« La banque centrale de Suède vient juste de ramener ses taux d’intérêt à zéro en raison des risques de déflation. Cette action fait suite à une longue période durant laquelle elle a ignoré les avertissements répétés de Lars Svensson qui l'avait rejointe en 2007 et qui démissionna ensuite en raison des désaccords qu’il avait avec les décisions de politique monétaire. Ce qui est intéressant, ce sont les parallèles entre les décisions de la Riksbank et celles de la BCE. Dans les deux cas, ces banques centrales ont eu une période d’optimisme durant laquelle elles relevèrent leurs taux d’intérêt pour contenir les pressions inflationnistes. Dans le cas de la Suède, les taux d’intérêt suédois passèrent en 2012 de presque zéro à 2 %. Dans le cas de la BCE, les taux d’intérêt sont passés de 1 % à 1,5 % en 2011. En outre, dans les deux cas, après une expansion significative de leurs bilans suite à la crise de 2008, il y eut une forte réduction dans les années qui suivirent. Durant l’année 2010, le bilan de la Riksbank fut réduit de plus de la moitié. Dans le cas de la BCE, son bilan s’est contracté de près de mille milliards d’euros en 2013. Les décisions prises par ces banques centrales se distinguent de celles de la Fed et de la Banque d’Angleterre. Celles-ci n’ont toujours pas relevé leurs taux directeurs et elles n’ont pas commencé à réduire leur bilan.

Les conséquences des politiques de la BCE et de la Riksbank sont évidentes : une chute continue de leurs taux d’inflation a accru le risque d’une déflation ou tout du moins d’une trop faible inflation (lowflation). Ce qui est plus surprenant à propos de leurs actions politiques est la lenteur de leur réaction, alors que les données signalent clairement que leur politique monétaire était excessivement restrictive depuis plusieurs mois, voire depuis plusieurs années. Dans les deux cas, leurs décisions de diminuer leurs taux d’intérêt ou d’entreprendre davantage d’actions n’ont été prises que graduellement. Et à chaque fois qu’une mesure est annoncée, la réaction des marchés a toujours été de demander quelle sera la prochaine. Ainsi, la question qui se pose depuis l’annonce de la Riksbank est quand elle commencera à mettre en œuvre sa propre version de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing). Suite aux dernières annonces de la BCE, de futures actions plus agressives sont attendues.

Ce que nous avons appris de ces deux exemples est que les banques centrales sont beaucoup moins responsables (accountable) que ce que nous pensions à propos des cibles d’inflation. Et elles profitent du manque de clarté de la définition de leurs cibles pour adopter une politique qui est clairement asymétrique. Il est normal de prendre son temps pour aller d’une inflation nulle à une inflation de 2 %, mais si l’inflation avait été 4 %, je suis sûr que leurs actions auraient été plus agressives. Dans le cas de la BCE, le raisonnement est que la cible d’inflation est définie comme une cible asymétrique ("proche de, mais inférieure à, 2 %"). Mais cette asymétrie, qui ne fut jamais un problème avant la crise actuelle, réduit la capacité des banques centrales à réagir à une crise sévère avec des risques déflationnistes.

Ce que nous avons appris durant la crise est qu’une cible d’inflation asymétrique de 2 % est trop faible. Relever la cible d’inflation serait la bonne chose à faire, mais en l’absence d’une plus haute cible, nous aurions au moins pu inverser l’asymétrie associée au mandat de la BCE. L’inflation doit être proche de, mais supérieure à, 2 % et cela inciterait la banque centrale à réagir agressivement lorsque l’inflation est durablement inférieure à 2 %. »

Antonio Fatás, « Riksbank and ECB: reverse asymmetry », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 29 octobre 2014. Traduit par Martin Anota



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