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« La semaine dernière, la BCE a annoncé de nouvelles actions de politique monétaire pour restaurer la croissance dans la zone euro et ramener l’inflation au plus près de sa cible de 2 %. Les taux d’intérêts ont été réduits et elle a annoncé de nouveaux prêts aux banques commerciales. De plus, il y a un projet d’achats de titres adossés sur actifs.

Certains doutent de l’efficacité des récentes actions de politique monétaire parce qu’elles ne conduisent par un accroissement suffisant des prêts accordés au secteur privé. La liquidité semble rester sur les comptes que les banques commerciales détiennent à la banque centrale (les réserves). A cause de ça, la Banque d’Angleterre et désormais la BCE procèdent à des injections de liquidité liées aux prêts au secteur privé par les institutions financières qui empruntent cette liquidité.

Le rôle que les réserves jouent dans les récentes actions de politique monétaire par la BCE prête quelquefois à confusion. Certains semblent penser que les niveaux élevés de réserves que les banques détiennent signifie un échec de la banque centrale à générer des prêts additionnels au secteur privé. La logique derrière ce raisonnement est que les réserves restent importantes parce que les banques ne désirent pas suffisamment prêter. Mais c’est une mauvaise conception des réserves. Elles ne peuvent simplement être vues comme des ressources qui attendent à être fournies comme prêts au secteur privé. Les réserves sont un passif dans le bilan de la banque central et il est créé lorsque la banque centrale décide d’allouer plus de prêts aux banques commerciales ou lorsqu’elle décide d’acheter des titres. Si une banque commerciale décide de donner un prêt à l’un de ses clients (ménage ou entreprise), les réserves ne disparaissent pas. Une fois que le client utilise son prêt pour acheter quelque chose, ces réserves sont transférées d’une banque commerciale à une autre, mais le niveau de réserves reste constant.

Comment les réserves peuvent-elles diminuer ? Dans le cas de la BCE, la plupart de ses injections de liquidité ont été faites via des prêts aux banques commerciales. Les réserves vont seulement diminuer lorsque les banques commerciales rembourseront leurs prêts à la banque centrale (ou lorsque la banque centrale décidera de réduire le montant de prêts qu’elle fournit lorsque certains prêts sont remboursés). Donc toute hausse de provision de prêts par la BCE va mener à une hausse des réserves. Voici ci-dessous deux séries : les prêts aux banques commerciales (un actif pour la BCE) et les réserves des banques commerciales à la BCE (un passif pour la BCE). Les deux séries sont en millions d’euros.

GRAPHIQUE 1 Prêts de la BCE aux institutions financières

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GRAPHIQUE 2 Réserves des institutions financières à la BCE

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L’évolution des deux séries est similaire. La large hausse des prêts (LTRO) qui débuta à l’automne 2011 mena à une large hausse des réserves. Depuis lors, les deux séries ont chuté comme les banques commerciales de la zone euro ont remboursé leurs prêts (volontairement). Donc le bilan de la BCE s’est fortement contracté ces derniers mois. La nouvelle vague de prêts annoncée par Mario Draghi est susceptible d’accroître à nouveau les deux séries (bien que l’ampleur de cet accroissement dépende de la manière par laquelle les institutions financières de la zone euro trouvent nécessairement de puiser dans le financement additionnel de la BCE).

Le fait que les deux séries varient ensemble ne signifie pas que les actions de la banque centrale soient inefficaces. Il est possible que la disponibilité en financement pour certaines banques les amène à fournir plus de prêts au secteur privé. Ce que l’on ne peut pas faire, c’est juger du succès de ces actions en observant le niveau de réserves dans le système financier. Le niveau de réserves ne va pas changer lorsque les privés sont accordés. A titre de comparaison, le profil des séries ci-dessus pour la Réserve fédérale des Etats-Unis est très différent : elles s’accroissent, mais ne décroissent pas du tout. La raison en est que la banque centrale américaine a accru son bilan en achetant des titres. Donc les réserves sont créées en contrepartie de l’achat de ces titres. Dans ce cas, le niveau de réserves est même plus directement lié aux actions de la banque centrale. C’est seulement lorsque la banque centrale décide de vendre ces titres que le niveau des réserves va diminuer. Et c’est le nouveau pas que Draghi a promis de faire dans sa conférence de presse la semaine dernière, la BCE est disposée à s’engager dans un véritable assouplissement quantitatif via l’achat de titres adossés sur actifs. »

Antonio Fatás, « Is liquidity stuck at banks? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 9 mai 2014. Traduit par Martin Anota