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« L'augmentation des cours boursiers au cours des dernières années, combinée à des prix obligataires qui restent élevés (leurs rendements sont faibles), ont amené certains à suggérer que les actifs seraient surévalués, qu’il y aurait des bulles spéculatives et que nous risquons de connaître prochainement des krachs. Tous les actifs sont-ils trop chers ? Certains le pensent et ils qualifient la situation actuelle de "gigantesque bulle spéculative" où tous les actifs (les obligations, les actions, les matières premières, etc.) ont un prix excessivement élevé. D'autres considèrent qu’il n’y a de risques que sur les seuls marchés boursiers où les cours semblent croître plus rapidement que l'économie réelle. Mais il y a également ceux qui pensent que le marché boursier offre toujours un bon rendement.

Il y a deux perspectives qui peuvent nous aider à comprendre une telle divergence de points de vue à propos des prix des actifs :

1. Comment se peut-il que tous les prix des actifs soient surévalués ? Lorsque tous les prix d’actifs semblent trop élevés, nous suggérons que ces actifs offrent des rendements décevants. La question clé est de savoir s’il s’agit vraiment d’une valorisation incorrecte ou simplement si les rendements (d’équilibre) que l’épargne offre ces jours-ci sont faibles. Dans le Financial Times, Martin Wolf propose de nombreux arguments pour expliquer pourquoi les taux d'intérêt sont promis à rester faibles : dans un monde d’épargne abondante, les rendements seront faibles et les prix des actifs seront très élevé (j'ai déjà écrit à ce sujet). Alors peut-être que tous les prix des actifs ne sont pas trop élevés, mais simplement que les rendements ne sont pas aussi élevés qu'ils l'étaient auparavant.

2. Comment définir une bulle ? Avant de répondre à la question, il est bon de nous pencher sur les données empiriques. Neil Irwin au New York Times a superbement résumé les perspectives de la Bourse américaine en six graphiques. Qu'apprenons-nous ? Les cours des actions par rapport au niveau ou gains actuels sont élevés relativement aux normes historiques. En d'autres termes, si vous achetez sur le marché boursier aujourd'hui, vous devriez vous attendre à des rendements plus faibles que les rendements habituels. Est-ce une bulle ? Peut-être pas si ces faibles rendements sont compatibles avec les faibles rendements qui sont offerts ailleurs dans l'économie (on retrouve l'argument selon lequel "tous les prix des actifs sont élevés"). Si vous faites cette comparaison (voir l'article d’Irwin) et calculez la différence entre les rendements que l'on peut attendre des cours boursiers et les rendements obligataires, la différence est encore positive et cohérente aux valeurs historiques (c'est précisément l’argument qu’avance Brad DeLong). Donc, les cours paraissent élevés, mais tous les autres prix d’actifs le sont aussi. Une fois de plus, habituez-vous à de faibles rendements dans un monde où tout le monde veut épargner.

Cela signifie-t-il que tout va bien ? Non, tout dépend de ce que les investisseurs anticipent actuellement. Ce n’est pas simplement en regardant le niveau des cours boursiers ou des rendements attendus que l’on peut déterminer s’il y a ou non une bulle sur le marché boursier. Il y a une bulle lorsque les rendements anticipés sont incompatibles avec les cours actuels des actions et sont déconnectés des fondamentaux de l'économie. Si les investisseurs achètent des actions d'aujourd'hui en ayant comme références les rendements que nous avons observés au cours des dernières années, alors nous sommes en présence d’une bulle. Mais si les investisseurs achètent des actions aujourd'hui en les considérant comme un investissement ayant un faible rendement mais cohérent avec une autre forme d'épargne, alors tout va bien. (…)

Correct. Les actions ne sont pas une aussi belle affaire qu’elles l’étaient il y a deux ans (lorsque l'aversion au risque était très élevée). Leurs prix sont revenus à des niveaux compatibles avec les fondamentaux et ces fondamentaux peuvent offrir des rendements qui sont raisonnables au regard des autres opportunités d'investissement. Mais si tous les investisseurs espèrent encore une nouvelle bonne année sur le marché boursier, alors fuyez, car en aucun cas les fondamentaux peuvent justifier encore deux années de rendements très élevés. »

Antonio Fatás, « When all asset prices are too damn high », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 6 mai 2014. Traduit par Martin Anota.



aller plus loin… lire « Pourquoi les taux d'intérêt réels sont-ils si faibles ? »