« Quand la Banque d’Angleterre prévoyait au lendemain du référendum du Brexit une croissance de 0,8 % du PIB en 2017, elle s’attendait à ce que la croissance de la consommation déclinerait à juste 1 %, avec seulement une petite baisse du ratio d’épargne. Mais la croissance de la consommation s’est révélée être bien plus robuste durant la deuxième moitié de l’année 2016 que ne l’attendait la Banque d’Angleterre. Comme ce graphique (…) le montre, quasiment toute la croissance du PIB en 2016 était inférieure à celle de la croissance de la consommation, une dynamique qu’elle a correctement décrite comme insoutenable. (Si la consommation croît, mais que les autres composantes du PIB ne le font pas, cela signifie que les ménages puisent dans leur épargne. Cela ne peut continuer indéfiniment.)

GRAPHIQUE Variations du PIB réel par tête du Royaume-Uni et de ses composantes

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Cette forte croissance de la consommation en 2016 a incité la Banque d’Angleterre à changer sa prévision. En février, elle prévoyait pour 2017 une croissance de 2 % pour la consommation et pour le PIB et une chute substantielle du taux d’épargne.

Qu’est-ce qui s’est passé ici ? En août, la Banque d’Angleterre pensait que les ménages prendraient conscience que le Brexit entraînerait une chute significative de la croissance du revenu futur et qu’ils commenceraient par conséquent à réduire leurs dépenses de consommation. Quand il apparut que ce n’était pas le cas, la Banque d’Angleterre sembla faire l’hypothèse inverse, c’est-à-dire supposer que les ménages penseraient que le Brexit aurait peu d’impact sur la croissance de leur revenu futur. Par conséquent, la Banque d’Angleterre prévoyait en février que le taux d’épargne déclinerait davantage en 2018 et en 2019, comme je l’ai noté ici. Elle supposait ainsi que les ménages seraient continuellement surpris par une croissance du revenu plus faible qu’ils ne l’attendaient.

La première estimation pour le PIB du premier trimestre 2017 qui a été publiée hier suggère une croissance de seulement 0,3 %, soit la moitié de ce que prévoyait la Banque d’Angleterre en février. Cette faible croissance semble s’expliquer par la faiblesse des secteurs associés à la consommation (malheureusement, nous n’obtiendrons le chiffre exact de la croissance de la consommation qu’avec la publication de la deuxième estimation du PIB). Donc que se passe-t-il ?

Il y a trois explications possibles. La première, qui est la moins probable, est que le premier trimestre 2017 constitue juste une anomalie. La deuxième est que de plus en plus de consommateurs commencent à réaliser que le Brexit va détériorer leur situation (j’ai noté ici que certains résultats de sondages qui le suggèrent) et qu’ils ajustent en conséquence leurs dépenses. La troisième est que la consommation était forte à la fin de l’année 2016 parce que les ménages achetaient des biens étrangers avant que leurs prix ne grimpent en conséquence de la dépréciation de la livre sterling provoquée par le référendum du Brexit.

Si vous m’avez suivi jusqu’à présent, vous devez savoir qu’il est bien difficile d’établir ce genre de prévision et que le tapage que les partisans du Brexit ont fait à propos des prévisions de la Banque d’Angleterre était peu fondé et ainsi probablement prématuré. Tout ce que Philip Hammond a réussi à dire à propos des dernières prévisions de la croissance, c’est qu’elles démontrent la nécessité de mettre en place un gouvernement "fort et stable" ! Je pense, cependant, que nous entendrons moins parler de la robustesse de notre économie ces prochaines semaines.

Bien sûr, la croissance peut s’accélérer au cours des prochains trimestres, en particulier si les entreprises tirent avantage de la bonne situation qu’a temporairement provoquée la dépréciation avant que s’officialise la sortie du Royaume-Uni hors de l’UE. Les prévisions ne sont presque jamais vérifiées. Mais même si c’est le cas, je ne pense que la plupart des journalistes n’ont pas encore réalisé à quel point il est inapproprié d’utiliser le PIB comme mesure de la santé économique après une large dépréciation. Dans la mesure où la dépréciation renchérit le prix des biens étrangers, les habitants au Royaume-Uni peuvent voir se détériorer leur revenu réel et par conséquent leur bien-être même si le PIB croît. Comme je l’ai souligné ici, cela explique pourquoi les gains réels ont chuté depuis 2010 même si nous avions une croissance (certes faible mais) positive du PIB réel par tête et, comme je l’ai souligné ici, pourquoi le Brexit va détériorer la situation du citoyen moyen du Royaume-Uni même si la croissance du PIB ne décline pas. Si celle-ci décline, cela ne fera qu’aggraver les choses. »

Simon Wren-Lewis, « The Brexit slowdown begins (probably) », in Mainly Macro (blog), 29 avril 2017. Traduit par Martin Anota