07eueconpic-master675.jpg

« Mario Draghi a démontré un grand talent à l’oral lorsqu’il a répondu aux questions à la conférence de presse hier. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi la BCE n’en fait pas plus en présence d’une faible inflation et potentiellement de pressions déflationnistes, il a répondu que la BCE en fait suffisamment et qu’il n’y a pas de déflation en zone euro, mais simplement une « période de faible inflation pour une période prolongée de temps ». Techniquement, il a raison, l’inflation est faible, mais reste positive, et les anticipations d’inflation ne suggèrent pas de la déflation dans l’immédiat.

Mais ce qui n’est pas clair, c’est le message qu’il a dressé en ce qui concerne les futures actions de la BCE. A quelle point l’inflation doit-elle être faible et durant combien de mois avant que la BCE considère comme nécessaire d’assouplir la politique monétaire ? Et pourquoi la BCE ignore-elle le second pilier de sa stratégie (l’offre de monnaie) lorsque les nombres montrent des taux de croissance qui inférieurs à la cible ? (Je ne suis pas fan du pilier monétaire, mais c’est toujours fascinant de voir comment la BCE semble chercher à reporter les chiffres de croissance de M3 et ensuite de les ignorer.)

Draghi a donné deux raisons pour justifier son inaction. L’une est l’argument habituel selon lequel il y a des risques des deux côtés : « des risques haussiers et baissiers pesant sur l’évolution future des prix (…) continuent de largement s’équilibrer sur le moyen terme ».

Cette phrase me rappelle les paroles que la Banque du Japon a tenues pour défendre son inaction lors des années avec déflation. Voici quelques extraits de la réunion des gouverneurs de la Banque du Japon en avril 2010 : “Au regard des risques pesant sur les prix, certains membres estiment qu’il faut continuer à faire attention à un possible déclin des anticipations d’inflation à moyen et long terme. Un membre a suggéré qu’il faut également faire attention au risque haussier qu’une hausse des prix des matières premières due à une surchauffe des pays émergents et des pays exportateurs de matières premières puissent mener à un taux d’inflation plus élevé qu’attendu au Japon ».

Comment est-il possible qu’au Japon en 2010, après plus de 20 ans de lutte contre la déflation et au cœur de la crise mondiale, la banque centrale puisse percevoir les risques comme équilibrés et que certains puissent craindre une surchauffe ? (…)

La seconde raison que Draghi a avancée est que la situation est très complexe et qu’ils doivent attendre de plus précises données en mars. Peut-être que c’est une manière de dire qu’ils sont sur le point d’agir, mais c’est confus et cela ne justifie pas pourquoi l’incertitude devrait mener à l’inaction. Draghi a raison : la zone euro n’est pas en déflation aujourd’hui. Mais si la BCE considère que les risques pesant sur l’évolution des prix sont équilibrés et si l’incertitude est une autre excuse pour l’inaction, on dirait que la BCE fait en sorte que la zone euro reste suffisamment proche de la déflation (et non d’une d’inflation de 2 %) et Draghi peut être sûr qu’il va qu’on lui posera les mêmes questions aux prochaines conférences de presse. »

Antonio Fatás, « ECB and its excuses for inaction », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 7 février 2014.


aller plus loin... lire « La zone euro est-elle au bord de la déflation ? »