« Hillary Clinton a affirmé que l’économie américaine réalisait de meilleures performances macroéconomiques lorsque le Président est démocrate plutôt que républicain. Lorsque la presse s’attelle à vérifier une telle affirmation, il est tout à fait normal qu’elle parte avec la présomption que cela ne peut pas être vrai à 100 %. Après tout, si c’était le cas, ne le saurions-nous pas déjà ?

Eh bien, ne tournons pas autour du pot : cette affirmation est 100 % vraie.

(…) La Présidence est bien sûr un élément parmi d’autres qui influence ce qui se passe dans l’économie. La chance joue bien évidemment un rôle déterminant. Les discours d’Hillary n’incluent pas les notes de bas de page qui confirment ce point. Mais cela ne justifie pas de taxer l’affirmation de Clinton de "demie-vérité" comme certains le suggèrent. Et la réalité, aussi surprenante soit-elle, est que la différence dans la performance économique entre les Présidents démocrates et républicains est suffisamment systémique pour qu’elle ne puisse être statistiquement attribuée à la seule chance.

Les écarts de performance économique


Elle l’a notamment dit le 5 juin 2016 : "C’est un fait que l’économie s’en sorte mieux lorsque nous avons un démocrate à la Maison blanche". Quelles preuves empiriques existe-il pour vérifier cette affirmation ?

Une étude statistique soignée et qui tombe à pic a été publiée en avril dans l’American Economic Review, réalisée par Alan Blinder et Mark Watson de l’Université de Princeton : "Presidents and the US economy: An econometric exploration". Le point de départ, le fait central, est que le taux de croissance du PIB s’est élevé en moyenne à 4,3 % sous les administrations démocrates contre 2,5 % sous les administrations républicaines, soit un écart significatif de 1,8 points de pourcentage. Il s’agit des données postérieures à la Seconde Guerre mondiale, couvrant 16 mandats présidentiels complets, de Truman jusqu’à Obama. Si l’on va plus loin, avant la Seconde Guerre mondiale, pour inclure Hoover et Roosevelt, l’écart dans les taux de croissance est même encore plus large. Les résultats ne changent pas si l’on considère que la performance économique observée lors du premier trimestre de chaque mandat présidentiel, voire même des premiers trimestres, est attribuée au Président en place ou à son prédécesseur.

Bien sûr, plusieurs acteurs politiques à Washington influencent le cours des événements. Blinder et Watson constatent que l’économie américaine réalise de meilleures performances si les Démocrates ont choisi le président de la Réserve fédérale et s’ils contrôlent le Congrès. Mais ces conditions ne sont pas nécessaires pour obtenir le résultat central : c’est le parti de la présidence qui fait la grande différence.

En outre, au cours des 256 trimestres de ces 16 mandats présidentiels, l’économie américaine était en récession pendant 1,1 trimestre en moyenne pour la présidence démocrate et 4,6 trimestres en moyenne durant les mandats républicains, ce qui constitue une énorme différence. Ces écarts de performance sont particulièrement significatifs sur le plan statistique. La probabilité pour que ce soit le résultat de la seule chance s’élève à 1 %, voire moins.

Les deux économistes de Princeton constatent des résultats supérieurs en utilisant d’autres mesures, notamment la variation du chômage lors du mandat présidentiel et la performance des marchés boursiers. Le taux de chômage chute de 0,8 point de pourcentage sous les mandats démocrates en moyenne et grimpe en moyenne de 1,1 point de pourcentage sous les mandats républicains, soit un écart significatif de 1,9 point de pourcentage. Fait plus connu, les rendements du S&P 500 ont été plus élevés sous présidence démocrate : 8,4 % contre 2,7 % pour les républicains, soit un différentiel de 5,7 % (bien que cette différence ne soit pas aussi statistiquement significative, car les cours boursiers sont très volatils). En outre, le déficit budgétaire structurel est plus faible sous présidence démocrate (1,5 % du PIB potentiel) que sous présidence républicaine (2,2 %). Mais les autorités se focalisent principalement sur le PIB.

Est-ce que c'est dû à la seule chance ?


Il n’est pas nécessaire de faire une économétrie poussée pour comprendre à quel point il est peu probable que la seule chance ait produit une telle différence dans les performances macroéconomiques. Les économistes utilisent une économétrie sophistiquée lorsqu’ils publient un article dans l’American Economic Review (…), mais quelques fois des calculs plus simples sont plus efficaces. Considérons des faits très simples, que chacun peut facilement vérifier par lui-même. Les quatre dernières récessions ont toutes commencé lorsqu’un républicain était à la Maison blanche. Si la probabilité qu’une récession débutant sous une présidence démocrate était égale à celle associée à une présidence républicain, cette probabilité serait de (1/2)(1/2)(1/2)(1/2), c’est-à-dire 1 chance sur 16. Tout comme la probabilité d’obtenir "face" quatre fois d’affilée en lançant une pièce. Ce n’est pas très probable.

Pourtant, quatre points de données constituent un très petit échantillon. Retournons aux cycles d'affaires. Les chances que les démocrates parviennent à s’en sortir aussi bien sont d’environ 1 %. (Chacun peut vérifier par lui-même les dates de récession américaine par lui-même, en consultant le site du comité de datation des cycles d’affaires du NBER.)

Un fait encore plus surprenant émerge lorsque l’on observe les huit dernières fois qu’un Président fut remplacé par un Président du parti adverse. Au cours de quatre de ces transitions, un démocrate fut remplacé par un républicain ; à chaque fois, le taux de croissance diminua d’un mandat à l’autre. Au cours de quatre transitions, un républicain a été remplacé par un démocrate ; à chaque fois, le taux de croissance repartit à la hausse. Aucune exception, comme Blinder et Watson le soulignent. Huit cas sur huit. Quelle est la probabilité que ce soit dû à la seule chance ? La réponse est la même que la probabilité d’obtenir face en jetant huit fois d’affilée une pièce. 0,5 puissance 8, soit une chance sur 256, soit un quart de 1 %. C’est très peu probable. (...) »

Jeffrey Frankel, « Does the economy really do better under democratic Presidents? », in Econbrowser (blog), 24 juin 2016. Traduit par Martin Anota



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