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« L’une des conséquences de la mondialisation est que les biens sont produits de plus en plus loin du lieu où les idées sont créées. Cette spécialisation internationale en matière d'innovation ou de production apparaît clairement dans les données agrégées. Le graphique 1 montre que les filiales étrangères des multinationales des pays les plus innovants de l'OCDE (lorsque l’on mesure le degré d’innovation par le ratio des dépenses de recherche et développement dans le secteur manufacturier sur la valeur ajoutée locale) vendent davantage que les filiales des multinationales étrangères qui sont présentes sur le territoire domestique. Ce pattern est devenu plus prononcé avec l’essor de la mondialisation. Le graphique 2 montre que les dépenses de R&D par rapport à la valeur ajoutée manufacturière ont augmenté aux États-Unis de 8,7 % en 1999 à 12,7 % en 2009. Sur la même période, les entreprises américaines ont augmenté la part de leur emploi mondial total qui se trouve dans leurs filiales à l'étranger de 22% à 31%.

GRAPHIQUE 1 Recherche et développement (R&D) et production multinationale

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Ce phénomène soulève tout un ensemble de questions importantes. Comment la plus grande capacité à délocaliser la production à l'étranger affecte-t-elle la géographie de l'innovation et le bien-être national ? Certains pays gagnent-ils plus que d'autres ? Certains pays pourraient-ils être moins bien lotis ? Certains travailleurs sont-ils lésés au cours du processus ? (…)

GRAPHIQUE 2 R&D et emploi dans les entreprises manufacturières des Etats-Unis

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Lorsqu’elles déterminent le lieu où elles produiront pour servir un marché en particulier, les entreprises doivent arbitrer entre être proches de leurs clients pour éviter les coûts de transaction et produire dans le pays où les coûts de productions sont les plus faibles. En permettant aux entreprises de produire en-dehors de leur pays d’origine, la production multinationale conduit certains pays de se spécialiser dans l’innovation et d’autres à se spécialiser dans la production. Les pays qui se spécialisent dans l’innovation obtiennent des profits qui compensent en partie le coût de l’innovation. Grosso modo, ces pays exportent des idées et importent des biens.

Il y a deux forces qui déterminent la répartition de l'innovation dans les pays. Premièrement, les pays qui ont une forte productivité en matière d'innovation par rapport à la production ont tendance à se spécialiser dans l'innovation et, deuxièmement, les effets du marché domestique impliquent que la taille et la localisation du pays influent sur la répartition de la production et de l'innovation. Les effets du marché domestique poussent la production à se concentrer dans les pays avec un grand "marché potentiel", alors qu’ils tirent l'innovation vers des pays à grand "potentiel de production", c'est-à-dire vers des pays qui ont une main-d'œuvre importante (…). Nous pouvons considérer la première de ces forces comme un "avantage comparatif en matière d'innovation", tandis que la seconde force est liée à la proximité des consommateurs (pour la production) et des travailleurs (pour l'innovation). (...)

Le commerce bilatéral et les coûts de la production multinationale jouent un rôle essentiel dans la détermination de la structure de l'innovation et de la production mondiale. (…) La baisse des coûts associés à la production multinationale génère des gains d'efficacité, mais elle peut aussi dégrader la situation de certains pays ; c’est en particulier le cas lorsque l'innovation est amenée à quitter un pays, exposant ainsi ce dernier à une détérioration des termes de l'échange. Au sein des pays, les travailleurs ayant des types spécifiques de qualifications peuvent voir leur situation se détériorer même si le bien-être national s’élève. »

Costas Arkolakis, Natalia Ramondo, Andrés Rodríguez-Clare et Stephen Yeaple, « Innovation and production in the global economy », NBER working paper, n° 18972, avril 2013.