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Tag - Banque d Angleterre

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vendredi 29 mai 2015

Le Royaume-Uni bascule dans la déflation

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source : The Economist (2015)

mardi 24 mars 2015

La Banque d'Angleterre face à la faible inflation

Des salaires visqueux des deux côtés de l’Atlantique

« Au début de l’année 2014, beaucoup prédisaient une hausse des taux d’intérêt au Royaume-Uni en 2014. Le chômage avait chuté pendant plusieurs mois et le Royaume-Uni venait de connaître quatre trimestres de forte croissance. Je pensais cependant qu’il était peu probable que les taux augmentent effectivement en 2014. L’une des raisons que j’avais données était qu’il n’y avait absolument aucun signe d’une quelconque accélération de l’inflation des salaires nominaux. J’estimais qu’il serait très bizarre que les taux d’intérêt du Royaume-Uni soient relevés avant ceux des Etats-Unis, étant donné que la reprise du Royaume-Uni avait plusieurs années de retard sur celle des Etats-Unis.

Le chômage a continué de chuter rapidement. En juin 2014, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, a suggéré que les taux pourraient augmenter plus rapidement que certains ne le pensaient. Les autorités monétaires aux Etats-Unis ne présentaient aucun signe suggérant qu’ils s’apprêtaient à relever leurs taux directeurs et j’ai toujours pensé qu’ils devaient être les premiers à les relever, mais je m’inquiétais que le comité de politique monétaire britannique se montre trop pressé. Deux membres du comité votèrent pour une hausse des taux en août. Mais l’inflation salariale ne présenta aucun signe d’accélération.

Qu’en est-il des perspectives de relèvements des taux directeurs des deux côtés de l’Atlantique en ce mois de mars 2015 ? Vendredi dernier, la Fed a révisé à la baisse ses prévisions de l’inflation, ainsi que son estimation du taux naturel du chômage. La raison en est simple : malgré la chute continue du chômage, l’inflation salariale refuse de s’accélérer. John Komlos affirme que cet état des affaires n’est pas susceptible de changer de sitôt.

La plupart de ces faits sont également vrais en ce qui concerne le Royaume-Uni, comme le met clairement en évidence Andy Haldane. Au Royaume-Uni, il y a un élément supplémentaire à prendre en compte. Comme le dit Haldane, "en 2009, le comité de politique monétaire jugeait que les bénéfices qu’il y aurait à ramener les taux sous 0,5 % étaient probablement inférieurs aux coûts qui seraient alors occasionnés, puisque cet assouplissement aurait un impact désastreux sur la résilience du secteur financier et le crédit. Maintenant que le secteur financier semble plus robuste, le comité de politique monétaire juge qu’il pourrait y avoir une plus grande marge pour ramener les taux en-dessous de 0,5 %". Il semble désormais que la borne inférieure zéro (zero lower bound) ne soit finalement pas zéro.

Haldane voit en détails les possibles raisons expliquant pourquoi l’inflation salariale semble si visqueuse. En ce qui concerne les implications pour la politique monétaire, il parle d’asymétries et il soulève plusieurs questions que j’ai déjà soulevées. Cependant il finit avec quelque chose qui est selon moi très parlant. Le graphique ci-dessous montre une trajectoire optimale pour le taux d’intérêt, en utilisant le modèle COMPASS de la Banque d’Angleterre et en supposant une borne inférieure zéro égale à zéro.

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Cela confirme un soupçon que je partage avec Tony Yates à propos de l’orientation actuelle du comité de politique monétaire. La politique consistant à ne rien faire et à attendre que le taux d’inflation converge graduellement vers 2 % n’apparaît pas optimale, même si la prévision de la Banque d’Angleterre s’avère correcte. »

Simon Wren-Lewis, « Sticky wages both sides of the Atlantic », in Mainly Macro (blog), 19 mars 2015. Traduit par Martin Anota



Une inflation nulle au Royaume-Uni

« Il a été annoncé aujourd’hui que l’inflation des prix à la consommation au Royaume-Uni avait été nulle en février. Selon l’ONS, cela ne s’était pas produit depuis les années soixante. Surtout, l’inflation sous-jacente a chuté de 0,2 points de pourcentage pour atteindre 1,2 % (…).

Le Chancelier se préoccupe des élections et donc il ne s’en inquiète pas. En fait, il affirme même qu’une inflation nulle est une bonne nouvelle et il espère juste que personne ne lui demandera pourquoi il a alors choisi d’opter pour une cible d’inflation symétrique. Pour la Banque d’Angleterre, cela signifie que la question clé est désormais si elle doit réduire ses taux directeurs. Comme je l’ai noté précédemment, les simulations réalisées à partir du modèle et des prévisions de la Banque d’Angleterre suggèrent qu’elle devrait les réduire et j’ai expliqué ici pourquoi il y a une raison supplémentaire pour le faire.

Ce qui m’intéresse ici, ce sont les données d’enquête à propos de l’utilisation des capacités de productions. J’ai suivi plusieurs conférences où sont intervenus plusieurs économistes et responsables du Trésor, de la Banque d’Angleterre et de d’autres institutions lorsque la grande Récession fut à son apogée, mais l’une des conférences qui me laissa des plus intrigués fut donnée par un économiste de la banque d’Angleterre. C’était à l’époque où l’inflation sous-jacente commençait à dépasser 2 %, malgré le fait que le chômage soit à un niveau très élevé et qu’il y avait peu de signes de reprise. Au même moment, les mesures d’enquête relatives à l’utilisation des capacités suggéraient qu’une forte reprise était à l’œuvre, chose que contredisait les données observées de la production. On se demandait ce qui pouvait bien se passer. C’était particulièrement énigmatique pour moi, parce j’avais passé plusieurs années à travailler avec des données d’enquête de ce genre et qu’à l’époque elles semblaient assez pertinentes.

Le problème avec l’année 2010 est qu’elle était exceptionnelle, si bien qu’il n’était pas surprenant de voir des choses surprenantes se passer. Ma théorie préférée à l’époque était que la crise financière avait rendu les entreprises bien plus averses au risque, ce qui les rendait plus réticentes à réduire les prix pour gagner des parts de marché. Aujourd’hui, les choses sont un peu moins exceptionnelles. Ce que les chiffres d’aujourd’hui nous suggère est que l’"énigme de l’inflation" des années 2010-2011 a disparu. Les niveaux d’inflation sont désormais bien plus cohérents avec l’idée qu’il reste de larges capacités de production inutilisées dans l’économie. Cependant le comportement bizarre des données d’enquêtes n’a pas disparu.

Voici un joli graphique de l’ONS, comparant différentes mesures de capacités inutilisées.

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Ce qu’il montre est que les indicateurs du marché du travail suggèrent un montant de capacités inutilisées bien plus important qu’au cours des années précédant la récession. A l’inverse, les indicateurs basés sur les heures travaillées et les enquêtes (les six premières mesures) suggèrent que l’écart de production (output gap) est assez faible et un indicateur suggère même qu’il serait positif. Comme cette étude de l’OBR le suggère, les mesures d’enquêtes de l’utilisation des capacités suggéraient un écart de production positif dès 2012.

Un macroéconomiste suggérerait ici que cela doit être une conséquence de salaires réels élevés, encourageant la substitution du travail par le capital. Les entreprises utilisaient pleinement leur capacités (donc il n’y avait pas de capacités inutilisées), mais elles avaient par conséquent embauché moins de main-d’œuvre. Cependant une caractéristique notable de cette récession au Royaume-Uni a été le degré élevé de flexibilité du marché du travail, avec de larges chutes des salaires réels. L’une des théories les plus convaincantes pour expliquer l’énigme de la productivité au Royaume-Uni (que j’ai soulignée ici) est que nous avons vu une substitution des facteurs allant dans l’autre direction.

En 2010, j’étais réticent à l’idée que les données des enquêtes étaient tout simplement fausses, en partie en raison de leur pertinence par le passé, mais aussi parce que l’inflation nous racontait une histoire cohérente avec elles. Maintenant que l’inflation a atteint zéro, je pense que l’argument selon lequel ces mesures d’enquêtes ne mesurent pas ce que nous pensions qu’elles mesurent semble plus crédible. Mais cela laisse toujours une question ouverte : pourquoi se sont-elles révélées fausses, alors qu’elles marchaient bien par le passé ? »

Simon Wren-Lewis, « Zero UK inflation », in Mainly Macro (blog), 24 mars 2015. Traduit par Martin Anota

jeudi 10 avril 2014

Le forward guidance n’est pas un engagement vis-à-vis de l’avenir

« Lorsque je me suis récemment entretenu avec des personnes qui s’intéressent de près à la politique monétaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, mais aussi avec des personnes qui participent à la mise en œuvre de cette politique, je me suis rendu compte qu’il y a une profonde confusion entre le forward guidance et l’engagement vis-à-vis de l’avenir (forward commitment). Par l’engagement vis-à-vis de l’avenir je veux dire une politique consistant à s’engager à assouplir la politique dans une période future pour stimuler la production et l’inflation futures, et ce de manière à provoquer une reprise aujourd’hui. C’est la politique qui fut initialement suggérée par Paul Krugman pour le Japon et dont Michael Woodford a été le principal promoteur. Pour plus de détails, j’ai parlé dans un précédent billet d’une récente étude d'Iván Werning explorant cette politique.

Pourquoi suis-je certain que les banques centrales n’entreprennent pas cette politique ? Premièrement, parce que cette politique ne peut fonctionner que si elle parvient à influencer sur les anticipations. Donc ceux qui s’engagent vis-à-vis de l’avenir doivent se montrer complètement transparents à propos de ce qu’ils sont en train de faire. Plus ils restent opaques quant à leur politique, moins celle-ci sera efficace, en particulier parce que la politique souffre d’une incohérence temporelle (la banque centrale a intérêt à changer d’avis une fois que la récession est terminée).

Deuxièmement, l’une des caractéristiques d’une politique d’engagement vis-à-vis de l’avenir (…) est d’élever la production au-dessus de son taux naturel (ou, de façon équivalente, à réduire le chômage sous son taux naturel) à l’avenir. Bref, de générer un boom dans le futur. Donc, si c’est une caractéristique de la politique, aucune banque centrale ne s’est jusqu’à présent engagée à le faire ; comme cette politique doit nécessairement être transparente pour être efficace cela suggère que les banques centrales ne suivent pas cette politique.

Donc pourquoi cette confusion ? Premièrement, je pense qu’il y a une présomption que la communication de la banque centrale va toujours être obscure et qu’il est possible de se faire de l’argent en essayant de déchiffrer leurs véritables intentions. Quelques fois ça peut être vrai. Dans ces circonstances, les propos tenus par certains responsables politiques qui parlent en bien d’une politique à la Woodford peuvent être pertinents. Cependant pour que cette politique marche, la clarté est essentielle. Si vous vous engagez vis-à-vis de l’avenir tout en restant mystérieux, c’est comme si vous annonciez que vous ciblez l’inflation, mais que vous n’annonciez pas ce qu’est la cible d’inflation.

La seconde source de confusion vient de la focalisation sur l’inflation. Une autre caractéristique de la politique d’engagement vis-à-vis de l’avenir est que l’inflation va être au-dessus de sa cible durant le boom (et peut-être même avant). Donc certains ont interprété le forward guidance où la banque centrale annonce qu’elle laissera l’inflation au-dessus de 2,5 % alors que sa cible est de 2%, comme indiquant un engagement vis-à-vis de l’avenir. Pourtant ce même forward guidance inclut aussi des seuils de chômage qui sont au-dessus des estimations du taux naturel (1). Ce serait pervers d’annoncer cela comme un engagement vis-à-vis de l’avenir, parce que l’idée globale d’un tel engagement serait de ramener le chômage futur sous son taux naturel.

Une explication plus plausible du forward guidance mené par la Banque d’Angleterre et la Fed est que celles-ci cherchent à clarifier l’arbitrage de court terme entre inflation et chômage auquel elles sont confrontées. Il peut s’agir tout simplement d’informer le public à propos de la politique mise en œuvre à un moment où les chocs sont susceptibles de pousser l’inflation au-dessus de sa cible sans pour autant pousser la production au-dessus de son taux naturel. Ça peut aussi indiquer un changement dans cet arbitrage, une réorientation de la politique. Dans les deux cas, le cadre de cette politique est entièrement traditionnel. Il n’y a pas d’engagement à générer un boom dans le futur.

Si j’ai raison, cela nous amène à nous demander pourquoi aucune banque centrale ne s’est engagée vis-à-vis de l’avenir durant la récession. De même, pourquoi aucune banque centrale n’a adopté le ciblage du niveau des prix ou du PIB nominal ? En ce qui concerne le ciblage du niveau des prix, c’est l’énigme à laquelle Steve Amber se retrouve confronté dans un récent article. Dans l’introduction, il dit que « le ciblage du niveau des prix a des avantages convaincants, en particulier comme outil pour atténuer les retombées des retournements conjoncturels. Mais alors, pourquoi les banques centrales n’ont pas expérimenté ce régime ? ». Il suggère que les banques centrales prennent trop à cœur leur discrétion pour s’engager de la sorte. Si j’ai quelque chose d’intéressant à dire à ce propos, je le dirai dans un prochain billet.

(1) Voici ce que dit la Fed à propos du forward guidance. Elle suggère que cette dernière sera « appropriée pour bien maintenir l’actuelle gamme cible du taux des fonds fédéraux une fois que le taux de chômage passera sous 6,5 % ». Mais à aucun point elle ne dit qu’elle a l’intention de réduire le chômage sous le taux naturel (entre 5 % et 6 %) de façon à élever dans le futur l’inflation au-dessus de sa cible. »


Simon Wren-Lewis, « Forward guidance is not forward commitment », in Mainly Macro (blog), 1er mars 2014. Traduit par Martin Anota.


aller plus loin... lire « La stratégie de forward guidance » et « Quelle est l'efficacité du forward guidance à la borne inférieure zéro »