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« Ou plutôt, pourquoi ne fait-elle pas quelque chose ? L'inflation des prix à la consommation s’élève actuellement à 1,7 %. L'OCDE prévoit une inflation de 1,6 % en 2013 et de 1,2 % en 2014. La BCE voit de moindres risques inflationnistes en raison du ralentissement de l’activité économique ; elle sait que l’activité ralentit, mais espère qu’elle va bientôt connaître la reprise. L'OCDE prévoit une stagnation du PIB cette année et une croissance de 1,3 % l'an prochain – peut-on appeler cela une "reprise" ? La BCE voit de moindres risques pesant sur l'activité, mais elle ne mentionne pas les risques croissants. Du côté des prix, elle voit le risque d’une hausse des prix administrés, de la TVA et du cours du pétrole, mais l’on peut douter qu’elle ait à réagir à ce type de chocs.

En fait, si vous regardez les autres mesures de l'inflation, l'inactivité de la BCE est encore plus surprenante. Les augmentations annuelles du déflateur du PIB ont été inférieures ou égales à 1,2 % depuis 2009 et l'OCDE s'attend à une hausse de seulement 1 % en 2014. Les augmentations de salaires (rémunérations par salarié) ont été inférieures à 2 % depuis 2009 et l’OCDE s'attend à ce qu’elles se situent autour de 1,5 % cette année et la suivante. (Les salaires devraient normalement augmenter plus rapidement que l'inflation des prix en raison de la croissance de la productivité sous-jacente.)

Avec cela en tête, j'ai lu la déclaration que Draghi a faite aujourd'hui, où il a annoncé un maintien du taux directeur à 0,75 %, à la recherche d'une quelconque justification pour expliquer pourquoi rien n'a été fait malgré un déclin de l’activité et une inflation en-dessous de la cible. Après avoir énuméré toutes les raisons qui auraient normalement suggéré une baisse du taux directeur, il y a ceci : "dans ce contexte global, notre politique monétaire restera accommodante aussi longtemps que nécessaire".

Je suis désolé, mais il y a quelque chose qui cloche. La zone euro souffre d'un large choc de demande négatif (…) en partie à cause de l’austérité, mais aussi en raison du type d'ajustement des bilans que nous avons vu ailleurs. (Voir, par exemple, Reza Moghadam du FMI ici.) Sur le plan macroéconomique, nous avons un large déplacement sur la gauche de la courbe IS. Ce que la politique monétaire est censée faire en ces circonstances est de réduire les taux d'intérêt réels pour rétablir la demande. En langage macroéconomique, il s’agit de déplacer la courbe LM vers la droite jusqu'à ce que la demande soit rétablie. Bouger un peu le long de la courbe IS et dire “regardez, nous aidons“, n'est pas suffisant. La politique économique doit répondre à l'ampleur du choc. Maintenant, la politique monétaire est difficile à manœuvrer lorsque les signaux et les prévisions sont contradictoires. Mais quand tout est orienté dans la même direction, elle est vraiment facile.

On peut interpréter autrement ce que la BCE est en train de faire : elle comprend la macroéconomie de base, mais l'inflation des prix à la consommation de 1,7 % n’invite à aucune action (parce qu’elle est proche de 2 %) et la BCE s’attend (à la différence de l'OCDE) à ce que l'inflation reste à ce niveau. Mais est-ce plausible ? Le mot "chômage" n’apparaît pas dans la déclaration de Draghi. Or, l'OCDE s'attend à ce que le chômage soit à 12 % cette année et la suivante, soit un taux supérieur de 2 points de pourcentage à celui observé au cours de n’importe quelle année entre 2000 et 2010. Par conséquent, comment l'inflation des prix à la consommation pourra-t-elle se stabiliser juste un peu en dessous de 2 % ? Elle ne le pourra pas. Les prévisions de la BCE concernant l'inflation des prix à la consommation pour 2014 sont "entre 0,6 % et 2,0 %", exactement en ligne avec l'OCDE.

Donc, quelque chose ne tourne pas rond ici. Même si l’on suppose que la BCE se concentre sur la seule inflation des prix à la consommation et ne s’inquiète en rien pour l'activité économique, le chômage ou toute autre mesure de l'inflation, la banque centrale ne fait rien alors même que l'inflation future chute bien en-deçà de 2 %. (…) Elle ne fait pas son boulot. Qu'est-ce qui se passe dans cette situation ? Quelqu'un a-t-il le contrôle ultime de la BCE ? Est-ce que l’on a jamais imaginé que la BCE puisse ne pas faire son travail proprement ? »

Simon Wren-Lewis, « What does the ECB think it is doing? », in Mainly Macro (blog), jeudi 4 avril 2013.