« J’ai précédemment parlé de la pénurie d’investissement (investment dearth) qui est survenu dans les économies avancées à l’instant même où elles subissaient un excès mondial d’épargne (global saving glut), comme l’illustre le graphique ci-dessous. En particulier, l’expansion observée entre 2002 et 2007 a été caractérisée par des taux d’investissement plus faibles qu’au cours des deux précédentes expansions.

GRAPHIQUE 1 Investissement des pays avancés (en % du PIB)

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Si l’on réfléchit à cela (…) en utilisant les courbes d’épargne (offre) et d’investissement (demande), cela signifie que la courbe d’investissement pour ces pays s’est déplacée vers la gauche à l’instant même où les taux d’intérêt mondiaux baissaient. Mais qu’en est-il des pays émergents ? L’investissement des pays émergents n’a pas chuté au cours des 10 dernières années. Au contraire, il s’est accéléré très rapidement après 2000.

GRAPHIQUE 2 Investissement des pays émergents (en % du PIB)

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C’est plus que l’on ne pourrait s’y attendre en réaction à l’excès mondial d’épargne. L’épargne additionnelle doit aller quelque part (l’épargne doit être égale à l’investissement au niveau mondial). Comme les taux d’intérêt diminuent, les pays émergents entreprennent davantage d’investissements (on ne peut toutefois déterminer à partir d’une analyse aussi simple s’il s’agit simplement un déplacement le long de la courbe d’investissement ou d’un déplacement des opportunités d’investissement pour tout niveau donné des taux d’intérêt).

Nous pouvons aussi regarder en prenant le monde dans son ensemble.

GRAPHIQUE 3 Investissement mondial (en % du PIB)

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A partir de l’année 2000, nous pouvons voir une tendance vers un plus haut investissement tiré par les pays émergents. A l’équilibre, l’épargne et l’investissement se sont tous deux déplacés d’un même montant (au niveau mondial), donc comment pouvons-nous savoir s’il s’agit d’un excès d’épargne et non d’un accroissement des opportunités d’investissement ? Le fait que les taux d’intérêt déclinent au cours de ces années signifie que ces changements furent dominés par un déplacement de la courbe d’épargne vers la gauche (si cela avait été un déplacement de la courbe d’investissement, nous aurions vu les taux d’intérêt s’accroître). Les taux d’intérêt plus faibles qui en résultent menèrent à un investissement plus élevé dans les pays émergents, comme attendu, mais ils n’ont pas alimenté un quelconque investissement additionnel dans les pays avancés, ce qui signale un déclin des opportunités d’investissement dans ces pays. Que cela soit le signe d’une faiblesse structurelle qui empêche les pays avancés à continuer d’innover au même taux ou la conséquence de d’autres facteurs, notamment conjoncturels, reste une question ouverte. »

Antonio Fatás, « Where did the saving glut go? », 2 décembre 2013.


aller plus loin... lire « Larry Summers et la stagnation séculaire »