« L’OCDE vient juste de publier son Global Economic Outlook de novembre 2016. Ses prévisions suggèrent une accélération des taux de croissance à travers le monde, en particulier dans les pays qui prévoient de mettre en œuvre une expansion budgétaire. Dans le cas des Etats-Unis, l’OCDE (qui s’appuie sur le programme de l’administration Trump) s’attend à une accélération de la croissance du PIB et estime que celle-ci devrait atteindre 3 % en 2018.

Je suis soulagé de voir que l’OCDE est plus ouverte à l’idée qu’une expansion budgétaire puisse être le bon choix en matière de politique économique dans un environnement de faible croissance économique. Je suis aussi très heureux de voir que l’OCDE soit prête à admettre l’idée que les multiplicateurs budgétaires soient plus larges que ce qu’elle pensait précédemment.

Mais je suis intrigué à l’idée que l’OCDE semble ignorer ses précédentes préconisations, particulièrement désastreuses, en matière de politique économique. Et je suis encore plus intrigué de constater qu’elle révise ses estimations des multiplicateurs budgétaires (en particulier pour les réductions d’impôts) au mauvais moment du cycle d’affaires, lorsque l’économie doit être plus proche de son plein emploi.

Voici l’histoire : en 2011, plusieurs pays développés ont abandonné la relance budgétaire pour embrasser l’austérité, alors même que leurs taux de croissance étaient faibles et leurs taux de chômage élevés. Au cours de ces années, l’OCDE semblait d’accord avec cette généralisation de l’austérité, au vu des niveaux élevés de dette publique (la consolidation budgétaire lui semblait nécessaire). Elle avait tout à fait conscience qu’il y avait certains effets négatifs sur la demande globale, mais comme elle supposait que les multiplicateurs étaient d’environ 0,5 (alors même que les économies étaient au cœur d’une crise avec d’énormes taux de chômage !), elle pensait que le coût de l’austérité ne serait pas très élevé.

Aujourd’hui, dans une économie où le taux de chômage est inférieur à 5 %, où la croissance des salaires et l’inflation retournent à des valeurs normales et où la banque centrale s’apprête à relever son taux d’intérêt, l’OCDE retourne sa veste et annonce qu’elle change ses estimations des multiplicateurs budgétaires pour les rapprocher de l’unité, alors même que les mesures budgétaires qui ont été annoncées consistent pour l’essentiel à réduire les impôts pour les ménages les plus aisés, c’est-à-dire ceux qui présentent la plus faible propension à consommer.

C’est ce que j’appellerais une révision procyclique des multiplicateurs budgétaires. Appeler à l’austérité budgétaire au milieu d’une crise économique et à la relance budgétaire en période d’expansion. C’est l’opposé de ce qui constitue la politique budgétaire optimale !

Et, bien sûr, les médias (notamment le Financial Times) ont présenté l’étude de l’OCDE comme validant les politiques de la nouvelle administration au pouvoir aux Etats-Unis. Je laisse pour un autre billet (plus long) l’absence de toute discussion sérieuse des risques associés à la présidence Trump. Cela me dérange tout particulièrement, de la part d’une organisation qui s’est montrée obsédée par les risques d’inflation et d’appréciation excessive des prix d’actifs durant la crise. »

Antonio Fatás, « The OECD procyclical revision of fiscal policy multipliers », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 9 août 2016. Traduit par Martin Anota