« Au cours des cinq prochains mois, nous allons en entendre beaucoup à propos de la force de la reprise du Royaume-Uni depuis 2013. Oubliez 2011 et 2012, certains vous diront que la reprise est finalement bonne. Pour juger de la validité de ces affirmations, nous pouvons observer les dernières données de l’ONS pour la production par tête. Lorsque l’on compare cette reprise aux précédentes, il est important d’utiliser le PIB par tête plutôt que le PIB, parce que la croissance de la population a été bien plus rapide au cours de la dernière décennie par rapport aux trois précédentes. Le PIB par tête est une bien plus pertinente mesure des niveaux de vie moyens que le PIB. Voici la croissance annuelle du PIB par tête au Royaume-Uni depuis 1980 (source : ONS).

Simon_Wren-Lewis__reprise_royaume-uni__croissance_pib_par_tete.jpg

La récession de 1980-1981 fut suivie par des années de croissance supérieure à 2 %. La récession associée à la crise du Système Monétaire Européen également. A l’inverse, après la récession de 2008-2009, nous avons eu une très faible reprise. Même la croissance en 2013 est bien en-deçà de la moyenne de 2,2 % de la période 1971-2007. Ce n’est seulement qu’en 2014 que nous semblons être retournés à la tendance. Voici les plus récents taux de croissance trimestrielle.

Simon_Wren-Lewis__reprise_royaume-uni__taux_croissance_trimestrielle_pib_par_tete.jpg

Le taux de croissance trimestriel tendanciel est d’environ 0,55 %, donc c’est seulement lors des deux derniers trimestres que la croissance semble excéder cette tendance. Donc la meilleure chose que l’on puisse dire jusqu’à présent par rapport à la croissance est que nous avons réussi ces deux dernières années à retourner à la croissance tendancielle. Nous n’avons par contre fait aucun progrès pour à regagner le terrain que nous avons perdu en 2010-2012, sans parler du terrain que l’on a perdu lors de la récession de 2008-2009.

N’est-ce pas également vrai ailleurs ? Seulement en zone euro, puisque celle-ci a en 2013 des niveaux de PIB par tête bien en-deçà de ses niveaux de 2007. Aux Etats-Unis et au Japon, le PIB par tête était supérieur à ses niveaux de 2007. Donc le Royaume-Uni a réalisé la même performance que la zone euro, mais sans avoir à connaître une crise de financement existentielle.

Maintenant il peut toujours être utile de vanter la reprise si elle porte la promesse de meilleurs temps après. Cela pourrait être le cas si, par exemple, elle s’est poursuivie malgré une hausse de l’épargne des ménages ou grâce à une hausse des exportations nettes. Malheureusement, dans les deux cas, c’est l’inverse que l’on a observé : le taux d’épargne semble actuellement faible et nos performances extérieures ont été pauvres malgré la dépréciation du taux de change durant la crise. Ce changement dans les termes de l’échange a aussi davantage appauvri les consommateurs que les chiffres du PIB le suggèrent.

Donc, même si nous excluons les années 2011 et 2012, cette reprise semble inférieure à sa tendance au regard de nombreux critères. Les économistes qui suggèrent le contraire portent davantage attention à leurs préjugés qu’aux données. Dans quelle mesure cela est dû au gouvernement ou à quelque chose d’autre est une autre question. Par contre, il est certain que le gouvernement devrait mieux chercher à expliquer pourquoi il a été malchanceux plutôt que de se féliciter de son « succès ». »

Simon Wren-Lewis, « How good has the UK recovery been? », in Mainly Macro (blog), 2 janvier 2015. Traduit par Martin Anota