« Le Programme de comparaison internationale (hébergé à la Banque mondiale) vient de publier ses nouvelles estimations des parités de pouvoir d'achat (PPA) qui sont utilisées pour comparer le PIB des différents pays. Ces estimations sont publiées à peu près tous les 5 ans et elles servent de base pour les statistiques en PPA utilisées par la plupart des organisations internationales et sources statistiques. Ces estimations sont mises à jour sur une base annuelle à l'aide des taux d'inflation, mais c’est l'enquête réalisée tous les 5 ans qui fournit des données complètes qui nous permettent de comparer le pouvoir d'achat entre les pays.

La publication a été reprise par tous les organes de presse en insistant sur le fait que la Chine semble plus grosse que ce que nous le pensions auparavant et qu’elle est susceptible de devenir la première économie d'ici la fin de l’année 2014 (c’est par exemple le cas du Financial Times). Les nouvelles concernant l’économie chinoise font les grands titres, mais de nombreux pays ont également vu des changements importants dans leurs estimations de PPA (…).

Avant de regarder les grandeurs, apportons une clarification en ce qui concerne la méthodologie : les estimations de PPA sont faites pour une année donnée (en l’occurrence 2011). Les chiffres de PPA publiés cette semaine prennent les mêmes données de PIB que nous utilisions déjà pour cette année et ce qu'ils font c’est publier une nouvelle série d'estimations de PPA qui permettent de convertir le PIB sur une base de pouvoir d'achat correcte pour cette année-là (2011). Bientôt la plupart des bases de données commenceront à utiliser ces estimations de PPA (à partir de 2011) pour extrapoler et calculer les derniers PIB annuels (par exemple 2013). Mais ce calcul sera réalisé en ajustant les estimations de PPA de 2011 avec les taux d'inflation nationaux. Pour comprendre ce qui a vraiment changé avec ces nouvelles estimations et éviter les éventuelles distorsions que l'utilisation du taux d'inflation pourrait provoquer, faisons un calcul simple : restons-en au PIB de 2011 et posons-nous la question suivante : combien est différente la taille des économies calculée en utilisant les PPA de 2011 par rapport à ce que nous pensions avant que ces estimations aient été publiées ? Avant que ces estimations soient publiées, nous avons utilisé les estimations des PPA calculées en 2005 et mises à jour en utilisant les taux d'inflation nationaux.

Si vous faites ce calcul, la Chine accroît sa taille d’environ 21 %. Mais la Chine n’est pas la seule. En fait, il y a 65 pays dont la taille s’est accrue même bien plus que ça. Et il y a environ 30 pays où la hausse a été supérieure à 50 %. Voici ci-dessous quelques exemples :

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L’économie des Emirats arabes unis a vu sa taille doubler et elle représente plus de 500 milliards de dollars (elle est donc plus large que la Belgique). L’Indonésie s’est élargie de 85 % pour passer à 2000 milliards de dollars et devient la dixième plus grande économie au monde (plus large que l’Italie et très proche du Royaume-Uni). Ce sont de très importants changements qui montrent que les plus récentes estimations en PPA ont introduit une focale complètement différente pour comparer les niveaux de prix et les niveaux de vie entre pays. Les pays émergents tendent à sembler beaucoup moins chers que ce que nous pensions plus tôt et donc leur PIB mesuré en PPA semble beaucoup plus grand. Ce qui est intéressant est que ceci n’a pas toujours été le cas. La précédente publication des estimations de PPA en 2005 provoqua de nombreuses controverses, notamment parce qu’elles réduisaient la taille de l’économie chinoise d’environ 15 %.

On peut affirmer que les variations dans la taille des pays ajustée en PPA ont peu d’impact pratique, le PIB n’a pas vraiment change. Ça impacte ceux qui s’inquiètent de la taille et des rangs des pays et pensent que les séries ajustées de PPA permettent de mieux capturer la taille (ce qui n’est probablement pas correct, mais je vais laisser ceci pour un autre billet). Mais ça impacte aussi ceux qui s’inquiètent à propos des comparaisons de niveaux de vie (pour eux la correction de PPA est formidable) : ces larges variations dans les estimations de PPA changent complètement notre lecture des niveaux de vie pour plusieurs pays. Si vous être un chercheur, soyez prêts à actualiser vos régressions ! »

Antonio Fatás, « Honey, I blew up a few economies », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 1er mar 2014. Traduit par Martin Anota.