« Peu de politiques ont été aussi peu appréciées que la relance chinoise alimentée par le crédit de 2015-2016. Même des personnes comme moi, qui s’inquiétaient que des freins imposés au crédit, en l’absence de réformes plus fondamentales pour réduire le taux d’épargne de la Chine, puissent déprimer la demande globale, n’étaient pas des partisans particulièrement enthousiastes de cette politique. La situation chinoise serait meilleure si la Chine elle avait augmenté les dépenses sociales du gouvernement central pour soutenir la demande, pas une autre vague d’emprunts hors-bilan par les gouvernements locaux et les entreprises publiques.

Mais l’actuelle accélération de la croissance suggère que les arguments selon lesquels une (nouvelle) expansion du crédit ne fonctionnerait pas étaient un peu exagérés. Il n’y a aucun doute sur le fait qu’il existe de meilleures façons de soutenir la croissance qu’un surcroît de crédit. Mais la croissance a bien réagi à la relance, même si l’on débat toujours de la puissance de cette réaction.

Selon les économistes MK Tang, Yu Song, Zhennan Li, Maggie Wei et Andrew Tilton de Goldman Sachs, "les autorités chinoises ont fait face à divers défis tout au long de l’année 2016, mais une relance ample et soutenue a fini par renforcer la reprise… Notre indicateur d’activité courante en Chine a atteint un creux début 2015 en atteignant 4,3 %, puis revint autour de la gamme des 5,5 % ensuite, puis s’élève désormais à 6,9 %. L’industrie lourde… a connue une accélération encore plus prononcée".

Et il y a des preuves empiriques croissantes, je pense, suggérant que le renforcement de la demande chinoise a aussi des répercussions positives pour le reste du monde.

L’excédent de compte courant de la Chine en 2016 a davantage chuté que je ne l’attendais. Certes, les chiffres relatifs aux comptes courants que rapportent les autorités chinoises sont sujets à de significatives révisions et je ne serais pas surpris si le très faible excédent du quatrième trimestre était révisé à la hausse.

GRAPHIQUE Balance courante de la Chine (en % du PIB chinois)

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Je ne prends pas non plus les données rapportées par la Chine pour parole d’évangile. Par exemple, je suis sceptique quant à la hausse des importations de tourisme de la Chine ; les importations auraient presque triplées, passant de 130 milliards de dollars en 2013 (soit 1,3 % du PIB) à 340 milliards de dollars en 2016 (soit environ 3 % du PIB). Ce genre de croissance est difficile à expliquer. Elle est bien plus rapide que l’accroissement du nombre de touristes chinois, même une fois pris en compte une hausse des dépenses par touriste. La méthodologie de collecte de données révisée qui indiqua à une « hausse » dans les importations de tourisme a clairement capturé quelque chose de nouveau. Par conséquent, je pense que le véritable excédent de compte courant de la Chine est un peu plus élevé que ne le suggèrent les données officielles.

Mais la hausse du déficit du tourisme en 2016 explique seulement 40 milliards de dollars sur la baisse totale de 120 milliards de dollars de l’excédent de compte courant chinois. L’essentiel du reste s’explique par une chute de l’excédent chinois dans l’industrie. Et celle-ci est (…) "réelle". Elle se retrouve dans la chute du déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine.

Ne vous méprenez pas. L’excédent chinois dans l’industrie reste large. Il est excessivement élevé pour l’économie mondiale. (…) L’excédent commercial de la Chine dans les biens manufacturés, en pourcentage du PIB chinois, excède les exportations américaines dans les biens manufacturés, en pourcentage du PIB américain. Cela donne à la fois des indications sur la Chine et sur les Etats-Unis.

Mais en termes de direction l’excédent chinois a bien baissé. La chute transparaît d’ailleurs dans les données américaines : les importations américaines en provenance de Chine ont chuté en 2016 en dollars et je pense qu’en termes réels également.

Cela s’explique en partie par le fait que les exportations sont restées assez faibles. L’accélération de la croissance du volume des exportations au deuxième trimestre n’a pas été soutenue au troisième et au quatrième trimestre. Les chiffres du quatrième trimestre ont tout particulièrement été faibles (les données de prix indiquent que les volumes d’exportations du mois de décembre ont chuté, bien que cela puisse être un artifice statistique, comme les chiffres de janvier semblent désormais être exceptionnellement élevés).

Et les volumes d’importations ont augmenté. Ils croissent toujours plus lentement que l’économie, donc la Chine est toujours en train de se "démondialiser" fondamentalement (les importations chutent en pourcentage du PIB). Mais une croissance de 4 % en rythme annuel est toujours mieux qu’une croissance nulle.

GRAPHIQUE Croissance des volumes d’exportations et d’importations de la Chine (en %)

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Le retour de la demande d’importation de la Chine a contribué au récent rebond dans le commerce asiatique et mondial. Et la relance de la Chine a aussi soutenu un rebond dans les prix mondiaux des matières premières, réduisant ainsi la pression sur certaines économies émergentes vulnérables. Les moyens que la Chine a utilisés pour stimuler son économie en 2016 restent toutefois discutables. La situation chinoise serait meilleure avec plus de dépenses publiques et moins de prêt insensé. Elle a désespérément besoin de développer son système d’assurance sociale. D’un autre côté, l’économie mondiale serait plus faible qu’elle ne l’est aujourd’hui si la Chine n’avait pas ouvert le robinet et laissé le crédit domestique affluer fin 2015 et début 2016. »

Brad Setser, « Why did China’s 2016 current account surplus fall? », in Follow The Money (blog), 17 février 2017. Traduit par Martin Anota