Wall Street

« Mohamed El-Erian dans le Financial Times affirme à nouveau que l'assouplissement quantitatif a eu peu d'avantages et qu’il génère une volatilité inutile sur les marchés financiers. Il présente l'orientation actuelle de la politique monétaire et la stratégie de sortie potentielle comme une expérience sans précédents qui génère des distorsions et une volatilité sur les marchés financiers que nous n’aurions jamais vues auparavant.

Il s'appuie sur deux exemples très simples pour expliquer comment les rendements obligataires deviennent volatiles lorsque les taux d'intérêt commencent à augmenter. La logique est simple et tous ceux qui connaissent les marchés obligataires l’ont comprise : une obligation à taux fixe qui a été émise hier verra son prix changer si les taux d'intérêt évoluent (de façon inattendue) au cours de la période où l’obligation est en circulation. Voici un extrait de son article : "Pour illustrer simplement, prenons l’exemple du bon du Trésor américain à 5 ans qui a été émis fin mars. (…) La plupart des investisseurs s’attendaient à l'émission qu’il ait un rendement total de 2,7 % au cours des deux années suivantes. Si, toutefois, les taux à 5 ans augmentent de 70 points de base, ce qu’ils ont fait au cours des trois mois suivants, (…), cela altère les perspectives de rendement".

Exact. Les obligations émises en mars sous l'hypothèse que les taux d'intérêt resteront bas au cours des cinq prochaines années apparaissent désormais comme un mauvais placement, puisque le marché s’attend aujourd’hui à un scénario de taux d'intérêt plus élevés. Que le marché ait raison ou non, cela demeure quelque chose de normal sur les marchés obligataires. Les nouvelles concernant les futurs taux d'intérêt entraîneront une volatilité des prix des obligations. En lisant l'article on a l'impression que la volatilité actuelle est inhabituelle et que c'est la faute aux politique de taux d'intérêt zéro et à l'assouplissement quantitatif menées par les banques centrales (…) : "Cette dynamique a été exacerbée lorsque les titres ont été artificiellement comprimés par la politique expérimentale de la banque centrale."

Nous pouvons voir que le marché commence effectivement à s'inquiéter à propos de la stratégie de sortie et que nous nous dirigeons potentiellement vers une période volatile en termes de taux d'intérêt. Mais il n'est pas correct de dire que ce que nous voyons est inhabituel. Chaque fois que la politique monétaire se resserre (quel que soit le niveau du taux d'intérêt), on observe une volatilité des taux d'intérêt. Et au cours des précédents épisodes, nous avons observé une volatilité aussi importante, voire même plus élevés que ce que nous avons observé jusqu’à présent.

Voici l’évolution du taux d'intérêt sur le bon du Trésor américain à 5 ans durant l'épisode de resserrement monétaire par la Fed en 1994 et au cours de la période actuelle.

GRAPHIQUES Taux d'intérêt sur les bons du Trésor américains à 5 ans

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Les deux épisodes ne sont pas directement comparables, mais comme nous pouvons le voir durant l'épisode de 1994, les taux à 5 ans sont passés de 5 % à 7 % en moins de 3 mois (dans l'épisode actuel, nous avons vu les taux augmenter d'environ 0,8 points de pourcentage au cours des deux derniers mois). Cette fois, il est très probable que les taux à 5 ans vont continuer à grimper et peut-être augmenter davantage que lors des précédents épisodes de resserrement monétaire (si nous le mesurons en points de pourcentage). Et cela pourrait surprendre ceux qui ne pensaient pas que la croissance reviendrait un jour, mais cela ne surprendra pas ceux qui ont parié au contraire sur une hausse (…). Il n’est pas correct de rendre la banque centrale et l'orientation actuelle de la politique monétaire responsables de cette volatilité. Il y a des échanges sur les marchés échangent car il y a divergences d'opinion quant à l'avenir. Certains auront raison et d’autres auront tort et cela va générer de la volatilité dans les rendements ex post. Si les banques centrales peuvent être proactives et recourir au forward guidance, elles ne peuvent pas contrôler toutes les anticipations relatives aux futurs taux d'intérêt. Si nous voulons juger les politiques monétaires et communications des banques centrales, nous devons attendre et voir si leur pratique du forward guidance qu’elles fournissent indiquait clairement ce qu'elles ont fait plus tard. »

Antonio Fatás, « The new normal is to forget economic history », in (blog), 10 juillet 2013. Traduit par M.A.

aller plus loin... lire « La stratégie de forward guidance » et « Bernanke et les taux d’intérêt à long terme »