« Pourquoi les banques centrales aiment-elles utiliser le modèle nouveau keynésien ? Sephen Wiliamson a écrit : "Je travaille pour l’une de ces institutions et j’ai mis pas mal de temps à répondre à cette question, donc je ne comprends pas pourquoi Simon veut que David Levine lui fournisse cette réponse. Simon a posé la question, donc je pense que c’est à lui de fournir une réponse". La réponse est très simple : le modèle nouveau keynésien permet aux banques centrales d’assurer leur mandat en fixant le taux d’intérêt au niveau approprié. (…)

Qu’est-ce qu’un modèle nouveau keynésien ? C’est un modèle de cycles d’affaires réels couplé à un modèle microfondé de fixation des prix où le taux d’intérêt nominal est fixé par la banque centrale. Tout modèle nouveau keynésien est fondamentalement un modèle de cycles d’affaires réels. Vous pouvez dire que ces modèles nouveaux keynésiens furent conçus pour aider la banque centrale à fixer son taux d’intérêt au niveau approprié. Dans le cas le plus simple, cela implique de fixer un taux d’intérêt nominal qui permette d’atteindre (…) le niveau des taux d’intérêt réels que l’on observe dans le modèle de cycles d’affaires réels : le taux d’intérêt réel naturel. Ces modèles ne nous disent pas comment ou pourquoi la banque centrale peut fixer le taux d’intérêt nominal à court terme et ce sont des questions qui peuvent se révéler des plus importantes. Comme Stephen le souligne, les modèles nouveaux keynésiens nous disent peu de choses à propos de la monnaie. La plupart du temps, cependant, je pense que ceux qui fixent le taux d’intérêt peuvent le faire sans s’inquiéter à propos de ces questions.

Pourquoi ne pas juste utiliser la version des cycles d’affaires réels du modèle nouveau keynésien ? Parce que la banque centrale fixe un taux d’intérêt nominal, si bien qu’elle a besoin d’une estimation de ce qu’est l’inflation anticipée. Elle peut obtenir cette estimation à travers les enquêtes, mais elle veut aussi savoir comment l’inflation anticipée va réagir si elle change son taux d’intérêt nominal. Je pense qu’un banquier central ajouterait également que l’on attend de lui qu’il atteigne une cible d’inflation, donc il lui est important d’avoir un modèle qui examine la réponse de l’inflation au reste de l’économie et aux variations du taux d’intérêt nominal.

La raison pour laquelle je m’attends à ce que des gens comme David Levine se posent la question à laquelle j’ai répondu est également simple. David Levine affirme que l’économie keynésienne est un non-sens et qu’il fut démontré qu’elle est un non-sens depuis la révolution des nouveaux classiques. (…) Les banques centrales semblent penser différemment. Pour David, comme pour Stephen, cela doit être une énigme. Il peut ne pas être capable de résoudre cette énigme, mais c’est une bonne chose de noter les énigmes sur laquelle bute votre vision du monde.

Sephen semble ne pas comprendre pourquoi il est problématique que le modèle de cycles d’affaires réels ne comprenne aucun modèle microfondé de fixation des prix. La variable clé est le taux d’intérêt réel et, comme il le souligne, la différence entre la concurrence pure et parfaite et la concurrence monopolistique n’est pas importante ici. Dans une économie monétaire, le taux d’intérêt réel est fixé par ceux qui fixent les prix sur le marché des biens et par la banque centrale. Le modèle des cycles d’affaires réels ne contient ni l’un, ni l’autre. Le modèle des cycles d’affaires réels suppose que les agents fixent les prix qui équilibrent le marché, mais pas le mécanisme par lequel cela est possible.

Cela peut être (…) une simplification parfaitement acceptable si c’est la survenue vers laquelle nous convergeons lorsque nous considérons comment ceux qui fixent les prix interagissent avec la banque centrale. Les modèles nouveaux keynésiens suggèrent que la plupart du temps c’est exact. Cela signifie à son tour que les microfondations de fixation des prix dans les modèles de cycles d’affaires réels appliqués à une économie monétaire reposent sur des fondations nouvelles keynésiennes. Le modèle de cycles d’affaires réels suppose que le taux d’intérêt réel équilibre le marché des biens et le modèle nouveau keynésien nous montre pourquoi cela peut être effectivement le cas (ou au contraire ne pas être le cas) dans une économie monétaire. »

Simon Wren-Lewis, « Why do central banks use New Keynesian models? », in Mainly Macro (blog), 25 mars 2015. Traduit par Martin Anota