« Sur une base annuelle, l’économie américaine s’est contractée de 3,5 % en 2020, si bien qu’il s’agit de la plus forte contraction observée sur une quelconque année depuis la démobilisation en 1946 suite à la Seconde Guerre mondiale. L’ample déclin du PIB annuel reflète le très faible niveau d’activité économique que l’on a observé au deuxième trimestre. Avec le rebond relativement rapide au cours de la seconde moitié de l’année, l’économie s’est retrouvée au quatrième trimestre 2020 2,5 % en-deçà de son niveau au quatrième trimestre 2019, si bien qu’il s’agit de l’une des pires contractions sur quatre trimestres que l’on ait pu connaître durant la période d’après-guerre, mais quelque peu moindre que celle observée lors de la pire période au cours de la crise financière mondiale.

Par contre, le revenu disponible personnel (qui soustrait les impôts payés et comprend les revenus de transfert reçus de la part du gouvernement) a connu sa plus forte croissance annuelle depuis 1984, stimulé par les extensions de l’assurance-chômage, les chèques de la relance et le soutien des petites entreprises. Avec les faibles taux d’intérêt qui résultèrent de l’extraordinaire assouplissement monétaire, cela a alimenté de fortes hausses de dépenses dans les nouveaux logements, les biens récréatifs et les véhicules, compensant en partie la forte réduction des dépenses dans les services et l’investissement fixe des entreprises dans les structures.

Globalement, la contraction de l’économie a été considérablement plus faible qu’on ne l’anticipait en début d’année et elle devrait être plus faible que celle observée dans la plupart des autres grandes économies développées. Cela s’explique en partie par la forte réponse de la politique économique et la résilience de l’économie, mais aussi par le fait que les Etats-Unis ont adopté moins de mesures pour contenir la propagation du nouveau coronavirus.

L’économie américaine a fini l’année 2020 avec une production environ 5 % en-deçà de sa trajectoire tendancielle. Les ménages américains ont fini l’année 2020 avec une épargne excessive d’environ 1.600 milliards d’épargne due à la hausse du revenu disponible personnel et à la réduction de la consommation globale (équivalente à environ 7 % du PIB). Si les vaccins peuvent nous permettre de mettre le virus sous contrôle, ces ressources plus les ressources du programme de 900 milliards de dollars du mois de décembre et du plan de relance qui est sur le point d’arriver devraient fournir une demande substantielle pour soutenir une forte reprise économique. Le montant de demande déprendra toutefois de la vitesse avec laquelle la population reviendra à ses niveaux précédents de consommation de services et d’une éventuelle demande apportant un surcroît de consommation. Une plus grosse incertitude relative à l’économie concerne la capacité de l’offre à augmenter de façon à satisfaire une hausse de la demande, en l’occurrence la vitesse avec laquelle les personnes qui ont perdu leur emploi pourront en retrouver un autre.

Voici ci-après (…) des graphiques illustrant certains des points les plus importants de cette publication relative au PIB.

La plus forte contraction annuelle du PIB depuis la démobilisation au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Le PIB sur l’ensemble de l’année 2020 a été 3,5 % inférieur à sa valeur sur l’ensemble de l’année 2019. C’est la plus forte contraction du PIB depuis 1946, comme le montre le graphique 1.

GRAPHIQUE 1 Les plus fortes baisses annuelles du PIB réel américain depuis 1946

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Parmi les quatre plus fortes contractions du PIB sur quatre trimestres depuis la démobilisation au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mesurer la croissance économique entre le quatrième trimestre d’une année et celui de l’année suivante est la meilleure façon de comprendre ce qui s’est passé au cours de l’année. En 2020, il y a eu une contraction massive du PIB au deuxième trimestre, suivie par un rebond substantiel, mais incomplet, aux troisième et quatrième trimestres.

GRAPHIQUE 2 Variation du PIB réel américain sur quatre trimestres (en %)

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La contraction du PIB en 2020 n’a pas été aussi mauvaise que ne l’attendaient la plupart des prédictions au début de l’année. Certes la contraction de l’activité économique en 2020 a été l’une des plus fortes enregistrées, mais les conjoncturistes prévoyaient une chute deux fois plus importantes. A mesure que l’année s’est écoulée et que la vitesse de la reprise initiale et des effets de la politique économique devinrent apparents, les prévisionnistes se montrèrent moins pessimistes.

La contraction du PIB devrait être aux Etats-Unis moins forte que dans d’autres pays développés. Parmi les autres grandes économies développées, seul le Japon, où la pandémie a été moins mortelle et qui a largement évité les plus gros freins sur l’activité économique, devrait connaître une moindre contraction de l’activité que les Etats-Unis.

GRAPHIQUE 3 Prévisions de variation annuelle du PIB dans les principaux pays développés en 2020 (en %)

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La plus forte hausse du revenu personnel disponible annuel depuis 1984. Globalement, le revenu personnel disponible annuel réel a augmenté de 6,0 % en 2020. C’est entièrement dû aux hausses des revenus de transfert versés par le gouvernement, sans lesquels le revenu aurait chuté de 0,9 %. Bien que ce soit un simple indicateur pour l’économie dans son ensemble, plusieurs éléments empiriques suggèrent que les ménages modestes ont connu, en moyenne, des hausses plus fortes du revenu personnel disponible que le ménage moyen. Cependant, les gains agrégés, mêmes ceux concentrés parmi les ménages en bas de la répartition du revenu, dissimulent le fait que des millions de ménages n’ont pas été soutenus par les programmes du gouvernement et ont fait face à d’importantes difficultés tout au long de l’année. (…)

GRAPHIQUE 4 Variation annuelle du revenu disponible aux Etats-Unis (en %)

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L’économie américaine a débuté l’année 2021 avec un excès d’épargne de 1.600 milliards de dollars dû aux revenus plus élevés de 2020 et à la chute de la consommation. Pour l’ensemble de l’année 2020, le revenu personnel disponible était supérieur de 600 milliards de dollars à sa tendance et la consommation inférieure de 1.000 milliards de dollars à sa tendance. Par conséquent, le taux d’épargne était de 16 %, bien au-dessus de la moyenne de 7 % de ces dernières années. Cela laisse les ménages avec un supplément d’épargne de 1.600 milliards de dollars. (Notons que ces totaux incluent seulement les flux d’épargne, non les milliers de milliards de dollars de gains en capital, qui se sont pour l’essentiel entre les mains des ménages à haut revenu.) »

Jason Furman, « What the US GDP data tell us about 2020 », in PIIE, Realtime Economic Issues Watch (blog), 28 janvier 2021. Traduit par Martin Anota



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