« Une observation de la représentation des femmes dans les facultés d’économie les plus prestigieuses en Europe montre qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire pour que ces dernières se rapprochent de l’égalité des sexes…

La question de l’équilibre entre les sexes en économie a reçu ces derniers temps beaucoup d’attention. (…) Malgré la forte sous-représentation des femmes en économie, nous pouvons faire (et nous avons fait) d’importants progrès dans ce sens. (…)

Dans le cadre de cette démarche, nous avons cherché avril dernier combien de femmes sont effectivement devenues professeures dans les départements d’économie les plus prestigieux des universités européennes. Pour ce faire, nous avons utilisé le Classement mondial des universités (…). Une analyse similaire a été faite par The Economist il y a quelques mois, portant sur la représentation des femmes dans le champ économique dans les universités européennes et américains. Nous avons pris les 20 universités européennes les plus prestigieuses dans le domaine de l’économie et de l’économétrie et nous avons vérifié combien de femmes étaient professeures dans les départements d’économie.

Cependant, il semble également important de vérifier la proportion de l’ensemble des personnels universitaires qui ne sont pas des professeurs titulaires (les professeurs assistants, les professeurs associés, les chargés d’enseignement et les maîtres de conférence, les lecteurs et les chercheurs) aussi bien que la proportion de femmes titulaires d’un doctorat. Cela nous donne une meilleure idée de la représentation du genre dans l’ensemble des parcours professionnels vers le professorat à plein temps dans les facultés d’économie. Nous avons alors contacté les départements d’économie en question pour confirmer les données.

Le pourcentage moyen d’étudiantes en doctorat dans les 20 plus grands départements d’économie en Europe s’élève à 35,13 %. Ce chiffre est inférieur à la moyenne de 47 % observée pour l’ensemble des domaines d’études dans l’Union européenne par She Figures (une étude sur les liens entre, d’une part, le genre et, d’autre part, la recherche et l’innovation publiée par la Commission européenne publiée tous les trois ans) pour les titulaires d’un doctorat en 2012 pour l’ensemble des disciplines.

La proportion de femmes dans l’ensemble des effectifs universitaires (les professeurs qui ne sont pas titulaires) est légèrement inférieure, puisque les femmes représentent 25,86 % de ceux-ci, tandis que la proportion de femmes qui travaillent parmi le personnel administratif dans les 20 plus grands départements d’économie s’élève à 79,41 %. Les hommes présents dans le personnel administratif travaillent principalement dans les TIC, tandis que les femmes tendent à entreprendre des tâches qui relèvent de la communication ou de la gestion de projets. Lorsque nous remontons les grades universitaires, la proportion de femmes passe d’un tiers au niveau doctoral à seulement un huitième au niveau des professeurs. Les femmes ne représentent en moyenne que 12,87 % des professeurs titulaires.

Ces chiffres sont tout à fait similaires à ceux obtenus par les diverses études réalisées autour des facultés d’économie, notamment celle réalisée aux Etats-Unis par l’American Economic Association, qui a constaté que seulement 23,5 % des personnels universitaires (titulaires et assistants) sont des femmes. Par grade, les femmes représentent 15 % de l’ensemble des professeurs titulaires dans les départements d’économie et 31 % des personnels de facultés d’économie au niveau des assistants. Bayer et Rouse (2016) sont allés plus loin dans leur analyse, en regardant au niveau des économistes minoritaires à l’université ; ils ont constaté que seulement 6,3 % des économistes titulaires ou assistants sont identifiés comme Afro-Américains ou Hispaniques, alors que ceux-ci représentent 30 % de l’ensemble de la population aux Etats-Unis. D’autres études montrent que les écarts entre les sexes parmi les taux d’obtention de postes permanents et de taux de promotion dans les facultés d’économie sont plus importants que ceux observés pour l’ensemble des sciences sociales ; Ginther et Kahn (2014) notaient par ailleurs l’existence d’un écart entre les sexes de 20 % dans l’obtention des postes permanents.

Comprendre quelles sont les raisons qui expliquent ces chiffres est la première chose à faire pour répondre au déséquilibre. Diane Coyle a récemment affirmé dans le Financial Times que l’on peut considérer le manque de modèles comme l’un des principaux facteurs contribuant à ce qu’une faible proportion de femmes désire débuter une carrière universitaire en économie. Plus les femmes économistes seront visibles, plus il y aura de femmes qui verront l’économie comme un plan de carrière réaliste, profitable, attractive et réalisable. Il y a toujours beaucoup de choses à faire de ce côté. »

Ariane Giraneza Birekeraho et Paola Maniga, « How many female economics professors in top European Universities? », in Bruegel (blog), 7 mars 2018. Traduit par Martin Anota