« La zone euro et la Grèce entament les dernières heures d’une négociation visant à débloquer des fonds additionnels prévus par un précédent accord et à fixer les bases pour un nouvel accord.

Ce que l’on a pu apprendre de la dernière proposition grecque et des contre-propositions de la zone euro sont avant tout des détails et discussions autour de questions technique (par exemple, si la réforme des retraites est effective à partir du 1er juillet ou à partir du 31 octobre). Mais ce que les discussions techniques révèlent, c’est que les négociations risquent d’aboutir à une issue qui ne satisfait aucune des parties.

En lisant entre les lignes des détails techniques, nous voyons que la zone euro demande à la Grèce un paquet de mesures d’austérité budgétaire immédiates et plusieurs d’entre elles sont précisément celles que le gouvernement grec voulait éviter, puisqu’elles vont à l’encontre du programme pour lequel il a été élu. Il serait très facile d'accuser l’Allemagne, Bruxelles et le FMI d’être incapables de voir que nous sommes peut-être en train de répéter les mêmes erreurs que les précédents accords et que ce nouvel accord sera lui aussi condamné à échouer. Mais la réalité est qu’il est très difficile d’imaginer tout autre type d’accord, étant donné la défiance que chaque partie nourrit envers l’autre.

Plusieurs affirment que l’on ne doit pas demander à ce gouvernement de payer pour les erreurs des précédents gouvernements. Après tout, Syriza n’était pas au pouvoir lorsque l’Etat grec et l’économie grecque généraient de larges déficits. C’est vrai, mais il est également vrai que le parti Syriza ne fut pas élu pour un programme de réformes économiques, même si certaines des réformes économiques qui sont en discussions ne sont pas contraires à leurs idées. J

e suis tout à fait d’accord avec le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis lorsqu’il déclare que la Grèce a besoin avant tout de croissance économique et que l’austérité budgétaire ne va pas fournir la croissance nécessaire. Mais je comprends aussi la zone euro qui doit négocier avec un gouvernement grec qui fut élu pour un programme dont il n’est pas certain qu’il entraînera une croissance soutenable. En raison du manque de confiance, ce que la zone euro recherche dans ces négociations, c’est l'engagement du gouvernement grec de prendre des mesures allant contre son propre programme électoral. Dans un monde idéal, ces mesures viseraient avant tout à stimuler la croissance : des réformes dans un environnement où la demande n’est pas une contrainte pour la croissance. Mais plusieurs réformes ne peuvent pas être mises en œuvre à court terme, donc la seule manière d’obtenir un signal d’engagement est de mettre sur la table un ensemble de mesures d’austérité budgétaire pour améliorer le solde budgétaire primaire, des mesures que le gouvernement grec voulait précisément éviter de prendre.

Donc nous nous retrouvons avec une proposition qui ressemble bien trop aux précédentes et il est très probable que, même s’il y a un accord au cours des prochaines heures ou des prochains jours, nous verrons bientôt de nouvelles renégociations entre la Grèce et la zone euro une fois qu’il sera évident que le projet actuel ne fonctionne pas.

C’est le résultat malheureux d’une négociation qui a commencé sans confiance entre les deux parties et où les deux seuls aboutissements possibles sont sous-optimaux : soit un autre accord irréaliste, soit un échec des négociations qui entraîne un défaut de paiement de la Grèce et peut-être sa sortie de la zone euro. Au cours des prochains jours, nous verrons lequel des deux (mauvais) scénarii va devenir réalité. »

Antonio Fatás, « Greece: negotiating without trust », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 25 juin 2015. Traduit par Martin Anota