« La semaine dernière, la Banque d’Angleterre a diminué ses taux d’intérêt. Avec les précédentes mesures que la BCE et la Banque du Japon ont récemment adoptées et la faible probabilité que la Réserve fédérale des Etats-Unis accroisse prochainement ses propres taux, cela nous rappelle que la normalisation des taux d’intérêt vers le territoire positif dans les économies développées va devoir attendre encore quelques mois, voire quelques années (ou des décennies ?).

Les propos de la Banque d’Angleterre ne sont pas très différents de ceux que la Banque du Japon et la BCE ont pu récemment tenir. Comme ses consœurs, elle a déclaré qu'elle pouvait encore réduire les taux d’intérêt si nécessaire (ou être plus agressive avec les achats d’actifs dans le cadre d’un assouplissement quantitatif).

Les taux d’intérêt à travers le monde diminuent davantage. Les niveaux actuels des taux d’intérêt à long terme ont rendu la courbe des rendements extrêmement plate. Et dans plusieurs pays (par exemple la Suisse), les taux d’intérêt à tous les horizons chutent en territoire négatif.

Le fait que les taux d’intérêt à long terme soient si faibles est typiquement interprété comme la conséquence des achats d’actifs à grande échelle par les banques centrales autour du monde. En fait, beaucoup y voient un succès des actions de politique monétaire.

Mais si la politique monétaire était vraiment efficace, nous nous attendrions à ce que les anticipations d’inflation et de croissance soient revues à la hausse. Ces deux forces devraient pousser les taux d’intérêt de long terme à la hausse et non à la baisse : Quelque chose ne va pas quand cela touche à la politique monétaire et cela résulte soit de forces que les banques centrales sont incapables de contrer, soit du fait que les actions ou les communications des banques centrales ne sont pas celles qui sont appropriées.

Concernant les communications, je vais répéter un argument que je déjà avancé par le passé : Quand les banques centrales répètent encore et encore qu’elles peuvent diminuer plus amplement les taux d’intérêt, elles laissent trompeusement certains croire que les plus faibles taux d’intérêt (à long et à court terme, réels et nominaux) constituent une mesure du succès de la politique monétaire. Ce n’est pas le cas. De plus faibles taux d’intérêt nominaux à toutes les maturités ne peuvent être un objectif quand l’inflation et la croissance sont vues comme trop faibles. Il n’y a succès que si l’on se retrouve avec des taux d’intérêt nominaux plus élevés. Et un succès doit finir par se traduire à un moment ou à un autre par une courbe de rendement plus pentue et non plus aplatie.

Pourquoi les banques centrales se plantent-elles dans leurs communications ? J’ai deux explications possibles en tête :

1. Elles peuvent vouloir signaler qu’elles sont puissantes et qu’elles ne sont pas à court de munitions. Répétez après moi : "Les taux d’intérêt sont faibles et ils peuvent davantage s’affaiblir".

2. C’est vraiment une époque intéressante. Avec les taux d’intérêt de court terme collés autour de zéro, toute modification de la courbe de rendements ne peut passer que par les taux de long terme. En outre, l’assouplissement quantitatif et les achats massifs d’actifs constituent également un nouveau phénomène qui n’est pas encore bien compris par les participants aux marchés.

Je pense que ce qui envoie les taux d’intérêt à long terme à des niveaux toujours plus faibles, c’est la combinaison de circonstances qui sont inhabituelles au regard des normes historiques et de la difficulté que les banques centrales rencontrent lorsqu’il s’agit de communiquer une stratégie de politique monétaire complexe. Ces niveaux de taux d’intérêt ne sont pas cohérents avec un quelconque scénario raisonnable pour la croissance économique ou les taux d’intérêt des prochaines décennies. Quand les taux d’intérêt de 30 ou même 50 ans sont négatifs ou proches de zéro, quelque chose ne va pas. Soit c’est la fin de la croissance telle que nous l’avons connue ou le début d’une longue période d’inflation extrêmement faible combinée à la déflation, soit nos anticipations se plantent sérieusement et nous sommes sur le point d'avoir une intéressante surprise. »

Antonio Fatás, « You can lower interest rates but can you raise inflation? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 9 août 2016. Traduit par Martin Anota