« Au cours des dernières décennies, la Chine a joué un rôle de plus en plus important dans le commerce mondial. Grâce à diverses réformes économiques lancées à partir de la fin des années soixante-dix, elle a connu une forte croissance et elle est devenue un acteur de plus en plus important dans l’économie mondiale. En 1980, les importations chinoises représentaient juste 6 % du PIB, mais elles se sont ensuite accrues, pour représenter 19 % du PIB en 2014, suite à la libéralisation du commerce, à l’accession du pays à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 2001 et à la croissance rapide de l’investissement chinois. En plus du commerce traditionnel, la Chine joue aussi un rôle central dans les chaînes de valeur mondiales, dans l’assemblage des intrants intermédiaires pour la réexportation vers une tierce destination. Depuis 2011, cependant, les perspectives de croissance de la Chine ont été revues à la baisse, comme l’économie subit un rééquilibrage de sa croissance : alors que cette dernière était auparavant tirée par l’investissement, elle devient plus équilibrée.

La Chine représente une part relativement limitée des exportations de la zone euro, bien que cette part ait eu tendance à augmenter au cours du temps. Les exportations à destination de la Chine ont rapidement augmenté parmi toutes les économies de la zone euro au cours des 15 dernières années, passant de 2 % à 6 % du total des exportations de biens fin 2014. L’Allemagne, la France et la Finlande représentent les plus grosses parts des exportations vers la Chine, alors que les parts des autres pays sont comprises entre 1 % pour la Lituanie à 6 % pour le Luxembourg. La part de la Chine dans les exportations en dehors de la zone euro est comparable à celle de la Suisse et représente moins de la moitié de celle des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. Le ralentissement de la croissance chinoise depuis le début de l’année 2015 a réduit les exportations de la zone euro, en particulier les exportations de machines et d’équipements de transport. Il a eu des répercussions particulièrement nocives pour les exportateurs de biens manufacturés, qui représentent presque 90 % des exportations de biens à destination de la Chine. Inversement, les exportations de nourritures, de boissons, de tabac et de matières premières se sont maintenues, ce qui suggère que les exportations de biens de consommation et de biens intermédiaires sont toujours prospères. Ces récents développements sont cohérents avec l’idée que la Chine joue un rôle essentiel dans l’assemblage des intrants intermédiaires pour la consommation finale et qu’elle cesse de fonder sa croissance sur l’investissement pour la réorienter vers la consommation.

La chute des exportations de biens de la zone euro vers la Chine a partiellement été compensée par l’accroissement des exportations vers d’autres économies avancées. Alors que les exportations vers la Chine ont décliné rapidement et qu’elles ont par là pesé sur la croissance des exportations de la zone euro, la demande dans d’autres économies avancées, notamment les Etats-Unis et les pays européens qui ne sont pas membres de la zone euro, s’est accrue et a stimulé ainsi la croissance des exportations de la zone euro, qui confirme que les économies avancées ont contribué de plus en plus dans la croissance du commerce mondial en 2015, alors que les pays émergents ont connu un ralentissement.

Les répercussions commerciales indirectes du ralentissement chinois sur la zone euro sont susceptibles d’être faibles et de concerner principalement d’autres pays asiatiques. Alors que les liens commerciaux directs entre la zone euro et la Chine restent limités, la zone euro peut être indirectement affectée par le ralentissement chinois si ce dernier amène les autres pays à réduire leurs importations de biens en provenance de la zone euro. Les plus grandes destinations à l’export de la zone euro, en dehors de la Chine, sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse. Ces pays, à leur tour, ont des expositions relativement faibles à la Chine et ne sont pas susceptibles d’être sévèrement impactés par un ralentissement de l’activité chinoise. Les pays qui sont les plus susceptibles d’être affectés par un ralentissement domestique en Chine sont ses pays voisins. Ces derniers représentent dans leur ensemble une part relativement importante de la demande extérieure de la zone euro (environ 21 %). Globalement, cependant, les estimations disponibles suggèrent que les effets commerciaux directs et indirects d’un ralentissement de la croissance du PIB réel chinoise de 1 point de pourcentage sont relativement faibles et représentent un déclin d’environ 0,1 à 0,15 points de pourcentage de l’activité de la zone euro après deux ou trois années. (…)

Alors que les répercussions commerciales d’un ralentissement continu de l’activité économique en Chine sont susceptibles d’avoir un impact modeste sur le PIB de la zone euro, d’autres canaux de répercussions peuvent potentiellement être importants. La taille de l’économie chinoise signifie qu’elle a des effets significatifs sur les prix du pétrole (…). Par conséquent, l’impact d’un ralentissement en Chine sur les prix du pétrole peut être limité, bien qu’il dépende crucialement de la vigueur de la croissance dans les autres pays émergents. La Chine peut également affecter certains pays producteurs de matières premières en raison de ses moindres importations de métaux, les plus gros exportateurs de métaux représentent une faible part du commerce de la zone euro. Un autre canal possible pour la transmission des chocs négatifs à la zone euro tient aux effets de confiance, susceptibles d’entraîner un resserrement des conditions financières dans les pays émergents et à un nouveau ralentissement de la demande extérieure de la zone euro. De plus, les sorties de capitaux de Chine, si elles ne sont pas contrebalancées par d’autres flux de capitaux privés ou publics, peuvent entraîner une dépréciation de la devise chinoise et, dans son sillage, des dépréciations du taux de change des devises de d’autres pays émergents. Finalement, une hausse de l’incertitude mondiale peut directement affecter la confiance des ménages et des entreprises de la zone euro, freinant la consommation et l’investissement. Par conséquent, l’impact sur la zone euro d’un nouveau ralentissement en Chine repose sur l’ampleur à laquelle ce ralentissement se répercute sur d’autres pays émergents et sur le degré auquel la perte résultante de confiance affecte les marchés financiers et le commerce mondial. »

BCE, « Trade links between the euro area and China », Economic Bulletin, n° 2015/7, 2015. Traduit par Martin Anota



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