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« Ses appels pour une relance budgétaire mondiale en 2008-2009 furent justifiés et eurent une réelle influence sur l'orientation des politiques économiques, mais son soutien en 2010-2011 pour un resserrement budgétaire dans certains pays avancés fut prématuré. Au même instant, le FMI eut raison de recommander un assouplissement monétaire dans ces pays si nécessaire pour maintenir la reprise. Cependant, cette combinaison de politiques conjoncturelles ne fut pas efficace pour promouvoir la reprise et elle exacerba les effets de débordement adverses. Au fur et à mesure que le temps passa et que les perspectives de croissance s’assombrirent, le FMI fit preuve de flexibilité en reconsidérant ses recommandations de politique budgétaire et appela pour un ralentissement dans la mise en œuvre des plans d’austérité. (...)

Le FMI fut l’un des principaux partisans d’une relance budgétaire coordonnée suite à l’effondrement de Lehman Brothers. Ses propres travaux sur le sujet au cours de l’année 2008 l’amenèrent à être l’un des principaux partisans de la relance budgétaire mondiale. Le FMI expliqua que les relances mises en œuvre par plusieurs pays simultanément limiteraient les fuites du point de vue national, ce qui réduit la tentation du recours au protectionnisme. En novembre 2008, il proposa que les pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire contribuent à une relance budgétaire discrétionnaire représentant 2 % du PIB mondial, en plus de l’action des stabilisateurs automatiques. La relance budgétaire fut préconisée non seulement pour les pays au cœur de la crise financière, mais aussi pour d’autres économies, notamment les pays-membres de la zone euro et les pays émergents. (…) L’expansion budgétaire qui suivit est largement reconnue comme ayant reconnu à écourter et à atténuer la récession.

En 2010 et 2011, le FMI conseilla aux principaux pays avancés de resserrer leur politique budgétaire. Il craignait en effet que les larges déficits budgétaires et l’envolée de la dette publique ne menacent la solvabilité budgétaire et exacerbent le risque de crise budgétaire. En outre, le FMI prévoyait fin 2009 que la croissance économique dans les pays avancés deviendrait positive en 2010 et se renforcerait à moyen terme. Donc, en 2010, le FMI approuvait la consolidation budgétaire que le Royaume-Uni amorça au milieu de l’année et le resserrement budgétaire que les autorités américaines projetaient pour l’année 2011. En outre, toujours en 2010, le FMI recommanda que chaque pays-membre de la zone euro s’engage dans une consolidation budgétaire d’ici 2011, de façon à améliorer la confiance des investisseurs. En l’occurrence, le FMI appela l’Allemagne à amorcer la consolidation budgétaire en 2011 pour donner l’exemple aux autres pays-membres de la zone euro. (…) Le graphique montre que la politique budgétaire devint restrictive dans les pays avancés à partir de 2011.

GRAPHIQUE Orientation de la politique budgétaire (en % du PIB potentiel)

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En parallèle, le FMI conseilla d’utiliser des politiques monétaires expansionnistes, notamment l’assouplissement quantitatif (quantitative easing), pour contrer le frein budgétaire résultant de la consolidation budgétaire et à soutenir la croissance si nécessaire. Comme la croissance économique dans les pays avancés s’est révélée systématiquement décevante entre 2011 et 2013, le FMI recommanda d’assouplir progressivement les politiques monétaires pour stimuler la demande globale. La vision qui dominait au FMI était que la politique monétaire devait être le principal outil pour stimuler la demande agrégée (…). En 2012, le FMI commença à réviser ses vues sur la politique budgétaire et appela subséquemment pour un ralentissement de la consolidation budgétaire si possible, notamment en raison du fait que les reprises étaient plus faibles qu’anticipées dans les pays avancés. Ses propres analyses, notamment celles de ses Prévisions de l’économie mondiale d’automne 2012, suggéraient que la consolidation budgétaire serait plus dommageable à la croissance qu’il ne le supposait précédemment.

Les recommandations du FMI étaient-elles justifiées ?


L’appel du FMI à une relance budgétaire et à un assouplissement monétaire entre 2008 et 2009, en particulier pour les grands pays avancés et pour certains pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire, fut approprié et tout à fait opportun. Il était également approprié d’appeler à partir de 2010 à maintenir des politiques monétaires très expansionnistes dans les pays avancés, dans la mesure où la politique budgétaire était restrictive dans ces pays (même si, comme nous allons le voir par la suite, une plus grande attention aurait dû être portée aux effets de débordement adverses). En outre, au fur et à mesure que le temps passa, le FMI appela à ralentir le rythme de la consolidation budgétaire et il s’est montré de plus en plus compréhensif quant aux mesures de gestion des mouvements de capitaux prises par les pays émergents pour contrer les effets de débordement. Par contre, avec le recul, certains de ses conseils se révèlent inappropriés.

L’appel du FMI à resserrer la politique budgétaire s’est révélé prématuré pour plusieurs pays avancés, comme les projections de croissance se révélèrent par la suite trop optimistes. En outre, à partir de 2010, le FMI conseilla aux pays avancés de combiner la consolidation budgétaire avec un assouplissement monétaire. Ce n’est toutefois pas la combinaison que préconisent les études qui ont évalué l’efficacité relative des politiques conjoncturelles suite à une crise financière associée à un surendettement privé. Puisque le secteur privé cherchait à se désendetter, la demande de crédit s’est montrée moins sensible à la politique monétaire accommodante, quelle que soit la capacité de cette dernière à maintenir de faibles taux d’intérêt ou à accroître les prix d’actifs. Entretemps, un large ensemble d’analyses, notamment celles du FMI, indiquèrent que les multiplicateurs budgétaires étaient plus élevés qu’à la normale suite à la crise, ce qui suggère que la politique budgétaire expansionniste était bien plus efficace qu’avant-crise pour stimuler la demande.

Plusieurs analystes et responsables politiques ont affirmé que combiner une relance budgétaire et un assouplissement monétaire aurait permis de stimuler plus efficacement la demande globale et de réduire plus rapidement le chômage, ce qui aurait limité les effets de débordement adverses. Attendre davantage avant d’embrasser l’austérité budgétaire aurait aussi permis de ne pas autant avoir à assouplir la politique monétaire, donc également de limiter les effets secondaires négatifs.

Les conseils du FMI furent aussi bien influencés par l’évaluation des risques associés aux différentes politiques que par le déroulement de la crise de la zone euro. Par exemple, le FMI a craint une propagation de la crise budgétaire à des pays comme les Etats-Unis ou le Japon, alors même que les rendements obligataires avaient atteint un minimum historique dans ces derniers. C’est la crise budgétaire que connaissaient les pays périphériques de la zone euro qui nourrissait les craintes du FMI. Pourtant leurs expériences ne peuvent se généraliser puisque ces pays ne disposent pas de politique monétaire autonome et ne peuvent pas emprunter dans leur propre devise. En outre, l’analyse de la soutenabilité de la dette réalisée par le FMI ne prit pas en compte le fait que les multiplicateurs budgétaires pouvaient être bien plus élevés suite à une crise financière et feraient de la politique budgétaire un puissant outil pour raviver l’économie. Lorsqu’il recommanda de resserrer la politique budgétaire et d’assouplir la politique monétaire, le FMI ne négligeait le désendettement prolongé que connait l’économie lorsque les agents privés cherchent à nettoyer leurs bilans suite à une crise financière.

Les risques d’une politique monétaire ultra-expansionniste, notamment des mesures "non conventionnelles", ne furent pas pleinement considérés avant 2013 ; et on jugeait que les mesures non conventionnelles devaient être maintenues car la demande globale restait insuffisante et que les risques pouvaient être facilement gérés. L’attention portée sur les risques d’effets de débordement associés à l’assouplissement quantitatif était insuffisante au regard des perturbations que les pays émergents connaissaient depuis la crise. Les rapports du FMI de 2011 et 2012 ont minimisé l’impact adverse que pouvait avoir l’assouplissement quantitatif sur les pays émergents en termes de volatilité des valeurs financières et des taux de change.

En 2013, le FMI mit l’accent sur la tension croissante entre les politiques monétaires accommodantes et la stabilité financière, dans la mesure où les marchés du crédit connaissaient une reprise plus rapide que dans les cycles habituels et où les pays émergents risquaient de connaître des entrées de capitaux déstabilisatrices. Malgré ces risques, ces rapports conclurent que la politique monétaire devait rester accommodante pour rapprocher les économies avancées du plein emploi. En septembre 2013, le FMI éclaira davantage les risques que faisait peser sur les pays émergents le retrait des politiques monétaires non conventionnelles, mais les pays émergents connaissaient alors déjà une forte volatilité sur leurs marchés des changes suite à l’annonce d’une réduction (tapering) des achats d’actifs par la Fed. »

Independent Evaluation Office (IEO), IMF Response to the Financial and Economic Crisis, « Assessing IMF macroeconomic advice in the crisis aftermath », octobre 2014, pages 9-13. Traduit par Martin Anota