OCCIDENTALPETROLEUM-RESULTS

« Les prix du pétrole ont fortement chuté au second trimestre de l’année 2014, mettant un terme à une période de quatre ans marquée par la stabilité du prix autour de 105 dollars le baril. Cette baisse (...) peut signaler la fin d’un "supercycle" des prix. On s’attend à ce que les prix du pétrole restent faibles en 2015 et augmentent seulement faiblement en 2016. Les origines et les implications de la baisse brutale des prix du pétrole sont l’objet d’intenses débats. (…)

Que nous dit la littérature existante ?

Les variations des prix du pétrole ont souvent été associées aux variations de la production et de l’inflation. Bien que les effets des variations des prix du pétrole sur la production et l’inflation aient décliné au cours du temps, ils tendent à être plus large lorsque les prix augmentent (plutôt que lorsqu’ils diminuent) et lorsque leurs variations s’expliquent par les variations d’offre de pétrole (plutôt que de la demande de pétrole).

Quels canaux transmettent les variations des prix du pétrole à la production et à l’inflation ?

(…) La chute des prix du pétrole affecte l’activité et l’inflation en influençant la demande et l’offre globales et en amenant les autorités publiques à réagir. Du côté de l’offre, la baisse des prix du pétrole entraîne une baisse du coût de production. La baisse du coût de production dans une large gamme de biens intensifs en énergie peut se répercuter sur les prix à la consommation et ainsi réduire l’inflation. La baisse du coût de production peut également se traduire par une hausse de l’investissement. Du côté de la demande, en réduisant la facture énergétique, une baisse des prix du pétrole augmente le revenu réel des ménages et incite donc ces derniers à davantage consommer.

Si la baisse des prix du pétrole réduit l’inflation (…), les banques centrales peuvent réagir en assouplissant leurs politique monétaire, ce qui stimule alors l’activité. Cependant, si l’inflation sous-jacente et les anticipations d’inflation restent stables, les banques centrales sont moins susceptibles d’assouplir leur politique réelle, si bien que l’impact sur l’activité réelle pourrait être faible. Une baisse des prix du pétrole peut également entraîner un ajustement des politiques budgétaires qui affectent à leur tour l’activité.

Quelle est l'ampleur de la transmission des changements des prix du pétrole sur l’activité ?

La littérature cherche principalement à estimer l’impact des hausses des prix du pétrole sur l’activité réelle dans les grandes économies. Ces estimations varient fortement d’une étude à l’autre, en fonction de l’intensité en pétrole de l’économie, du statut d’exportateur ou d’importateur de pétrole, des échantillons de données et de la méthodologie employée. Par exemple, pour les pays de l’OCDE, une hausse de 10 % des prix du pétrole a été associée à un déclin de l’activité réelle compris entre 0,3 et 0,6 % aux Etats-Unis et à une baisse comprise entre 0,1 et 0,3 % en zone euro. (…) Les récentes études suggèrent que les effets des prix du pétrole sur l’activité et l’inflation dépendent de la source sous-jacente des variations des prix et de leur direction. En outre, l’impact s’est réduit au cours du temps.

La source des variations des prix du pétrole. L’impact des prix du pétrole sur l’activité dépend fondamentalement de leur source. On s’attend à ce que les chocs d’offre de pétrole influencent indépendamment l’activité. A l’inverse, les chocs de demande de pétrole seraient eux-mêmes le produit des changements de l'activité réelle avec des effets de second tour limités. En effet, les variations des prix du pétrole qui s’expliquent par les chocs d’offre de pétrole sont souvent associées à des changements significatifs de la production mondiale et à des transferts de revenu entre les exportateurs et les importateurs de pétrole. D’un autre côté, les variations des prix qui s’expliquent par des chocs de demande de pétrole tendent à entraîner des effets plus faibles, voire insignifiants selon certaines études.

Effets asymétriques. L’incapacité du contre-choc pétrolier de 1986 à générer un boom économique a conduit au développement de toute une littérature sur l’impact asymétrique des variations des prix du pétrole sur l’activité. Un tel effet asymétrique pourrait s’expliquer par une plus coûteuse réallocation des facteurs, par l’incertitude et par la réponse asymétrique de la politique monétaire. En particulier, la Fed des Etats-Unis a habituellement choisi de répondre vigoureusement aux accélérations d’inflation amorcées par les hausses du prix du pétrole, mais à répondre moins agressivement aux ralentissements inattendus de l’inflation suite aux baisses des prix du pétrole. Donc, les hausses des prix du pétrole (en particulier les plus fortes) ont été associées à une baisse de la production aux Etats-Unis, tandis que les baisses des prix du pétrole ont été suivies par une hausse plus faible et statistiquement non significative de la production.

Un moindre impact. Plusieurs études ont montré que l’impact des prix du pétrole sur la production a chuté au cours du temps. Par exemple, Hamilton estime qu’une hausse de 10 % du prix du pétrole réduisait la production américaine de près de 3 % au cours des trimestres consécutifs sur la période comprise entre 1949 et 1980, mais de moins de 1 % lorsque l’on étend l’échantillon à 2005. La littérature a fourni plusieurs raisons susceptibles d’expliquer pourquoi les prix du pétrole affectent de moins en moins l’économie : des changements structurels tels que la baisse de l’intensité énergétique de l’activité et la plus grande flexibilité des marchés du travail qui réduit les rigidités associées aux marges. De plus, le nouveau cadre de la politique monétaire a réduit l’impact des chocs pétroliers en ancrant davantage les anticipations d’inflation, donc en réduisant le pouvoir de fixation des prix des entreprises et en aidant à créer un régime où l’inflation est moins sensible aux chocs.

Quelle est l'ampleur de la transmission des changements des prix du pétrole à l’inflation ?

Historiquement, les fluctuations des prix du pétrole et de l’inflation ont été positivement associées, même si cette relation a fortement varié d’un pays à l’autre. De larges hausses des prix du pétrole durant les quarante dernières années furent souvent suivies par une forte inflation dans plusieurs pays. Comme dans le cas de la production, l’impact des fluctuations des prix du pétrole sur l’inflation a cependant décliné au cours du temps. (… Le déclin de la transmission est attribuable aux raisons ci-dessus qui expliquent le déclin de l’impact sur l’activité, en particulier les améliorations apportées au cadre de la politique monétaire qui se traduisirent par un meilleur ancrage des anticipations à long terme.

Quelles seront les implications macroéconomiques et financières de l’actuelle baisse des prix ?

Les prix du pétrole affectent la croissance et l’inflation principalement à travers trois canaux de transmission :

  • Les coûts des intrants. De plus faibles prix du pétrole réduisent les coûts énergétiques en général (…) et l’énergie électrique alimentée par le pétrole est moins chère à produire. De plus, comme le pétrole est la matière première pour divers secteur, notamment la pétrochimie, le papier et l’aluminium, la baisse du prix du pétrole affecterait directement une large gamme d’intrants traités ou semi-traités. Le transport, la pétrochimie, l’agriculture et certaines industries manufacturières seraient les secteurs qui bénéficieraient le plus de la baisse des prix.

  • Les transferts de revenu réel. Les baisses des prix du pétrole réduisent le revenu réel bénéficiant aux importateurs de pétrole et les pertes que subissent les exportateurs de pétrole. Le transfert de revenu des économies exportatrices de pétrole caractérisées par des taux d’épargne élevés vers les importateurs nets caractérisés par une plus forte propension à dépenser se traduirait en général par une plus forte demande mondiale à moyen terme. Cependant, les effets peuvent fortement varier d’un pays à l’autre et au cours du temps : certaines économies exportatrices peuvent être forcées par des contraintes financières à ajuster abruptement leurs dépenses publiques et importations à court terme, tandis que les bénéfices des pays importateurs peuvent être diffus et compensés par une plus forte épargne de précaution si la confiance reste faible dans la reprise.

  • Les politiques monétaire et budgétaire. Dans les pays importateurs de pétrole où les baisses des prix du pétrole peuvent amener les agents à réviser leurs anticipations d’inflation à moyen terme en-deçà de la cible, les banques centrales peuvent répondre en assouplissant davantage leur politique monétaire, ce qui stimule la croissance. (…) Dans les pays exportateurs de pétrole, en revanche, la baisse des prix du pétrole peuvent amener les gouvernements à adopter des plans d’austérité budgétaire, à moins qu’ils disposent d’une marge de manœuvre budgétaire pour protéger les dépenses d’un déclin des recettes fiscales dans le secteur pétrolier.

Ces canaux n’opèrent pas avec la même force, ni aussi rapidement, d’un pays à l’autre. Cependant, il semble clair que la baisse des prix du pétrole a généralement de plus faibles effets sur la production dans les économies importatrices que la hausse des prix du pétrole. Cette asymétrie peut s’expliquer par les frictions et coûts d’ajustement associés aux variations des prix du pétrole.

Croissance mondiale

Le fait que les hausses de l'offre de pétrole aient plutôt pris de court les marchés, le déroulement de certains risques géopolitiques et les changements dans les objectifs poursuivis par l’OPEP suggèrent que des facteurs du côté de l’offre ont joué un rôle majeur dans la récente chute du prix. Les estimations historiques suggèrent qu’une baisse du prix du pétrole de 30 % (…) qui trouverait son origine dans un choc d’offre serait associée à une hausse du PIB mondial d’environ 0,5 point de pourcentage à moyen terme. (…)

Inflation

La baisse des prix du pétrole va temporairement réduire l’inflation mondiale. L’impact va varier fortement d’un pays à l’autre, en fonction de l’importance du pétrole dans les dépenses des ménages, des évolutions des taux de change, de l’orientation de la politique monétaire, de l’ampleur des subventions aux carburants et des réglementations des autres prix. (…) De façon à évaluer l'impact probable des variations des prix du pétrole sur l’inflation, nous nous sommes appuyés sur deux modèles économétriques simples et avons utilisé les données relatives aux pays du G20. (…) La transmission à l’inflation globale est dans la plupart des cas modeste, avec une hausse de 10 % du prix du pétrole augmentant l’inflation de 0,3 point de pourcentage à son pic. (…) Ces résultats suggèrent qu’une baisse durable de 30 % des prix du pétrole réduirait l’inflation mondiale de 0,4 à 0,9 point de pourcentage en 2015. (…) Les circonstances spécifiques aux pays vont dans certains cas influencer l’impact des prix du pétrole sur l’inflation domestique. Pour les économies qui importent de larges volumes de pétrole, l’appréciation (respectivement la dépréciation) de la devise va renforcer (atténuer) l’impact inflationniste du déclin du prix du pétrole. Dans les pays où le gouvernement subventionne la consommation énergétique des ménages, la transmission des prix mondiaux du pétrole vers les prix locaux d’énergie va s’en trouver atténuée.

Les marchés financiers

La forte baisse des prix du pétrole s’est accompagnée d’une forte volatilité sur les marchés des changes et des actions de plusieurs pays émergents depuis octobre. La faiblesse des prix du pétrole ont déjà amené les investisseurs à réévaluer les perspectives de croissance des pays exportateurs. Cela a contribué à des fuites de capitaux, des pertes en réserves de devises, de fortes dépréciations ou à une hausse des prix de risque souverain dans plusieurs pays exportateurs, notamment la Russie, le Venezuela, la Colombie, le Nigéria et l’Angola. Les ralentissements de la croissance dans les pays exportateurs de pétrole peuvent aussi contraindre les bilans des entreprises (en particulier des grandes compagnies pétrolières) et accroître les défauts de remboursement. Les problèmes financiers des grands pays émergents exportateurs de pétrole peuvent avoir des effets de contagion sur les autres économies. En outre, les exportateurs de pétrole ont canalisé une épargne excédentaire des recettes du pétrole dans une large gamme d’actifs étrangers, notamment les obligations publiques, les obligations d’entreprises, les entreprises et l’immobilier. Le flux des soi-disant "pétrodollars" a alimenté la liquidité des marchés financiers et contribua à maintenir de faibles coûts d’emprunt au cours de la dernière décennie. Si les prix du pétrole restaient faibles, le rapatriement des actifs étrangers pourrait générer des fuites de capitaux et des turbulences financiers dans les pays qui sont devenus trop dépendants des afflux de pétrodollars. »

Banque mondiale, « Understanding the plunge in oil prices: Sources and implications », Global Economic Prospects. Having fiscal space and using it, janvier 2015. Traduit par Martin Anota