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Tag - Etat-providence

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mardi 28 mars 2017

L’Etat-providence à l’âge de la mondialisation

« Dans mon précédent billet qui se focalisait sur les politiques susceptibles de réduire les inégalités au vingt-et-unième siècle, j'indiquais que je discuterai de l’Etat-providence dans un billet ultérieur. Le voici.

C’est devenu un truisme de dire que l’Etat-providence subit les pressions exercées par la mondialisation et la migration. Il sera plus face de comprendre le problème si nous remontons aux origines de l’Etat-providence. Comme Avner Offer nous l’a récemment rappelé dans l’excellent livre qu’il a coécrit avec Daniel Söderberg, la démocratie sociale et l’Etat-providence trouvent leur origine dans la prise de conscience (…) que tout le monde traverse des périodes dans leur vie où elles ne gagnent rien, mais doivent pourtant consommer : cela s’applique aux jeunes (d’où les prestations familiales), aux malades (d’où les soins et indemnités de maladie), à ceux qui se blessent au travail (d’où l’assurance-accidents des travailleurs), aux femmes lorsqu’elles accouchent (d’où le congé parental), aux gens qui perdent leur emploi (d’où l’assurance-chômage) et aux personnes âgées (d’où les pensions de retraite). L’Etat-providence a été créé pour fournir ces prestations, délivrées sous forme d’allocations dans un cadre assurantiel, pour des conditions soit inévitables, soit très communes. Il s’est élaboré sur l’hypothèse d’une similitude des comportements ou, pour le dire différemment, d’une homogénéité culturelle et souvent ethnique. Ce n’est pas un accident si le prototype de l’Etat-providence qui est né en Suède dans les années 1930 avait plusieurs éléments relevant du socialisme national (expression que je n’utilise pas ici dans un sens péjoratif).

En plus de la similitude des comportements et des expériences, l’Etat-providence nécessite une participation de masse pour être soutenable. L’assurance sociale ne peut fonctionner sur des fragments de la main-d’œuvre parce que cela mènerait naturellement à la sélection adverse, un point bien illustré par les querelles sans fin sur la santé aux Etats-Unis. Les riches ou bien ceux qui ne sont pas susceptibles d’être au chômage ou en mauvaise santé ne veulent pas subventionner les "autres" et se désengagent du système. Mais un système qui dépendrait seulement des "autres" serait insoutenable en raison des grandes primes qu’il requerrait. Donc l’Etat-providence ne peut fonctionner que s’il couvre toute la population active ou tout du moins sa grande majorité, c’est-à-dire lorsqu’il (1) est massif et (2) inclut des personnes aux conditions similaires.

La mondialisation érode ces deux exigences. La mondialisation commerciale a contribué au déclin de la part de la classe moyenne dans la plupart des pays occidentaux et à la polarisation des revenus. Avec une polarisation des revenus, les riches se disent qu’il leur est préférable de créer leurs propres systèmes privés parce que partager les systèmes avec ceux qui sont significativement plus pauvres implique de substantiels transferts de revenu. Cela mène au "séparatisme social" des riches, qui se reflète à travers l’importance croissante des régimes privés de santé, des régimes de retraite par capitalisation et de l’éducation privée. Il apparaît qu’une société très inégale et polarisée ne peut maintenir un Etat-providence extensif.

La migration économique à laquelle la plupart des sociétés riches ont été nouvellement exposées au cours des cinquante dernières années (en particulier en Europe) sape aussi le support de l’Etat-providence. Cela survient avec l’inclusion de personnes qui présentent des différences, réelles ou supposées, dans les normes sociales ou les événements de vie. C’est le même phénomène auquel se réfère Peter Lindert lorsqu’il dit que le manque d’"affinité" entre la majorité blanche et les Afro-Américains aux Etats-Unis a contribué historiquement à ce que l’Etat-providence soit moins développé aux Etats-Unis qu’en Europe. Le même processus est maintenant à l’œuvre en Europe, où de larges poches d’immigrants n’ont pas été assimilées et où la population autochtone croit que les immigrés profitent excessivement des prestations sociales. Le manque d’affinité ne relève pas forcément d’une sinistre discrimination. C’est peut être parfois le cas, mais le plus souvent le cas c’est parce que l’on pense (correctement) que l’on n’est pas susceptible de connaître des événements au cours de notre existence qui soient de la même nature ou fréquence que ceux que connaissent les autres, si bien que l’ont ne veut pas contribuer à une telle assurance. Aux Etats-Unis, le fait même que les Afro-Américains aient plus de chances d’être au chômage a probablement mené à ce que les allocations-chômage soient moins généreuses ; de même, le fait que les immigrés soient davantage susceptibles d’avoir des enfants que les autochtones peut entraîner une réduction des prestations familiales. Dans tout cas, le fait de s’attendre à ne pas connaître les mêmes événements de la vie que les autres sape l’homogénéité nécessaire à la soutenabilité de l’Etat-providence.

En outre, à l’ère de la mondialisation, les Etats-providence les plus développés peuvent connaître un effet pervers, celui d’attirer les migrants les moins qualifiés ou les moins ambitieux. "Toutes choses égales par ailleurs", un migrant va décider d’émigrer vers un pays plutôt qu’un autre si le revenu qu’il s’attend à gagner est supérieur dans le premier que dans le second. En principe, cela favorise l’émigration vers les pays les plus riches. Mais nous devons aussi prendre en compte les anticipations du migrant quant à la place qu’il pense atteindre dans la répartition du revenu du pays d’accueil. Si les migrants s’attendent à se retrouver dans les déciles inférieurs de la répartition, alors un pays plus égalitaire avec un plus large Etat-providence sera plus attractif. Les migrants feront le calcul opposé s’ils s’attendent à finir dans les déciles supérieurs dans la répartition de revenu du pays d’accueil. Si les premiers migrants sont soit moins qualifiés, soit moins ambitieux que les seconds (une hypothèse que l’on peut raisonnablement accepter), alors les moins qualifiés vont avoir tendance à choisir les pays avec les Etats-providence les plus développés. Donc il y a sélection adverse.

En termes abstraits, les pays qui seraient exposés à la sélection adverse la plus aiguë seront ceux avec de larges Etats-providence et une faible mobilité du revenu. Les migrants allant vers de tels pays ne peuvent s’attendre, même au cours de la prochaine génération, à avoir des enfants qui grimperaient dans l’échelle des revenus. Via un destructeur effet retour, de tels pays vont attirer les migrants les moins qualifiés et les moins ambitieux et une fois que ceux-ci formeront une sous-classe, la mobilité de leurs enfants sera limitée à la hausse. Le système fonctionne ensuite comme une prophétie autoréalisatrice : il attire encore plus de migrants non qualifiés qui ne parviennent pas à s’assimiler. Les natifs tendent à voir les immigrés comme manquant généralement en compétences et en ambition (ce qui peut être exact parce que c’est le genre de personnes que leur pays attire) et donc comme "différents". Au même instant, l’échec à être accepté sera perçu par les immigrés comme une confirmation des préjugés anti-immigrés des natifs ou, pire, comme de la discrimination ethnique ou religieuse.

Il n’y a pas de solution facile au cercle vicieux auquel font face les Etats-providence des pays développés à l’ère de la mondialisation. C’est pourquoi, dans mon précédent billet, j’ai plaidé pour des politiques qui mèneraient à l’égalisation des dotations, de façon à ce que l’imposition du revenu courant et la taille de l’Etat-providence puissent au final s’en trouver réduites (…). »

Branko Milanovic, « The welfare state in the age of globalization », in globalinequality (blog), 26 mars 2017. Traduit par Martin Anota

dimanche 6 janvier 2013

Les pays scandinaves sont-ils vraiment moins novateurs que les Etats-Unis ?

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« La distinction qu’opèrent Acemoglu, Robinson et Verdier (2012) entre un capitalisme acharné (cut-throat capitalism) et un capitalisme généreux (cuddly capitalism) résonne avec les stéréotypes largement répandus. Les États-Unis seraient un endroit difficile à vivre, mais la loi de la jungle capitaliste permettrait l’émergence d’innovations radicales. Les nations européennes, en particulier les pays nordiques, seraient des sociétés justes, sociales-démocrates, mais le confort étoufferait l'invention. Acemoglu et ses coauteurs affirment que seul un capitalisme acharné de style américain est à même de repousser rapidement la frontière technologique et que les économies généreuses nordiques se comportent en passagers clandestins vis-à-vis de l’innovation américaine.

Les faits donnent-ils raison aux stéréotypes ? On ne peut nier l'importance des incitations pécuniaires pour stimuler l'innovation et l'activité économique. Cependant, (…) l'affirmation selon laquelle les pays nordiques sont moins innovants que les Etats-Unis (…) n’est pas confirmée par les données empiriques. Diverses mesures de l'activité d'innovation et de réussite économique suggèrent que les pays nordiques font aussi bien, voire même mieux, que les Etats-Unis. (...)

Dans leur document de travail, Acemoglu et ses coauteurs (2012a) s’appuient sur deux mesures pour affirmer que les États-Unis sont plus novateurs que les pays nordiques, en l’occurrence le nombre de brevets américains et le PIB par habitant. Aucune des deux n’est une mesure suffisamment bonne de l'innovation pour mener des comparaisons. Il est compréhensible que les entreprises américaines dominent les dépôts de brevets aux États-Unis. Les brevets soi-disant triadiques (c’est-à-dire déposés simultanément aux États-Unis, au Japon et en Union européenne pour la même invention) constituent une mesure plus appropriée pour effectuer une comparaison internationale. Cet indicateur montre que l'activité américaine d'innovation est en retard sur les activités danoise, finlandaise et suédoise. Nous obtenons le même résultat lorsque l'on compare (…) les dépenses des entreprises en recherche-développement, la part des chercheurs dans l'emploi total, et même le stock de capital-risque en pourcentage du PIB (…).

Comme Acemoglu et ses coauteurs (2012a, 2012b) le soulignent, l'innovation exige une prise de risque. Dans une économie très novatrice, on pourrait donc s'attendre à trouver d’intenses créations et destructions d'emplois, car les entreprises qui ont du succès dans les activités innovantes se développent rapidement tandis que les autres sont forcées de quitter le marché. Les données disponibles ne suggèrent pas que l'économie américaine est clairement plus dynamique que les pays nordiques (Bassanini et Marianna, 2009 ; OCDE, 2004). La réallocation des travailleurs est plus intensive au Danemark ; elle est presque aussi intense en Finlande qu’aux Etats-Unis. De plus, les séries chronologiques indiquent une baisse marquée des flux d'emplois et de travailleurs aux États-Unis depuis les années quatre-vingt-dix (Davis, Faberman et Haltiwanger, 2012), alors que (du moins en Finlande) les deux flux sont restés intenses (Ilmakunnas et Maliranta, 2011).

Bien sûr, les intrants pour l'innovation, les brevets, ou la réallocation de la main-d’œuvre ne sont pas des mesures idéales de la capacité d'une société à repousser les limites technologiques. (…) Il est également utile de regarder la productivité dans les différents sous-secteurs. (…) Lorsque l’on exclut les technologies d'information et de communication, la productivité du travail américaine dans l'industrie manufacturière est plus faible qu'en Finlande et à peine plus élevée qu'en Suède. La figure ci-dessous compare les performances en termes de productivité (…). Cette comparaison (…) tient compte de l'utilisation du facteur capital ainsi que de la qualité du facteur travail. Les chiffres confirment que l'avantage finlandais dans la productivité manufacturière est durable et n’est pas liée à l'apport élevé en capital. Prises ensemble, ces observations invalident l'affirmation selon laquelle un système d'incitation américain est nécessaire pour être à la frontière technologique.

GRAPHIQUE Niveaux relatifs de productivité dans l'activité manufacturière, hors TIC (avec comme base 100 la productivité américaine)

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Source : Maliranta, Määttänen et Vihriälä (2012), Inklaar et Timmer (2008), EU KLEMS

La bonne performance des pays scandinaves pourrait s’expliquer par le fait qu’ils sont mieux à même de mobiliser les travailleurs. Certes les heures travaillées par habitant sont plus élevées aux États-Unis, mais une part plus importante de la population en âge de travailler est salariée dans les pays nordiques en raison de politiques d’éducation, d’emploi et sociales plus poussées. (…) Les talents sont ainsi mieux orientés vers les activités économiques lucratives. Une deuxième explication pourrait être la détermination des autorités publiques à promouvoir l'innovation.

Une troisième explication pourrait être que les incitations économiques à innover dans les pays nordiques (…) ne sont finalement pas si faibles après tout, du moins pas dans tous les domaines. Par exemple, tous les pays nordiques ont introduit l’impôt dual sur les revenus, en raison duquel les revenus du capital sont taxés à un taux fixe. Cela permet de motiver les entrepreneurs, malgré la progressivité l’impôt sur les revenus du travail. La Suède a récemment encouragé l'accumulation de richesses en supprimant les taxes sur le patrimoine et les successions. Un filet de sécurité social bien conçu peut aussi promouvoir la prise de risque. En particulier, l'assurance chômage peut encourager la prise de risques des entrepreneurs en facilitant l'embauche de salariés (Acemoglu et Shimer, 2000). (…)

L'économie américaine est sans conteste très créative, flexible, et se situe à la frontière de productivité dans de nombreux domaines. Après tout, les ordinateurs, internet, Google, Windows, l’iPhone, l’iPad et le Big Mac sont des innovations américaines. Des incitations financières jouent un rôle important dans tout ça. Néanmoins, en dépit d'un plus lourd fardeau fiscal et de filets de sécurité plus généreux, les pays nordiques ont généré au moins autant d’activités innovantes que les Etats-Unis et ils ont atteint des niveaux similaires de productivité dans de nombreux secteurs de l'économie. Jusqu'à présent, le capitalisme acharné n'a pas été la seule voie possible vers une économie novatrice. »

Mika Maliranta, Niku Määttänen et Vesa Vihriälä, « Are the Nordic countries really less innovative than the US? », in VoxEU.org, 19 décembre 2012.

aller plus loin... lire « Transferts technologiques, Etat-providence et diversité des capitalismes » et « Le capitalisme scandinave est-il l’avenir du capitalisme anglo-saxon? »

mercredi 21 novembre 2012

Pouvons-nous tous être Scandinaves ?

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« Les Etats-Unis et les systèmes scandinaves ont produit des pays prospères et des taux de croissance économique similaires au cours des soixante dernières années. Des différences significatives, cependant, existent entre ces sociétés. Les Etats-Unis sont plus riches que le Danemark, la Finlande et la Suède. Ils sont aussi largement perçus comme une économie plus innovatrice. Ils ont joué un rôle leader dans de nombreuses technologies transformatives de ces dernières décennies, en partie parce qu’ils fournissent de plus hautes incitations à leurs entrepreneurs et travailleurs qui travaillent davantage d’heures, prennent moins de congés et prennent plus de risques. Les sociétés scandinaves ont de plus forts filets de sécurité, des Etats-providence plus élaborés et des répartitions de revenu plus égalitaires que les Etats-Unis. (…)

Pourquoi n’adoptons pas tous des institutions de type scandinave ? Plus largement, dans un monde interdépendant, pouvons-nous tous choisir le même type de capitalisme et, en particulier, combiner un capitalisme dynamique avec une forte emphase pour l’égalitarisme et la protection sociale ? (…)

En présence de liens économiques internationaux, les choix institutionnels de différentes sociétés sont aussi enchevêtrés. D’une part, les pays commercent entre eux et cela les pousse à se spécialiser. S’il y a certaines complémentarités entre les décisions de spécialisation et certains accords institutionnels, l’équilibre mondial peut être asymétrique. Certains pays vont choisir la voie « libérale » et se spécialiser dans des secteurs dans lesquels elle leur procure un avantage comparatif, tandis que d’autres choisissent la route coordonnée et se spécialisent dans d’autres secteurs.

Un autre lien international est de nature technologique et c’est celui que notre étude développe formellement. Nous considérons un modèle dynamique canonique de progrès technologique endogène au niveau mondial avec trois aspects fondamentaux. Premièrement, il y a une interdépendance technologique entre les pays, avec les innovations technologiques des pays les plus avancés technologiquement qui contribuent à repousser la frontière technologique mondiale, sur laquelle les autres pays peuvent à leur tour se baser pour innover et connaître la croissance économique. Deuxièmement, nous considérons que l’effort d’innovation exige des incitations qui dépendent de la structure de rémunérations en place. Par conséquent, un plus grand écart de revenu entre les entrepreneurs fructueux et les entrepreneurs infructueux accroît l’effort entrepreneurial et donc la contribution d’un pays à la frontière technologique mondiale. (…)

Le fait que le progrès technologique exige des incitations pour les travailleurs et entrepreneurs se traduit par de plus fortes inégalités et une plus grande pauvreté (et plus faible filet de protection) pour une société qui incite à une plus intense innovation. (…) Dans un monde avec des interdépendances technologiques, lorsque l’une (ou un sous-ensemble limité) des sociétés est à la frontière technologique et contribue disproportionnellement à la repousser, les incitations pour les autres pays à en faire autant vont être plus faibles. En particulier, les incitations à innover pour les économies à la frontière technologique mondiale vont générer une plus forte croissance économique en repoussant la frontière, tandis que les fortes incitations à innover par les suiveurs vont seulement accroître leurs revenus aujourd’hui puisque la frontière technologique mondiale est déjà repoussée par les économies à la frontière.

Cette logique implique que l’équilibre mondial avec transferts technologiques endogènes est typiquement asymétrique avec certains pays qui ont de plus grandes incitations à innover que d’autres. A un tel équilibre, les pays les plus avancés technologiquement optent pour des institutions de type libéral (ce que nous appelons le capitalisme « acharné ») avec de puissantes incitations, peu d’assurance sociale et d’importantes inégalités de revenus, tandis que les pays suiveurs adoptent des institutions de type coordonné (ce que nous appelons un capitalisme « généreux ») comme meilleure réponse à la contribution du meneur technologique de la frontière technologique mondiale, en assurant par conséquent une meilleure assurance à leur population et de moindres inégalités. (…)

A long terme, tous les pays tendent à avoir des taux similaires de croissance économique, mais ceux qui ont des structures de rémunération « généreuses » sont strictement plus pauvres. (…) Ces pays peuvent avoir un bien-être plus élevé que le meneur acharné ; en fait, si l’écart initial entre l’économie-frontière et les suiveurs est suffisamment faible, les suiveurs généreux vont nécessairement avoir un bien-être plus élevé grâce à l’assurance sociale plus développée que fournissent leurs institutions. (…)

Pourtant, (…) nous ne pouvons pas tous être comme les Scandinaves ! En effet, ce n’est pas un choix d’équilibre pour le meneur acharné, en l’occurrence les Etats-Unis, d’être généreux. Compte tenu des choix institutionnels des autres pays, si le meneur acharné adoptait un tel capitalisme généreux, cela réduirait le taux de croissance de l’économie mondiale, en décourageant l’adoption d’une structure de rémunérations plus égalitaire. En effet, ce choix, bien qu’il les rende plus pauvres, ne réduit pas de manière permanente leurs taux de croissance, grâce aux externalités technologiques positives créées par le meneur technologique acharné. Ce raisonnement suggère par conséquent que dans un monde interconnecté, il se peut que ce soit précisément l’existence d’une société américaine acharnée, avec ses inégalités croissantes, qui rende possible l’existence de sociétés scandinaves plus généreuses. »

Daron Acemoglu, James A Robinson & Thierry Verdier, « Choosing your own capitalism in a globalised world? », in VoxEU.org, 21 novembre 2012,

aller plus loin... « Transferts technologiques, Etat-providence et diversité des capitalismes »