« Je tente ici de clarifier certaines choses qui sont parfois confuses à propos de l’endettement public.

1) La dette publique peut être utilisée pour redistribuer des revenus des générations futures vers les générations actuelles, même si le niveau agrégé de consommation dans chaque période reste le même. Pour preuve, ce billet (…).

Note : Je pense que certains se méprennent, car si la première partie de la proposition semble évidente (par exemple : si le gouvernement réduit les impôts et finance ces réductions d’impôts en s’endettant, ceux qui bénéficient d’une baisse d’impôts peuvent en profiter pour accroître leurs propres dépenses et améliorer ainsi leur bien-être), la seconde partie est moins évidente (on pourrait penser que si nous prenons des ressources aux générations futures pour donner aux générations actuelles, la consommation courante doit s’accroître et la consommation future chuter). (…)

2) La taille de la dette publique n’est pas un bon indicateur d’un quelconque fardeau. Il est possible que la dette publique soit positive, mais qu’il n’y ait eu aucune tentative de transfert intergénérationnel. Preuve n° 1 : les impôts sont réduits pour les jeunes sont réduites et les jeunes épargnent toute la réduction d’impôt en détenant davantage de dette. Preuve n° 2 : emprunter pour financer un projet d’investissement qui bénéficie autant aux générations actuelles et futures.

Note : c’est important, comme Noah Smith le note dans ce billet. La taille de la dette publique n’est pas égale au "fardeau" pesant sur les générations futures. En effet, il peut tout à fait y avoir une dette positive sans qu’il y ait pour autant un quelconque fardeau.

3) Il y a probablement des mécanismes bien plus importants à l’œuvre aujourd’hui qui transfèrent la consommation du futur au présent ; certains pays connaissent une hausse des prix d l’immobilier ; le monde est exposé au changement climatique. Pas de preuve, juste une opinion.

Note : malgré ceci, si vous pensez que vos petits-enfants vont mieux vivre que vous grâce au progrès technique, vous ne devez pas trop vous en soucier. Il est aussi utile de remarquer comme il peut être contradictoire d’affirmer d’un côté que nous devons réduire la dette publique aujourd’hui pour le bien des générations futures et d’affirmer en même temps qu’il est trop coûteux d’agir aujourd’hui pour atténuer le changement climatique.

4) Même s’il n’y a pas de transfert intergénérationnel, une dette publique élevée peut réduire la consommation future pour deux raisons assez plausibles : d’une part, le capital productif peut faire l’objet d’un effet d’éviction et, d’autre part, les suppléments d’impôts nécessaires pour assurer la charge de la dette publique peuvent être sources de distorsions (c’est-à-dire réduire la production en-deçà de son niveau optimal). Preuve : les innombrables études disponibles dans la littérature.

Note : je pense qu’il est faux de décrire les deux mécanismes comme spécifiques aux modèles, parce que vous avez à faire des hypothèses assez extrêmes pour les contourner. C’est pour cette raison que je m’inquiète à propos des niveaux élevés de dette publique à long terme. Je n’ai rien entendu de convaincant qui suggérerait que l’un des deux mécanismes n’est pas important ou qu’il existerait des mécanismes compensateurs. (Certes la nécessité d’avoir des actifs sûrs peut justifier l’existence d’une dette publique brute élevée, mais pas d’une dette publique nette élevée…)

Aucun de ces arguments ne justifie d’embrasser l’austérité à la borne inférieure zéro. Preuve : les innombrables billets publiés sur le sujet, notamment par moi-même.

Note : Par exemple, l’éviction peut passer par une hausse des taux d’intérêt réels, chose que nous n’observons pas aujourd’hui. Les distorsions fiscales ne sont pas non plus à l’origine d’une quelconque rareté de la main-d’œuvre (dans la mesure où subsiste un chômage).

Ultime réflexion. Considérez la dette publique comme une manière de fournir une assurance intergénérationnelle contre les chocs de demande négatifs. Quand ces chocs surviennent, l’Etat réagit en réduisant les impôts (par exemple) et en accroissant sa dette. En temps normal, (lors des reprises,) les impôts augmentent à nouveau et la dette publique diminue graduellement. Dans ce cas, laisser la dette publique s’accroître suite à l’un de ces chocs n’est pas un fardeau. »

Simon Wren-Lewis, « The burden of government debt, again », in Mainly Macro (blog), 11 février 2015. Traduit par Martin Anota