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« Les orientations prospectives (foward guidance) en présence d’une borne inférieure zéro (zero lower bound) ont pour but de clarifier la trajectoire des taux directeurs visée par les banques centrales. Ces orientations peuvent elles-mêmes avoir un effet de stimulation lorsqu’elles révèlent que les taux directeurs resteront sans doute bas plus longtemps que ce qu’avaient anticipé les marchés. Elles peuvent en outre réduire l’incertitude et, partant, atténuer la volatilité des taux d’intérêt, voire, par ce biais, réduire les primes de risque.

Pour être efficaces, les orientations prospectives doivent remplir trois conditions. D’abord, elles doivent être énoncées clairement. En principe, la clarté peut être renforcée en indiquant précisément les conditions qui s’y appliquent ; sachant toutefois que des détails précis peuvent être déroutants si ces conditions sont trop complexes. Ensuite, elles doivent être considérées comme un engagement crédible, autrement dit, l’opinion publique doit croire ce que dit la banque centrale ; plus elle y croit, plus l’impact probable des orientations sur les anticipations des marchés et sur les décisions économiques est important, mais plus grand aussi est le risque que la banque centrale ait les mains liées. Enfin, même si l’opinion comprend les orientations prospectives et y croit, elle doit aussi les interpréter dans le sens désiré. L’opinion peut par exemple voir, à tort, dans une intention communiquée de maintenir les taux directeurs au plancher du taux zéro plus longtemps que le marché ne l’anticipait l’indication d’une vision plus pessimiste de la banque centrale quant aux perspectives économiques, auquel cas la baisse de confiance qui en résulterait pourrait aller à l’encontre de la stimulation recherchée.

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source : BRI (2014)

L’expérience montre que les orientations prospectives ont réussi à influencer les marchés sur certains horizons. Elles ont réduit la volatilité des taux d’intérêt anticipés par les marchés financiers sur horizon court, mais moins sur horizon plus long (cf. graphique, cadre de gauche). Ce constat est conforme à l’idée que les marchés considèrent les orientations comme un engagement conditionnel dont la validité se borne à la trajectoire à court terme des taux directeurs. Des données montrent d’autre part que les orientations prospectives influencent la sensibilité des taux d’intérêt aux nouvelles économiques. La réactivité de la volatilité des taux d’intérêt dans la zone euro et au Royaume-Uni à la volatilité des taux américains a considérablement diminué après l’adoption d’orientations prospectives par la BCE et la Banque d’Angleterre au cours de l’été 2013 (cf. graphique, cadre du milieu). Par ailleurs, des données indiquent également que les orientations prospectives ont rendu les marchés plus sensibles aux indicateurs qu’elles mettent en avant. Ainsi, à partir de 2012, le rendement de l’obligation américaine à 10 ans a réagi plus vivement aux surprises réservées par les chiffres de l’emploi non agricole (cf. graphique, cadre de droite) ; une interprétation possible est que les nouvelles illustrant une reprise plus vigoureuse tendent à avancer le moment anticipé du dépassement du seuil du taux de chômage et du relèvement des taux directeurs.

Les orientations prospectives posent aussi un certain nombre de risques. Si l’opinion publique ne comprend pas parfaitement leur caractère conditionnel, la réputation et la crédibilité de la banque centrale peuvent être menacées en cas de révisions fréquentes et substantielles de la trajectoire des taux, même si les changements sont conformes aux conditions initialement énoncées. Les orientations prospectives peuvent en outre engendrer des risques financiers par deux voies. D’abord, si les marchés financiers se focalisent trop sur les orientations prospectives de la banque centrale, un recalibrage de ces dernières pourrait entraîner des réactions des marchés déstabilisantes. Ensuite, et surtout, les orientations prospectives pourraient donner l’impression d’un ralentissement du rythme de normalisation de la politique monétaire, ce qui pourrait encourager une prise de risque excessive et favoriser l’accumulation de vulnérabilités financières. »

Banque des Règlements Internationaux, 84ième rapport annuel, « La politique monétaire aux prises avec la normalisation », 29 juin 2014.



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