« Le Rapport sur le commerce mondial 2013 de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a pour thème "les facteurs qui déterminent l'avenir du commerce mondial", qui dans un certain nombre de façons s'avèrent être les facteurs qui façonneront l'avenir de l'économie mondiale dans son ensemble. Voici quelques-uns des faits et des thèmes qui m'ont sauté aux yeux.

1. Le commerce international joue un rôle croissant de plus en plus important dans l'économie mondiale. Voici un graphique représentant le ratio des exportations mondiales de biens et services sur le PIB mondial. Les échanges ont fortement augmenté ces dernières décennies, passant de moins d'un cinquième du PIB mondial au milieu des années 1980 à près d'un tiers du PIB mondial en 2012. Et le commerce mondial semble s’être en grande partie redressé suite à la contraction qu’il a subi durant la Grande Récession de 2008-2009.

GRAPHIQUE 1 Ratio des exportations mondiales de marchandises et de services commerciaux sur le PIB mondial (en dollars courants)

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2. L’essor des échanges s’explique principalement par un accroissement des échanges de produits manufacturés. Du moins jusqu'à maintenant, les échanges de services sont de plus en plus en phase avec le commerce en général, mais la plupart des échanges impliquent encore l’industrie. Le premier graphique compare la croissance des échanges de biens manufacturés par rapport aux échanges de biens agricoles, de carburant et de minéraux.

GRAPHIQUE 2 Part des produits dans les exportations de marchandises depuis 1900 (en %)

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Peut-être à un certain moment dans l'avenir, les échanges de services dans l'économie mondiale vont croître plus rapidement que le commerce de biens. Mais du moins jusqu'à présent, ce n'est pas le cas. En l’occurrence, le graphique de droite montre la part des services dans le commerce global des biens et services. Cette part ne varie pas beaucoup.

GRAPHIQUE 3 Composition des exportations mondiales de biens et services commerciaux (en milliers de milliards de dollars et en %)

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3. Les échanges mondiaux de biens manufacturés sont principalement réalisés par un petit nombre de firmes multinationales (FMN) qui réalisent souvent des investissements directs à l'étranger (IDE) dans le cadre de la constitution de chaînes de valeur mondiales, si bien que les étapes pour fabriquer un produit sont de plus en plus nombreuses et sont réalisées par un nombre toujours plus élevé de pays.

"Malgré quelques exceptions notables comme les grandes compagnies pétrolières, les entreprises qui se livrent aux investissements directs à l’étranger (ces derniers désignant l'appropriation et la gestion d'actifs dans plusieurs pays en vue de produire des biens et services) étaient relativement rares avant 1945. Après la Seconde Guerre mondiale par contre, les IDE ont explosé, croissant plus rapidement que la production ou le commerce international... En 2009, on a estimé qu'il y avait 82.000 multinationales, contrôlant plus de 810.000 filiales dans le monde entier. Plus des deux tiers des échanges mondiaux sont réalisés à présent au sein des entreprises multinationales ou de leurs fournisseurs, ce qui souligne l'importance croissante des chaînes de valeur mondiales... La fabrication est de plus en plus gérée par des chaînes de valeur mondiales complexes (qui constituent alors les usines du monde) qui localisent différentes étapes du processus de production dans les endroits les plus rentables du monde..."

Voici un tableau indiquant la part des exportations de divers pays qui sont réalisées par les plus grands exportateurs. Par exemple, dans l'économie américaine, 1 % des plus grands exportateurs représentent 80 % de toutes les exportations. Dans les pays en développement, (…) les cinq premières entreprises exportatrices réalisent environ 80 % des exportations du pays.

TABLEAU Part des exportations réalisée par les plus grands exportateurs (en %)

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Avec les chaînes de valeur mondiales, les exportations d'un pays ipliquent et comportent des importations en provenance d'autres pays. Ainsi, il devient de plus en plus important pour mesurer le commerce mondial de se baser sur la valeur ajoutée réalisée au sein de chaque pays et non sur la valeur totale des importations brutes (…).

4. Les grands courants du commerce mondial ont changé. Il y a trois décennies, la majorité des échanges mondiaux étaient orientés Nord-Nord : c’était un commerce entre les pays à revenu élevé. Maintenant, seulement environ un tiers du commerce mondial est Nord-Nord, tandis que les parts Nord-Sud et Sud-Sud se développent rapidement.

GRAPHIQUE 4 Parts des échanges "Nord-Nord", "Nord-Sud" et "Sud-Sud" dans les exportations mondiales de marchandises (en %)

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5. Durant les décennies qui ont suivi la fin des années 1940, les mesures visant à accroître le commerce mondial ont consisté à réduire les droits de douane. Mais ces efforts ont été un tel succès que les barrières commerciales les plus importantes sont désormais des obstacles non tarifaires (…). Le rapport cite des études suggérant que "les coûts de transport représentent un obstacle plus important pour le commerce que les obstacles associés à la politique commerciale, tels que les droits de douane (…)". Les infrastructures de transport et de communication sont susceptibles d'être particulièrement importantes pour relier les économies les moins développées à l'économie mondiale. Par exemple, le rapport cite une étude suggérant que le continent africain a moins de kilomètres de route aujourd'hui qu'il n’en avait quelques décennies plus tôt.

6. De nombreux pays ont vu augmenter les transferts de fonds de la part des migrants. "Les transferts des migrants officiellement déclarés à destination des pays en développement, estimés à 406 milliards de dollars en 2012, représentent aujourd'hui plus de trois fois le montant de l’aide publique au développement (APD). Par rapport aux autres flux de capitaux privés, les envois de fonds ont montré une remarquable résistance au cours de la récente crise financière." Voici la liste de certains pays où les envois de fonds par les émigrés représentent au moins 20 % du PIB.

GRAPHIQUE Les dix plus grands destinataires de fonds envoyés par les migrants (en % du PIB)

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7. L'avantage comparatif est devenu plus fluide. Les exemples que l’on donne habituellement en cours pour expliquer le commerce international parlent de pays échangeant des produits reconnaissables comme des voitures, des ordinateurs, du pétrole et du blé et ces exemples suggèrent que les entreprises s’installent là où est relativement moins cher (en termes de coût d'opportunité) de produire certains biens. Mais avec l'évolution du commerce mondial, ces d'exemples marchent de moins en moins bien lorsqu’il s’agit d’expliquer le fonctionnement et les déterminants du commerce international. Dans une économie mondiale où les échanges impliquent des chaînes de valeur où des biens intermédiaires semi-finis sont produits et échangés, il est difficile de se contenter d’exemples où sont produits et échangés des biens finis tels que les voitures et les ordinateurs. Les lieux de production seront déterminés par les choix faits par un nombre relativement restreint de grands exportateurs sur les chaînes de valeur mondiales et par leurs décisions en matière d’investissements directs à l'étranger. Ces décisions seront quant à elles influencées par les investissements locaux dans les infrastructures de transport et de communication, ainsi que par le capital humain et l’environnement institutionnel et légal que l'économie locale peut fournir aux producteurs étrangers. Ces avantages sont moins liés aux salaires, à la productivité et aux ressources naturelles dans un sens statique que ne le suggèrent les exemples donnés couramment dans les manuels scolaires. Plutôt, c'est une sorte d'avantage comparatif flexible qui change régulièrement. »

Timothy Taylor, « Shifting patterns of global trade », in Conversable Economist (blog), 16 septembre 2013. Traduit par M.A.


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