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« Voici un aperçu des PIB par habitant qui viennent juste d’être publiés par la Banque mondiale dans son rapport "Purchasing Power Parities and Real Expenditures of World Economies: Summary of Results and Findings of the 2011 International Comparison Program". Je vais me concentrer ci-dessous sur la façon par laquelle ce calcul est fait. Mais tout d'abord, penchons-nous sur la tendance générale. Les tranches verticales colorées correspondent aux pays, classés par ordre croissant selon leur PIB par habitant, bien que le nom de tous les pays ne soit pas indiqué. L'axe horizontal indique la part d’un pays dans la population mondiale (…). L'axe vertical représente le PIB par habitant pour chaque pays. Ainsi, l'Inde et la Chine apparaissent comme de grands pays en raison de leur grande population, mais leur PIB par habitant est inférieur à la moyenne mondiale, en l’occurrence 13 460 dollars.

GRAPHIQUE PIB réel par habitant et parts dans la population mondiale en 2011

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source : Banque mondiale (2014)

(…) Considérons les 12 plus grandes économies au monde. Il n'est pas surprenant de voir les Etats-Unis et la Chine au sommet de la liste, mais saviez-vous que l'Inde est maintenant la troisième plus grande économie au monde, devant le Japon et l'Allemagne ? En effet, 6 des 12 plus grandes économies au monde sont des "pays à revenu intermédiaire", indiqués en caractère gras et en italique (…). La dernière colonne indique le rang en fonction du PIB par habitant. Lorsque l’on utilise cette mesure, les États-Unis se classent derrière un certain nombre de petits pays comme le Qatar, les Émirats arabes unis, le Luxembourg et Macao, qui ont des populations si petites qu'ils ne sont pas présentés comme barres verticales sur le graphique ci-dessus. Je reviendrai sur la colonne indiquant la mesure "en fonction des taux de change".

TABLEAU 1 Les 12 plus grandes économies selon leur part dans le PIB mondial en 2011

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source : Banque mondiale (2014)

Observons les données sous un autre angle. La partie supérieure du tableau concernant la "part des dépenses" montre, par exemple, que 50,3 % du PIB mondial appartient aux pays à revenu élevé, 48,2% aux pays à revenu intermédiaire et seulement 1,5 % aux économies à faible revenu. La partie inférieure du tableau montre les comparaisons sur une base par personne : par exemple, le PIB par habitant est d'environ 40 000 dollars dans les pays à revenu élevé, 9000 dollars dans les pays à revenu intermédiaire et 1800 dollars dans les pays à faible revenu.

TABLEAU 2

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source : Banque mondiale (2014)

Comment ces types de calculs sont-ils obtenus ? Pour comparer la taille des économies nationales, chacune d’elles est mesurée dans sa propre monnaie domestique, mais vous avez ensuite besoin d'un taux de change. Une possibilité est évidemment d'utiliser le taux de change du marché, mais cette approche rencontre deux difficultés majeures.

Le problème, c’est que les taux de change varient significativement en l’espace de quelques mois ou années. Par exemple, un euro valait 1,46 dollar en mai 2011, 1,21 dollar en juillet 2012 et 1,35 dollar en février 2013. Si vous avez converti le PIB de la zone euro en dollars américains en utilisant le taux de change du marché, c’est comme si le PIB de la zone euro avait connu un plongeon digne d’une dépression au cours de l'année où la valeur de l'euro a chuté, puis aurait connu un boom les six mois suivants lorsque la valeur de l'euro a augmenté. Mais cette conclusion serait erronée, car elle serait basée sur les fluctuations du taux de change du marché et non sur des changements réels dans ce qui a été produit et consommé dans l'économie de la zone euro. Bien sûr, des variations encore plus fortes des taux de change du marché (comme la valeur du peso argentin qui a chuté entre début 2011 et aujourd’hui, passant de 0,25 dollar au début de 2011 à environ 0,12 dollar) seraient encore plus trompeuses si elles étaient utilisées pour tirer des conclusions sur l'évolution du PIB réel.

L'autre difficulté est que le coût d’achat d’un certain produit dans un pays à revenu élevé comme les États-Unis peut être différent (et souvent plus élevé) que le coût d’achat du même article dans un pays à faible revenu. En conséquence, le revenu dans un pays à faible revenu possède souvent un plus grand pouvoir d’achat, ce qui rend les comparaisons avec les revenus des pays à revenu élevé trompeuses. C'est pourquoi, dans le tableau 1, la part des économies à revenu intermédiaire dans l'économie mondiale semble plus petite lorsqu'elle est calculée en utilisant les taux de change du marché que lorsqu'elle est calculée en utilisant les PPA.

Pour surmonter les problèmes liés à l'utilisation des taux de change basés sur le marché, une approche commune depuis les années soixante a été d’utiliser le taux de change en "parité de pouvoir d’achat" déterminé par le Projet de comparaison internationale, qui fait désormais partie de la Banque mondiale. En déterminant un taux de change PPA, on cherche à déterminer le "pouvoir d'achat" d'une monnaie en termes de ce qu’elle peut acheter. Le calcul du taux de change PPA est maintenant effectué une fois tous les six ans, parce que c'est une tâche titanesque, qui demande de collecter un large éventail de données relatives aux prix dans 199 pays différents, en essayant de tenir compte des différences dans la qualité, puis de compiler le tout dans des indices des prix comparables. Le rapport qui vient de paraître est basé sur les données de l’année 2011.

Le rapport explique que "les PPA sont des rapports de prix qui constituent le rapport entre les prix en monnaie nationale d’un même bien ou service dans différents pays. Par exemple, si le prix d'un hamburger est de 4,80 euros en France et de 4,00 dollars aux États-Unis, la PPA pour les hamburgers entre les deux économies est de 0,83 dollar pour un euro du point de vue français (4.00/4.80) et de 1,20 euro pour un dollar du point de vue des États-Unis (4.80/4.00). En d'autres termes, pour chaque euro dépensé en hamburgers en France, il faudrait dépenser 0,83 dollar aux États-Unis pour obtenir la même quantité et qualité (c’est-à-dire le même volume) en hamburger. Inversement, pour chaque dollar dépensé en hamburgers aux États-Unis, il faudrait dépenser 1,20 euro en France pour obtenir le même volume d’hamburgers. Afin de comparer les volumes d’hamburgers achetés dans les deux économies, soit les dépenses en hamburgers en France sont exprimées en dollars en les divisant par 1,20, soit les dépenses en hamburgers aux États-Unis sont exprimées en euros en les divisant par 0,83."

"Les PPA sont calculées par étapes : d'abord pour les biens et services individuels, puis pour des groupes de produits et enfin pour chacun des différents niveaux d'agrégation jusqu'au PIB. Les PPA continuent d’être des rapports de prix si elles se rapportent à un groupe de produits, à un niveau d'agrégation ou au PIB. En remontant la hiérarchie d'agrégation, les rapports de prix se réfèrent à des assortiments de plus en plus complexes de biens et de services. Ainsi, si la PPA pour le PIB entre la France et les États-Unis est de 0,95 euro pour un dollar, on peut en déduire que pour chaque dollar dépensé sur le PIB aux États-Unis, il faudrait dépenser 0,95 euro en France pour acheter le même volume de biens et de services. L'achat de la même quantité de biens et de services ne signifie pas que les paniers de biens et services achetés dans les économies seront identiques. La composition des paniers varie entre les pays et reflète des différences dans les goûts, les cultures, les climats, les structures de prix, les disponibilités des produits et les niveaux de revenu, mais les deux paniers vont fournir, en principe, une satisfaction ou utilité équivalente."

De toute évidence, ces taux de change PPA pour 199 économies ont une bonne dose d'arbitraire (…). Angus Deaton a consacré le discours présidentiel qu’il a tenu en 2010 à l’American Economic Association (disponible gratuitement en ligne ici) pour détailler les "faibles fondements théoriques et empiriques" de ces mesures. D’une certaine manière, ces problèmes sont inévitables : c'est sans doute une tâche herculéenne de calculer et défendre une mesure monétaire unique qui puisse nous permettre de comparer les niveaux de vie moyens entre, par exemple, les États-Unis, le Japon, la Chine, l'Inde, le Brésil, l'Indonésie, l'Egypte et Nigeria, avec plus de 100 autres pays. Mais les imperfections incontestables des statistiques économiques ne dénuent pas ces statistiques de toute signification. En revanche, cela signifie qu’elles doivent être interprétées avec suffisamment de recul en ayant en tête que ces estimations peuvent avoir d'importantes marges d'erreur. »

Timothy Taylor, « GDP snapshots from the International Comparison Project », in Conversable Economist (blog), 9 mai 2014. Traduit par Martin Anota