davantage ?

R : Oui, cela nécessiterait de financer l'investissement par l'emprunt. C'est ce qu’une entreprise ferait si elle voyait une bonne opportunité d'investissement et on nous dit constamment que le secteur public doit apprendre de la bonne pratique du secteur privé.

Q : N'est-ce pas un endettement excessif qui nous a mis dans ce pétrin?

R : Emprunter pour une bonne raison n'est pas un problème, comme toute personne ayant un crédit hypothécaire vous le dira. L’emprunt devient un problème lorsque les risques encourus sont sous-estimés et que l'emprunteur n’est pas en mesure de rembourser. La crise financière a en partie été provoquée par l’endettement excessif des consommateurs qui pensaient que les prix des logements ne chuteraient jamais, mais ce sont surtout les banques elles-mêmes qui ont pris trop de risques. La récession a entraîné un gonflement de l’endettement public, et non l'inverse.

Q : Mais le secteur public n’est-il pas en train d’emprunter à des niveaux records ?

R : Oui, mais c'est parce que les marchés financiers désirent acheter de la dette publique. C'est pourquoi les taux d'intérêt sur la dette publique sont très bas. Les marchés financiers ont désespérément envie d'acheter de la dette publique. Ils sont donc prêts à recevoir très peu en retour. C'est la raison pour laquelle c’est aujourd’hui le bon moment pour le gouvernement d'emprunter afin d’investir.

Q : Le gouvernement britannique affirme que s’il emprunte davantage, le Royaume-Uni deviendra comme la Grèce.

R : C'est un non-sens. Ce n'est pas un hasard si tous les grands pays qui connaissent une crise de la dette publique sont dans la zone euro. En effet, les pays la zone euro n'ont pas leur propre banque centrale. Pour le moment, les Etats qui n’appartiennent pas à la zone euro n'ont aucun problème pour emprunter. Comme je l’ai dit, les taux d'intérêt en dehors de la zone euro sont au plus bas. S'il y avait un risque sérieux que le Royaume-Uni devienne comme la Grèce, les taux d'intérêt ne seraient pas aussi bas.

Q : N'est-ce pas mauvais pour le gouvernement d’emprunter davantage lorsque les consommateurs sont autant à court d'argent et ne peuvent souvent pas emprunter ou bien cherchent à reconstituer leur épargne ?

R : C’est en fait l’inverse qui est vrai, comme tout étudiant en économie vous le dira. Si les consommateurs épargnent davantage, il y a moins de pouvoir d’achat dans l'économie. Si le gouvernement dépense également moins, nous nous retrouvons en récession. C'est l'erreur fondamentale que commet le gouvernement. C'est l'autre raison pour laquelle (…) c’est bien aujourd’hui que le gouvernement doit s’endetter. En période de récession, il n'y a pas de danger que les dépenses publiques évincent les dépenses du secteur privé. Elles vont même très certainement stimuler l'économie.

Q : Mais aucun gouvernement ne peut continuer à emprunter toujours plus.

R : C’est vrai ! Mais le bon moment pour réduire l’endettement public, c'est lorsque l'économie est robuste et le coût d’emprunt élevé.

Q : Tous les hommes politiques trouveront une excuse pour dépenser plus ou taxer moins, et ainsi retarder le jour où l’emprunt sera sous contrôle. Au moins le gouvernement britannique a eu le courage de faire face au problème, contrairement à ses prédécesseurs.

R : Comme de nombreux pays le constatent actuellement, il est beaucoup plus difficile de réduire l’endettement lorsque l'économie est faible. En revanche, de nombreux gouvernements ont réussi à réduire l'emprunt lorsque l'économie était plus forte. Avant la crise financière, le ratio de la dette publique sur le PIB au Royaume-Uni était en dessous du niveau atteint lorsque le Parti travailliste est arrivé au pouvoir en 1997. Bill Clinton a réussi à réduire la dette du gouvernement américain au cours des années quatre-vingt-dix lorsque l'économie américaine était en forte croissance.

Q : Mais un surcroît d’endettement public va inévitablement entraîner une hausse des impôts dans le futur. Nous ne devrions pas alourdir le fardeau des générations futures de cette façon.

R : Ce n’est pas nécessairement le cas. En dépensant plus aujourd'hui, il sera peut-être moins nécessaire pour le gouvernement d'investir à l'avenir, donc il ne va pas nécessairement relever les impôts. Même si les générations futures sont concernées, je vous suggère de demander aux millions de jeunes qui cherchent actuellement un emploi ce qu'ils en pensent. »

Simon Wren-Lewis, « Avoiding the B-word », in Mainly Macro (blog), 6 janvier 2013.