« Certains estiment que la responsabilité de la crise, c’est des politiques aveugles, irréfléchies qui ont été conduites dans les pays du sud. Tandis que pour d’autres, en particulier pour nous, la responsabilité vient du fait que la zone euro n’a pas été pensée ; on n’a pas pensé au départ aux mécanismes de solidarité, aux mécanismes de coopération qui étaient nécessaires pour faire vivre une monnaie unique, pour assurer sa stabilité. Le pacte de stabilité et de croissance était mal pensé et donc naturellement, de 1999 à 2007, avant la crise déjà, les pays de la zone euro ont divergé. Donc, il y a une défaillance au départ dans la conception de la zone euro.

Du coup, évidemment, pour les stratégies de sortie de crise, il y a des points de vue différents. Pour les uns, il faut imposer à tous les pays de mettre en œuvre des politiques de consolidation budgétaire et puis, par ailleurs, de faire des réformes structurelles d’inspiration libérale ; et pour d’autres au contraire, la priorité doit être de maintenir des politiques budgétaires expansionnistes tant qu’elles sont nécessaires pour soutenir l’activité, de demander à la banque centrale européenne de garantir l’ensemble des dettes publiques et puis de mettre en œuvre des politiques de relance, de soutien de l’activité, en particulier de l’investissement pour préparer la transition écologique.

Certains disent qu’il faut éviter de mettre en œuvre d’autres mécanismes de solidarité en Europe, parce que cela permettrait aux pays du sud de retarder les ajustements nécessaires ; pour nous au contraire, on a fait des erreurs dans le passé, la zone euro était mal pensée, donc maintenant il faut un effort de solidarité, de coordination.

Dernière opposition, pour certains il faut absolument insérer les politiques budgétaires dans des règles rigides, il faut mettre en œuvre un fédéralisme budgétaire qui permettrait à la Commission ou au Conseil européen de remettre en cause les Budgets votés dans les Etats-membres. Il faut un pacte budgétaire extrêmement contraignant ; il faut que les marchés puissent surveiller les politiques budgétaires. Ce n’est pas notre point de vue. Pour nous, il faut laisser une marge de manœuvre aux Etats, parce que les Etats sont différents, leurs situations économiques sont différentes. C’est aussi une exigence démocratique : chaque pays doit pouvoir mettre en œuvre la politique sociale, la politique industrielle de son choix. Et puis, il faut une coordination des politiques économiques. Cette coordination doit être ouverte, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas s’appuyer sur des règles budgétaires préétablies, sans fondements économiques. Elle doit viser la croissance et la résorption coordonnée des déséquilibres. »

Henri Sterdyniak