« (…) Comme l’a notamment affirmé Daniel Gros (2015), la récente expansion chinoise fut avant tout alimentée par l’investissement domestique (avec une formation brute du capital fixe représentant 46 % du PIB en 2013). Elle était insoutenable et condamnée à s’essouffler. Le FMI (2015) a déjà pris en compte un ralentissement persistant de la croissance annuelle à environ 6 % dans ses prévisions de 2015, tandis que la Commission Européenne (2015) se montre légèrement plus optimiste dans les siennes. Les récentes turbulences observées sur les marchés n’ont conduit qu’à une légère révision des prévisions de l’OCDE pour l’économie mondiale et l’OCDE prévoit une légère amélioration pour la zone euro en 2015. Dans ce cadre, il faut se demander à quel rythme l’économie chinoise s’ajustera à une trajectoire plus soutenable, grâce au rééquilibrage vers une croissance davantage tirée par la consommation (…).

Que va-t-il se passer si le ralentissement se révèle être plus brutal ? Certains commentateurs craignent que les chiffres officiels de croissance ne soient pas précis et surestiment significativement les véritables taux de croissance. Certains affirment que la croissance actuelle est plus proche de 4 % que de 6 % et qu’il y a un risque réel qu’elle chute à 3 %, voire même encore davantage.

Quel serait l’impact à court terme d’un ralentissement de la croissance à, disons, 3 % plutôt qu’à 6 % par an sur l’économie européenne ?

La première chose à noter est que la Chine représente 13 % de l’économie mondiale en termes de dollar en 2013. Bien que cela fasse d’elle la deuxième plus grande économie dans le monde en termes de PIB, elle est toujours 30 % plus petite que la zone euro et représente toujours la moitié de la taille de l’Union européenne (cf. graphique 1).

GRAPHIQUE 1 Part des principales régions économiques dans le PIB mondial en 2013

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Cela implique qu’une réduction de 3 points de pourcentage de la croissance chinoise se traduit par (…) un ralentissement de 0,4 % de l’économie mondiale. Les effets d’équilibre général, s’opérant principalement à travers le ralentissement de la croissance parmi les exportateurs de matières premières et les économies de l’Asie du sud-est intimement liées à la Chine, vont exacerber cette situation. Il faut considérer ce chiffre dans le contexte des 3,6 % et 4 % de croissance mondiale prévues respectivement pour cette année et l’année 2016.

Ce chiffre doit également être considéré en prenant en compte l’impact du récent déclin des prix du pétrole sur la croissance économique mondiale. Même si les variations des prix des ressources naturelles entraînent une réallocation de richesse, la croissance économique mondiale dépend de la manière par laquelle la monnaie est dépensée. Le FMI estime que la chute de 50 % des prix du pétrole dans la période entre juin 2014 et mai 2015 (…) va accroître le PIB mondial d’environ un point de pourcentage en 2015 et en 2016 (Husain et ses coauteurs, 2015). L’impact sur la croissance du PIB de la zone euro serait plus important selon les estimations de la Commission Européenne (2012).

Les prix élevés des matières premières (notamment du pétrole) que nous avons observés lorsque la Chine avait des taux de croissance à deux chiffres freinaient la croissance économique en Europe ; aujourd’hui, la baisse des prix des matières premières est susceptible de compenser l’impact négatif qu’aurait un ralentissement de la croissance chinoise. C’est particulièrement vrai pour l’Union européenne où les exportations de matières premières sont faibles. En outre, il est utile de noter qu’une baisse des prix des matières premières exerce un effet direct sur la demande agrégée, alors l’impact d’une baisse de la demande à l’export passe par une baisse des rendements des facteurs de production dans les secteurs affectés et se révèle donc être un effet de second tour.

Sans sous-estimer l’importance de la Chine comme marché pour les exportations européennes, il est vrai que les exportations européennes vers la Chine ne sont pas plus importantes que celles vers la Suisse. En 2013, le total des exportations en biens et services de l’Union européenne à 28 à destination de la Suisse était 25 % plus élevé que celui vers la Chine, c’est-à-dire représentait environ 225 milliards d’euros contre 180 d’euros. Les exportations européennes vers les Etats-Unis sont deux fois plus importantes que celles à destination de la Chine.

GRAPHIQUE Répartition des échanges de l'Union européenne avec la Chine

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De plus, si le rééquilibrage de l’économie chinoise depuis l’investissement vers la consommation contribue au ralentissement chinois et réussit, l’Union européenne est susceptible d’y gagner. Même si les exportations de services n’ont pas augmenté plus rapidement que les exportations de biens ces dernières années, les exportations de biens de consommation représentent une part croissante de l’ensemble des exportations de biens de l’Union européenne vers la Chine (cf. graphique 2).

GRAPHIQUE Montant et composition des exportations vers la Chine (en % du PIB)

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Les pays en difficulté de la périphérie de la zone euro ont des expositions directes à la Chine plutôt limitées (cf. graphique 3). L’Allemagne sera la plus affectée en raison de la part importante des exportations à destination de la Chine, mais aussi parce que les machines prennent une place importante dans ses exportations. La Finlande et la Bulgarie peuvent être les moins bien préparées pour faire face à un ralentissement chinois. Toutes les deux ont des parts d’exportations (en pourcentage du PIB) à destination de la Chine supérieures à la moyenne et elles n’exportent que très peu de biens de consommation ou services. (...) »

Mikkel Barslund et Cinzia Alcidi, « China’s slowdown: When the dragon catches the flu, Europe sneezes », CEPS, 25 septembre 2015. Traduit par Martin Anota



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