« Après la Grande inflation des années 1970, les économies et les systèmes financiers du monde entier ont profondément changé. Dans de nombreux pays, une faible inflation s’est imposée comme la nouvelle norme et la libéralisation financière tout comme la mondialisation ont rapidement progressé. Les modes de financement de l’immobilier, en particulier, ont nettement évolué, et leur intégration aux marchés financiers s’est accrue du fait de la généralisation de la titrisation, du relèvement de la quotité de financement par l’emprunt et de l’apparition de crédits gagés sur la valeur acquise d’un logement. Quant aux marchés obligataires, ils ont gagné en profondeur, facilitant l’accès des entreprises aux marchés de capitaux, et la mondialisation financière a considérablement élargi la base d’investisseurs. En conséquence, le ratio dette/revenu a enregistré une forte hausse. En outre, les prêteurs non bancaires représentent désormais une source de financement beaucoup plus importante et le crédit hypothécaire, une forme plus répandue d’endettement.

Il se pourrait que ces évolutions aient également modifié les modes de transmission de la politique monétaire. Des études menées sur les États-Unis laissent penser que ce phénomène n’a pas beaucoup changé au fil du temps, mais ces études portaient essentiellement sur la transmission à l’économie réelle et elles ont, dans une large mesure, fait abstraction des interdépendances de la politique monétaire avec le crédit et le prix des actifs.

L’utilisation d’un modèle d’autorégression vectorielle (VAR) standard, élargi pour intégrer les prix immobiliers et le crédit total au secteur privé non financier, met en évidence un changement significatif de la transmission de la politique monétaire à l’économie américaine (graphique). D’après les estimations, une hausse non anticipée de 100 points de base du taux directeur aux États-Unis a, de nos jours, moins d’impact sur la production : alors que, par le passé (1955–1978), l’impact maximum, de –2 %, était atteint après huit trimestres, il ne se chiffrait plus qu’à –1,5 %, et après 14 trimestres, sur la période récente (1984–2008). L’effet à long terme sur le niveau des prix est très semblable, mais son amplitude est moindre. En revanche, la différence entre ces deux périodes en termes d’effets de la politique monétaire sur les prix immobiliers et sur le crédit est considérable : pour les prix immobiliers réels, l’effet maximal estimé a été multiplié par 12 (de –0,5 % à –6 %) et pour le crédit total, il a doublé, passant de –2 % à –4 %.

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Ces résultats tendent à montrer que les phases d’expansion des prix immobiliers et du crédit sont devenues plus sensibles à des changements compensatoires des taux directeurs. En outre, les pertes de production associées à un resserrement monétaire ont généralement diminué, étant donné que la politique monétaire a un effet plus limité sur la production réelle. En d’autres termes, les résultats montrent que lisser les variations à court terme de la production et de l’inflation se fait aujourd’hui au prix de variations du crédit et des prix immobiliers qui sont plus amples que par le passé. »

Banque des Règlements Internationaux, « Transmission de la politique monétaire à la production, au crédit et au prix des actifs », 85ème rapport annuel, 28 juin 2015, pp. 96-97.



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