« L’emploi à bas salaire est devenu une caractéristique importante du marché du travail et un sujet polémique dans plusieurs pays. Comment interpréter la proéminence des emplois à bas salaire et savoir s’ils sont bénéfiques on non aux travailleurs ou à la société restent des questions ouvertes. Pour y répondre, il faut déterminer si les emplois à faible salaire sont largement transitoires et servent comme tremplin vers l’emploi à haut salaire, s’ils deviennent persistants ou s’ils se traduisent par un chômage récurrent. Les données empiriques sont imprécises, certaines suggérant que l’emploi à bas salaire constitue plutôt un tremplin et d’autres suggérant qu’il exerce un "effet cicatrice", c’est-à-dire qu’il a des effets négatifs durables. (...)

En 2018, environ un septième des travailleurs à temps plein dans les pays de l’OCDE gagnaient des salaires qui représentaient moins des deux tiers du salaire médian et étaient donc considérés comme des travailleurs à faible salaire. Le graphique 1 montre que l’incidence des faibles salaires varie considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre. En 2018, elle représentait moins de 10 % en Finlande, en Nouvelle-Zélande, au Danemark et au Portugal et plus de 20 % au Canada, en Pologne, en Israël et aux Etats-Unis. Depuis 2008, l’incidence des faibles salaires a diminué dans la plupart des pays et s’est accrue dans quelques uns. Par conséquent, la moyenne (non pondérée) des pays de l’OCDE d’environ 15 % (en 2008) a légèrement diminué au cours des dix dernières années.

GRAPHIQUE Part des travailleurs à temps plein gagnant moins des deux tiers du salaire médian dans les pays de l'OCDE (en %)

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De façon à saisir l’emploi à bas salaire et ses implications, les études se sont concentrées sur trois principales questions. Premièrement, il est important d’identifier les déterminants de l’occupation d’un emploi à bas salaire, c’est-à-dire les caractéristiques des individus ou des entreprises qui sont typiques de l’emploi à bas salaire. Deuxièmement, il est crucial de savoir si les emplois à bas salaire sont principalement transitoires par nature, menant typiquement à des emplois mieux rémunérés plus tard, s’ils tendent à devenir persistants ou s’ils se traduisent par un chômage récurrent. Troisièmement, les emplois à bas salaire doivent être comparés aux autres alternatives disponibles ; il est particulièrement intéressant de déterminer s’il vaut mieux accepter un emploi mal rémunéré plutôt que de rester au chômage en attendant une offre pour un meilleur emploi plus tard.

Les réformes du marché du travail et de la protection sociale mises en œuvre au cours des 25 dernières années dans la plupart des pays de l’OCDE ont typiquement supposé qu’occuper tout emploi, même s’il s’agissait d’un emploi à bas salaire, était toujours mieux qu’être au chômage ou dépendant des revenus de transfert. Cette idée peut se justifier, en particulier si accepter un emploi à bas salaire a une bonne chance permet à un travailleur d’améliorer sa rémunération ou des conditions de travail futures. Un argument majeur en faveur de l’acceptation des emplois à bas salaire est qu’ils permettent au travailleur d’éviter l’"effet cicatrice" associé au chômage, c’est-à-dire le risque que les effets négatifs du chômage persistent ultérieurement, d’où la métaphore de la "cicatrice" (McCormick, 1990). Les potentiels employeurs voient dans le fait d’être au chômage un signal négatif, ce qui réduit les chances du postulant de recevoir des offres d’emploi attractives. Au chômage, les individus subissent une dépréciation de leur capital humain et leurs préférences peuvent se modifier en faveur du loisir, ce qui se traduit par une réduction de l’offre de travail (Mosthaf, 2014). En acceptant un emploi à bas salaire plutôt qu’en restant au chômage dans l’attente de trouver une meilleure offre d’emploi, les individus réduisent leur durée au chômage, donc l’effet cicatrice que nous venons de mentionner. Pour certains groupes de travailleurs, tels que les chômeurs de longue durée ou les travailleurs peu qualifiés aussi bien que ceux qui se sont retrouvés hors du travail (par exemple en raison d’un congé parental), les emplois à bas salaire peuvent constituer une façon de les ramener sur le marché du travail.

L’emploi à bas salaire est acceptable s’il est principalement transitoire, servant de tremplin pour des emplois mieux rémunérés, par exemple en améliorant les compétences liées à l’emploi. Si le travail peu rémunéré est une condition transitoire qui est généralisée à l’ensemble de la population active, cela signifie que les inégalités de rémunération seront partagées, du moins dans une certaine mesure, parmi différents individus à différents instants de leur vie active. En outre, si la faible rémunération est un phénomène transitoire et agit comme un tremplin vers une meilleure rémunération, il peut être moins nécessaire de maintenir un salaire minimum élevé que dans une situation où le faible salaire est durable et où les gens ne peuvent obtenir qu’un salaire minimum qui ne leur permet pas de satisfaire leurs besoins de base (Stewart, 2007).

Cependant, nous aboutissons à une conclusion totalement différente si l’emploi à bas salaire tend à être persistant ou même à entraîner un cercle vicieux où le travailleur alterne emplois à bas salaire et chômage (…). Les individus peuvent être piégés dans des emplois de faible qualité ou connaître des phases récurrentes de chômage pour diverses raisons. Par exemple, les employeurs peuvent interpréter les emplois à faible qualité et à faible salaire dans le curriculum vitae du travailleur comme signalant une faible productivité (future) (McCormick, 1990). Ce signal négatif doit être particulièrement prononcé pour les individus avec des niveaux élevés de qualifications, réduisant leurs chances d’obtenir un emploi qui corresponde à leur qualification formelle. De même, l’accumulation de capacité humain dans les emplois de faible qualité est souvent limitée et n’est probablement pas plus élevée que durant le chômage, en particulier lorsque l’on compare des situations où les individus au chômage reçoivent des mesures de formation de la part de l’agence de placement (Mosthaf et alii, 2014). Pour certains travailleurs (surtout qualifiés), l’emploi à bas salaire peut même être associé à une détérioration de leur capital humain. De plus, il est probablement plus difficile de rechercher un emploi lorsque l’on occupe déjà un emploi que lorsque l’on est au chômage, par exemple en raison de nos plus grandes contraintes d’emploi du temps. Notamment pour ces raisons, l’occupation d’un emploi à bas salaire peut avoir un véritable effet sur la probabilité d’un individu d’obtenir un emploi bien payé ou d’être employé à l’avenir, un phénomène que l’on qualifie de "dépendance à la situation antérieure" (state dependence) dans la littérature.

Si l’emploi à bas salaire devient persistant ou s’il mène à un cycle d’emplois à bas salaire et de chômage, cela implique que les faibles rémunérations sont concentrées sur une fraction de la population active qui peut être exclue du partage des fruits de la prospérité économique (Cai, 2014). Cela étant dit, une faible rémunération pour les individus n’est pas nécessairement associée à la pauvreté pour leur ménage, dans la mesure où, du moins dans la plupart des cas, les individus gagnant un bas salaire ne sont ni les principaux, ni les seuls personnes percevant un revenu au sein de leur ménage.

Qui sont les travailleurs gagnant un bas salaire ?


En général, les salaires sont considérés comme faibles s’ils sont inférieurs aux deux tiers de la médiane nationale ou de la moyenne nationale des salaires horaires bruts. Cette définition des bas salaires, qui a été adoptée par des organisations internationales comme l’OCDE et l’UE, évite la difficulté de définir un niveau absolu des faibles salaires et facilite les comparaisons internationales. Bien que d’autres définitions des bas salaires soient utilisées, par exemples les trois déciles inférieurs ou la moitié inférieure de la moyenne de la distribution salariale, le classement des pays en termes d’incidence ou de persistance des bas salaires et les intuitions des études empiriques semblent être robustes en utilisant des définitions alternatives des bas salaires (Clark et Kanellopoulos, 2013).

Plusieurs études portant sur divers pays ont essayé d’identifier les individus qui sont peu rémunérés ainsi que leurs caractéristiques. Les données tirées de l’European Community Household Panel (ECHP) en 2001 indiquent que, parmi l’ensemble des salariés, l’incidence des bas salaire est deux fois plus élevée pour les femmes que pour les hommes (Commission européenne, 2004). L’incidence des bas salaires est aussi particulièrement élevée pour les jeunes travailleurs, pour ceux qui ont des contrats temporaires et pour les travailleurs agricoles. La probabilité d’avoir un bas salaire tend à diminuer avec le niveau de qualification des travailleurs, mais (dans certains pays) des parts significatives de travailleurs qualifiés ont également un emploi à bas salaire. Ces constats sont confirmés par d’autres études pour l’UE (Clark et Kanellopoulos, 2013) et pour plusieurs pays comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne (Blázquez Cuesta et Salverda, 2009), l’Allemagne (Mosthaf et alii, 2011), le Royaume-Uni (Cappellari et alii, 2008) et l’Australie (Cai, 2014).

La mobilité ascendante des travailleurs peu rémunérés


Une fois identifiées les principales caractéristiques des travailleurs peu rémunérés, il est important de savoir quels facteurs affectent la dynamique de l’emploi à bas salaire ; en d’autres mots, les travailleurs restent-ils typiquement dans des emplois à bas salaire ou sont-ils capables de se déplacer vers les emplois mieux rémunérés ? Les études portant sur plusieurs pays montrent que les travailleurs occupant les emplois peu rémunérés risquent de continuer de les occuper l’année suivante. Par exemple, les données tirées de l’ECHP indiquent que, au sein des pays de l’UE à 15, environ la moitié des travailleurs qui étaient peu rémunérés en 2000 étaient toujours peu rémunérés en 2001, tandis que 31 % d’entre eux parvinrent à obtenir des salaires au-dessus du seuil des faibles salaires et presque 18 % se retrouvèrent au non-emploi (Commission européenne, 2004). En prenant en compte une plus longue perspective de cinq ans, 30 % des travailleurs peu rémunérés en 1994 restèrent dans cette situation, tandis que 43 % réussirent à accroître leur salaire au-delà du seuil des bas salaires (et 27 % finirent en non-emploi). En utilisant le même ensemble de données une analyse comparative d’hommes dans 12 pays de l’UE durant la période allant de 1994 à 2001 constate que la probabilité qu’un travailleur reste dans l’emploi peu rémunéré au cours de deux années successives allait de 49 % (en Espagne) à 70 % (aux Pays-Bas) (Clark et Kanellopoulos, 2013). Les auteurs de cette étude soulignent que, en général, les pays avec une part relativement élevée de travailleurs peu rémunérés semblent aussi être les pays où il est le plus difficile de sortir de l’emploi à bas salaire.

Aux Etats-Unis, au cours de la période allant de 1968 à 2014 plus de la moitié de tous les travailleurs à plein temps entrant dans l’emploi à bas salaire allèrent au-dessus des deux tiers du salaire médian dans les quatre années suivantes. Cependant, la mobilité hors de l’emploi à bas salaire a décliné depuis la fin des années quatre-vingt-dix, en particulier pour les travailleurs manuels (Schultz, 2019).

Les analyses détaillées pour divers pays indiquent que plusieurs facteurs influencent les transitions sur le marché du travail des bas salaires vers les hauts salaires. Ceux-ci incluent des caractéristiques individuelles aussi bien que des caractéristiques liées au secteur, à la profession ou à l’établissement. De plus, l’état global du marché du travail et des politiques de l’emploi (comme les politiques de formation et d’emploi public) peuvent aussi jouer un rôle.

En ce qui concerne les caractéristiques individuelles des travailleurs, non seulement l’emploi à bas salaire est plus prévalent parmi les femmes et les travailleurs peu qualifiés, mais en outre les chances que ces groupes échappent aux emplois peu rémunérés sont aussi généralement plus limitées (Commission européenne, 2004 ; Blázquez Cuesta et Salverda, 2009 ; Mosthaf et alii, 2011). Aux Etats-Unis, cela ne s’applique pas seulement aux travailleurs blancs (Schultz, 2019). A l’inverse, les plus jeunes travailleurs au début de leur carrière présentent une plus forte probabilité de s’élever sur l’échelle des salaires que les plus vieux travailleurs (Commission européenne, 2004 ; Mosthaf et alii, 2011).

Les caractéristiques des firmes jouent également un rôle important sur les chances que les travailleurs à bas salaires atteignent des emplois mieux rémunérés. En Allemagne, les chances sont plus fortes dans les plus grandes usines de l’industrie, qui offrent des formations et d’autres façons pour les travailleurs d’accumuler du capital humain, que les plus petites usines (Mosthaf et alii, 2011). En outre, les usines avec une part élevée de travailleurs peu rémunérés constituent des impasses pour les travailleurs peu rémunérés, puisque les chances de mobilité ascendante en termes de salaires dans ces usines sont significativement plus faibles (Mosthaf et alii, 2011). L’affiliation sectorielle semble aussi jouer un rôle ; les travailleurs dans l’agriculture ont des chances particulièrement faibles, tandis que les travailleurs dans le secteur public semblent avoir de meilleures chances de sécuriser des emplois très rémunérés dans le futur (Commission européenne, 2004 ; Schultz, 2019).

Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas d’éléments empiriques montrant clairement que les conditions économiques globales et la situation du marché du travail affectent les transitions de l’emploi peu rémunéré vers l’emploi mieux rémunéré. Cela étant dit, une étude pour les pays de l’UE à 15 rapporte un faible effet atténuateur des taux de chômage élevés sur les transitions des emplois peu rémunérés vers les emplois mieux rémunérés entre deux années successives (mais aucun effet n’est observé sur les transitions au-delà de trois ans) (Commission européenne, 2004) (…). Au regard du rôle des politiques de l’emploi et des politiques de gestion des ressources humaines des entreprises, les transitions des emplois peu rémunérés vers les emplois mieux rémunérés sont plus probables pour les travailleurs qui ont reçu une formation ou des stages professionnels (Clark et Kanellopoulos, 2013), et en particulier pour ceux qui ont obtenu une formation pratique (Blázquez Cuesta et Salverda, 2009).

Tremplin ou effet cicatrice des emplois à bas salaire ?


Lorsque l’on interprète les données empiriques relatives aux transitions en termes de salaires, il est important de distinguer entre les caractéristiques des travailleurs qui les prédisposent à occuper des emplois à bas salaire et les effets directs causaux de l’emploi à bas salaire sur la probabilité d’être peu rémunéré, fortement rémunéré ou chômeur dans le futur. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, accepter un emploi à bas salaire peut entraîner un effet cicatrice en envoyant des signaux négatifs aux potentiels employeurs, en étant associé à une détérioration du capital humain ou en réduisant l’intensité de recherche d’emploi des travailleurs. Il est donc important de déterminer, pour un chômeur, s’il vaut mieux qu’il prenne un emploi à bas salaire ou qu’il reste au chômage dans l’attente de trouver une meilleure offre d’emploi plus tard.

(…) Certaines études empiriques ont essayé d’évaluer si un faible salaire durant une période particulière dans la carrière d’un travailleur avait un véritable effet sur la probabilité qu’il se retrouve sur un certain marché du travail à l’avenir, même après avoir pris en compte les caractéristiques du travailleur qui le prédisposent à être peu rémunéré. Plusieurs études constatent qu’avoir occupé un emploi peu rémunéré semble avoir un effet sur la probabilité d’être peu rémunéré, très rémunéré ou chômeur à l’avenir. Par exemple, la dépendance à la situation antérieure pour l’emploi à bas salaire est décelée dans tous les douze pays de l’UE examinés par une étude comparative d’hommes, même après prise en compte des différences individuelles (Clark et Kanellopoulos, 2013). La dépendance à la situation antérieure est aussi décelée dans deux études de travailleurs au Royaume-Uni qui appliquent diverses méthodes pour estimer les probabilités de transitions vers et hors l’emploi peu rémunéré (Cappellari et alii, 2008 ; Cai et alii, 2018). Une autre étude à propos des hommes en Grande-Bretagne montre que les emplois peu rémunérés ont presque un effet négatif aussi important que le chômage sur les perspectives d’emploi futures (Stewart, 2007), ce qui mène à la conclusion que les emplois à bas salaire sont un conduit vers le chômage récurrent au Royaume-Uni.

A l’inverse, les plus récentes données tirées du Royaume-Uni (Cai et alii, 2018) et d’autres pays suggèrent que de substantiels effets cicatrice du chômage existent certes, mais que les emplois peu rémunérés tendent à améliorer l’emploi des travailleurs et les perspectives de revenu en comparaison aux chômeurs. Deux études australiennes montrent que la dépendance à la situation antérieure et les effets tremplin de l’emploi à bas salaire peuvent être présents (Cai, 2014 ; Fok et alii, 2015) : les travailleurs occupant les emplois peu rémunérés sont davantage susceptibles d’être en emploi à bas salaire à l’avenir en comparaison avec les individus qui ne sont pas actifs, qui sont chômeurs ou qui sont dans des emplois mieux rémunérés. Cependant, les travailleurs peu rémunérés sont aussi bien plus susceptibles de se déplacer vers les salaires plus élevés à l’avenir que ceux qui sont au chômage ou ceux qui sont inactifs. Pour l’Allemagne, deux études montrent que les chances d’obtenir un emploi très rémunéré en acceptant un emploi peu rémunéré augmentent plus fortement pour ceux qui ont connu de plus longues périodes de chômage ou pour ceux qui sont moins qualifiés (Knabe et Plum, 2013). D’un autre côté, pour les individus avec des niveaux de qualifications intermédiaires ou élevés, le risque de non-emploi à l’avenir n’est pas significativement amoindri en prenant un emploi peu rémunéré plutôt qu’en restant au chômage (Mosthaf, 2014). Ce dernier résultat contraste avec celui d’une étude australienne qui rapporte des pénalités moindres de l’occupation d’un emploi peu rémunéré pour les travailleurs mieux éduqués (Fok et alii, 2015).

En se focalisant sur les femmes, qui représentent une part disproportionnée des travailleurs peu rémunérés, une autre étude portant sur l’Allemagne (de l’ouest) trouve une véritable dépendance à la situation antérieure pour l’emploi à bas salaire : avoir un emploi à bas salaire plutôt qu’un emploi bien payé réduit la probabilité d’être bien rémunéré à l’avenir et cet effet négatif est particulièrement fort pour les emplois à temps partiel. Dans le cas des travailleurs à temps partiel, l’emploi à bas salaire accroît aussi le risque d’être au chômage au cours de la période suivante. Au regard des perspectives salariales futures, cependant, les femmes peu rémunérées semblent significativement mieux s’en tirer que les femmes au chômage ou inactives. Les auteurs affirment que, en ce qui concerne les femmes, les emplois à bas salaire peuvent les aider à sortir du chômage et qu’il vaut mieux accepter ces emplois que de rester au chômage dans l’attente d’un meilleur emploi (Mosthaf et alii, 2014). Une étude australienne aboutit également à la conclusion que l’emploi peu rémunéré reste toujours préférable au chômage pour les femmes (Fok et alii, 2015).

Une interprétation prudente des analyses empiriques réalisées à partir de plusieurs pays nous permet donc d’arriver à trois grandes conclusions. Tout d’abord, il y a certains éléments empiriques suggérant une dépendance à la situation antérieure en ce qui cerne le travail peu rémunéré dans plusieurs pays. Occuper un emploi à bas salaire aujourd’hui semble vraiment avoir une influence sur la probabilité d’occuper à l’avenir un emploi à bas salaire (ainsi que sur les probabilités d’être très rémunéré ou au chômage). Cependant, puisque la dépendance à la situation antérieure ne semble pas nécessairement impliquer une causalité (par exemple, en raison de problèmes de sélection, de problèmes d’estimation et de manque de données), il faut être prudent avec l’interprétation. Deuxièmement, même si une mobilité ascendante semble limitée, l’emploi à bas salaire n’est ni une expérience durable, ni une impasse pour tous les travailleurs peu rémunérés. Les emplois à bas salaire peuvent agir comme des tremplins vers les emplois mieux rémunérés pour certains groupes de travailleurs. Troisièmement, les analyses empiriques portant sur une possible existence d’un cercle vicieux où le travailleur connaît alternativement emploi à bas salaire et chômage s’avèrent peu concluantes : relativement à l’occupation d’un emploi très rémunéré, certaines études constatent qu’avoir un emploi peu rémunéré accroît le risque d’être au chômage au cours de la période suivante ou que c’est le cas de certains groupes de travailleurs spécifiques (Mosthaf et alii, 2014 ; Stewart, 2007 ; Fok et alii, 2015), tandis que dans d’autres études (Cai, 2014 ; Cai et alii, 2018) ou pour d’autres groupes démographiques (Fok et alii, 2015) cette relation ne s’observe pas. (...) »

Claus Schnabel, « Low-wage employment », in IZA, World of Labor, n° 276, mars 2021. Traduit par Martin Anota