GRAPHIQUE 1 Endettement des ménages (en bleu) et des entreprises (en rouge), en % du PIB
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« Dans les années qui ont suivi la crise financière mondiale de 2008, les ratios de dette des agents privés non financiers sur le PIB se sont accrus dans toute l'Europe (cf. graphique 1). Cette tendance peut être considérée comme la cause et l'effet de la Grande Récession : la détérioration des conditions de crédit et l'accumulation rapide de la dette du secteur privé ont accru la vulnérabilité des pays face à l'arrêt brutal des entrées de capitaux et ont aggravé la crise. Et la baisse du PIB consécutive à la récession a poussé à la hausse les ratios d'endettement dans tous les pays européens, sauf en Suisse et en Allemagne. Il n'est pas surprenant, par conséquent, que l'augmentation du poids de la dette dans le secteur privé (…) ait été particulièrement prononcée dans les pays qui ont connu un fort cycle d'expansion et d’effondrement du crédit, comme en Islande, dans les pays baltes et dans un certain nombre de pays de la périphérie la zone euro. Pour l'UE dans son ensemble, les ratios de dette (en particulier ceux des ménages) ont commencé à rattraper les hauts niveaux observés aux États-Unis et au Japon.

GRAPHIQUE 2 Crédit accordé aux ménages (en % de la richesse financière nette)
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(…) Les passifs des ménages en proportion de la richesse financière nette (cf. figure 2) sont généralement élevés dans les pays à haut revenu, où les ménages détiennent de substantiels actifs ; mais ils ont fait un bond en Irlande, en Grèce et dans un certain nombre de pays d’Europe centrale et orientale. En plus des actifs financiers, les ménages de ces pays ont également connu des baisses substantielles de la valeur réelle des logements. (…)

GRAPHIQUE 3 Crédit accordé aux entreprises (en % du montant des fonds propres)
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Dans l'ensemble, l'endettement des ménages s’est accru dans tous les pays européens, sauf en Allemagne. En revanche, l'endettement des entreprises (cf. graphique 3) n'a augmenté que dans une poignée de pays, notamment l'Islande, la Lettonie, la Roumanie et la Hongrie ; en Slovaquie et en Estonie, le secteur des entreprises s’est en fait désendetté. L’importance de l'endettement des ménages est une caractéristique de la crise actuelle dans de nombreux pays, alors que la dette souveraine était relativement plus importante dans les crises latino-américaines et russe, et la dette des entreprises relativement plus importante dans la crise asiatique.

GRAPHIQUE 4 Ratios de prêts non performants (maximum entre 2009 et 2011)
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(…) Des niveaux élevés de dette privée sont susceptibles d'entraver la reprise. Un certain nombre de canaux reliant l'endettement privé à l'activité économique ont été identifiés dans la littérature :

  • L’investissement va souffrir comme les entreprises se focalisent sur leur désendettement et le nettoyage de leurs bilans. Les firmes sont réticentes à entreprendre de nouveaux projets si les rendements bénéficient principalement aux créanciers existants plutôt qu’aux porteurs de capitaux propres (Myers, 1977 ; Occhino, 2010).

  • Les ménages surendettés vont réduire les dépenses de consommation comme leur revenu permanent et leur patrimoine se détériorent (King, 1994).

  • La dette hypothécaire génère des boucles supplémentaires de rétroaction via les répercussions de la baisse des prix de l'immobilier sur la richesse et la consommation. Comme le montre le FMI (2012), des crises immobilières et récessions qui sont précédées par de larges accumulations dans la dette des ménages ont tendance à être plus sévères et plus longues que la moyenne.

  • Le crédit bancaire va également s’en trouver affecté, car la multiplication des prêts non performants érode les réserves en fonds propres des banques (…) et génère des incertitudes. En effet, les niveaux de créances douteuses ont atteint dans quelques pays d'Europe du Sud et dans les pays baltes des niveaux qui ne furent auparavant observés que lors des crises en Asie et en Scandinavie (cf. graphique 4). Une récente étude menée par le FMI à partir des données de l'Europe émergente (EBCI, 2012) montre qu'une augmentation de 10 points de pourcentage des ratios de créances douteuses diminue la croissance des prêts d’environ 4 points de pourcentage par le biais des seuls effets du côté de l'offre.

  • Enfin, la soutenabilité de l’endettement du secteur public peut également être affectée comme les dettes excessives du secteur privé finissent souvent par être transférées au bilan du secteur public. »

Yan Liu et Christoph B. Rosenberg, « Dealing with private debt distress in the wake of the European financial crisis. A review of the economics and legal toolbox », FMI, working paper, n° 13/44, 20 février 2013.

aller plus loin... lire « Anatomie des booms du crédit »