« J’ai essayé d’être le plus clair possible, mais ce billet reste principalement destiné aux économistes.

Nick Rowe affirme que le modèle des nouveaux keynésiens suppose le plein emploi. Je pense qu’il tient quelque chose, mais alors qu’il considère avoir affaire à un problème avec le modèle, je pense qu’il s’agit plutôt d’un problème avec le monde réel.

Nick considère une économie toute simple avec des travailleurs indépendants et ayant une espérance de vie infinie, où nous sommes au niveau d’équilibre (c’est-à-dire de long terme) de la consommation, cette dernière s’écrivant C(t) = production Y(t) = 100. Puis, quelque chose de mauvaise (ce que les économistes appellent un "choc négatif") survient :

" Chaque agent est soumis à de mauvais esprits animaux. Il y a une tâche solaire. Ou quelqu’un oublie de sacrifier une chèvre. Donc, chaque agent s’attend à ce que chacun des autres agents consomme désormais C(t) = 50. Donc chaque agent s’attend à ce que son revenu soit de 50 à chaque période désormais. Donc, chaque agent réalise qu’il doit réduire sa consommation, c’est-à-dire la ramener à 50 à chaque période, sinon il aura à emprunter pour financer son épargne négative et s’endettera toujours plus, jusqu’à ce qu’il atteigne sa limite d’endettement et qu’il soit forcé à réduire sa consommation sous 50, ne serait-ce que pour rembourser les intérêts sur sa dette."

Disons cela plus formellement : chaque agent croit que le niveau d’équilibre de la production a chuté. Cela implique à son tour que chacun commet une erreur à propos du niveau de travail désiré des autres. Je suppose que c’est une croyance erronée. Si la croyance était correcte, alors il n’y aurait pas de problème : le niveau d’équilibre de la production devrait chuter, car les gens veulent plus de loisir et moins de travail.

Disons cela plus formellement : chaque agent croit que le niveau d’équilibre de la production a chuté. Cela implique à son tour que chacun commet une erreur à propos du niveau de travail désiré des autres. Je suppose que c’est une croyance erronée. Si la croyance était correcte, alors il n’y aurait pas de problème : le niveau d’équilibre de la production devrait chuter, car les gens veulent plus de loisir et moins de travail.

Nick dit qu’il n’y a rien qu’une banque centrale contrôlant le taux d’intérêt réel puisse faire à propos de cette croyance erronée à propos de l’équilibre, parce que la variation des taux d’intérêt réels change seulement le profil de la consommation (la consommation est transférée du futur au présent) et non son niveau global. C’est correct. De plus, si chaque individu suppose simplement que ce qu’il pense est exact et ne s’inquiète même pas d’offrir son niveau de travail d’avant-choc aux autres, alors c’est en en fait un nouvel équilibre auquel les autorités monétaires ne peuvent rien faire.

Mais les gens et les économies ne sont pas comme ça. Chaque agent veut travailler au niveau d’avant-choc et va le signaler d’une certaine manière. Les agents vont voir que l’économie a un chômage généralisé et, par conséquent, ils vont réviser leurs anticipations à propos de l’équilibre. Je pense que le Nick sait, parce qu’il écrit que le modèle des nouveaux keynésiens doit "juste supposer que l’économie s’approche continuellement du plein emploi à la limite, lorsque le temps tend vers l’infini, sinon notre courbe de Phillips nous dit que nous nous retrouverons finalement avec de l’hyperfinflation ou de l’hyperdéflation, et nous ne pouvons avoir une telle prédiction de notre modèle (…)."

Il traite cela comme s’il y avait un problème, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Après tout, nous n’avons aucun problème avec l’idée que les consommateurs vont réviser à la baisse leurs anticipations de revenu futur s’ils constatent de façon inattendue qu’ils sont toujours endettés. De même, je n’ai aucun problème avec l’idée selon laquelle, dans l’économie de Nick avec un chômage involontaire généralisé et visible, les consommateurs peuvent penser qu’ils commettent une erreur à propos de l’offre de travail que désirent les autres.

Je vais le formuler autrement. Dans une économie à une seule personne, il ne peut pas y avoir de chômage. Le problème survient parce que dans une économie réelle, nous devons anticiper ce que les autres vont faire. Mais s’il existe des signaux qui nous aident à formuler correctement nos anticipations, alors cela nous permet de sortir de l’équilibre associé à la croyance erronée.

Ce qui m’amène à expliquer pourquoi je pense que Nick tient quelque chose à propos du monde réel. Supposons qu’il y ait un choc comme une crise financière, qui réduit juste temporairement, mais fortement, la demande globale et génère du chômage. Les banques centrales ne peuvent suffisamment réduire les taux d’intérêt réels pour éliminer le chômage en raison de la borne inférieure zéro. L’inflation chute, mais parce que chacun pense initialement que c’est juste temporaire, et peut-être aussi en raison d’une aversion aux réductions de salaires nominaux, nous n’obtenons qu’une modeste chute de l’inflation.

Maintenant, supposons que les gens révisent erronément leurs croyances à propos de la production d’équilibre, qu’ils considèrent plus proche de la production courante. Supposons aussi que le chômage se poursuive, parce que les entreprises substituent du capital au travail (comme au Royaume-Uni) ou que les travailleurs sont découragés (comme aux Etats-Unis). Nous nous retrouvons à ce qui s’apparente au mauvais équilibre de Nick. Même l’inflation retourne à sa cible, parce que l’écart de production courant semble disparaître. Nous n’avons plus aucun signal qu’il existe une alternative, meilleure pour chacun, avec l’inflation à la cible et une plus grande production.

Maintenant, nous pouvons sortir de ce mauvais équilibre, si un certain choc positif ou bien une relance budgétaire ou monétaire accroît ‘temporairement’ la demande globale et que les gens voient que, parce que les entreprises ont substitué du travail au capital ou parce que les travailleurs découragés sont revenus dans la vie active, l’inflation n’a pas augmenté bien au-dessus de la cible. Mais supposons que les responsables politiques commencent aussi à partager ces croyances erronées, et donc n’essayent pas de nous sortir de ce mauvais équilibre. Cela peut-il décrire la stagnation séculaire dans laquelle nous nous trouvons ? »

Simon Wren-Lewis, « Do New Keynesians assume full employment? », in Mainly Macro (blog), 11 novembre 2016. Traduit par Martin Anota