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« La reprise actuelle diffère par au moins un aspect important des précédentes, qu’elles aient fait suite ou non à une crise financière. Elle est semée d’épisodes de grande incertitude. Cela pourrait contribuer à expliquer l’anémie de la reprise : l’incertitude macroéconomique et politique pèserait sur l’activité économique. (...) Il est cependant difficile d’établir une relation de causalité entre l’incertitude et le cycle économique. Est-ce l’incertitude qui provoque les récessions ou l’inverse? Cette question est ardue, mais la théorie économique met en lumière des circuits par lesquels l’incertitude peut peser négativement sur l’activité.

Du côté de la demande, par exemple, face à une forte incertitude, les entreprises réduisent leurs investissements et reportent des projets pendant qu’elles rassemblent de nouvelles informations, car il est souvent coûteux d’inverser une décision d’investissement (Bernanke, 1983; Dixit et Pindyck, 1994). Même réaction de la part des ménages : ils réduisent leur consommation de biens durables en attendant des jours meilleurs. Côté offre, les plans d’embauche des entreprises subissent l’impact négatif de l’incertitude, car les réajustements d’effectifs coûtent cher.

Les problèmes des marchés financiers comme ceux dont nous avons été témoins en 2007 peuvent amplifier l’incidence négative de l’incertitude sur la croissance. Par exemple, l’incertitude fait baisser le rendement attendu des projets financés par l’emprunt et rend plus difficile l’évaluation des garanties. Du coup, les créanciers augmentent leurs taux débiteurs et limitent leurs prêts, si bien que les entreprises ont plus de mal à emprunter. Le recul des emprunts cause une contraction des investissements, surtout chez les entreprises en manque de crédit, et ralentit la croissance de la productivité, car les dépenses de recherche-développement diminuent. Ces facteurs peuvent entraîner une réduction sensible de la croissance de la production. (…)

Le degré d’incertitude économique semble aussi être lié à la gravité de la récession et à la vigueur de la reprise. En particulier, les récessions accompagnées d’une forte incertitude sont souvent plus profondes que les autres (…). De même, les reprises qui coïncident avec des périodes de forte incertitude sont souvent plus faibles que les autres. Le degré d’incertitude exceptionnellement élevé qu’a connu l’économie mondiale depuis la dernière crise financière et les épisodes de graves récessions et de reprises molles qui sont allés de pair expliquent pour une large part ce constat. En outre, le redressement en cours dans les pays avancés a coïncidé avec une croissance cumulative plus faible de la consommation et de l’investissement et avec une contraction marquée et persistante des investissements structurels, car le degré d’incertitude est resté élevé (Kose, Loungani et Terrones, 2012). »

Nicholas Bloom, M. Ayhan Kose et Marco E. Terrones, « Le poids de l'incertitude », in FMI, Finances & Développement, vol. 50, n° 1, mars 2013.

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