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Tag - France

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samedi 15 janvier 2022

L’économie française s’est bien rétablie de la Covid

« Hier, j’ai évoqué le surprenant succès des Etats-Unis pour limiter les dommages économiques de la pandémie de Covid-19. Par rapport à ce que l’on s’attendait et à notre gestion de la crise financière de 2008, nous nous en sommes remarquablement bien tirés. Mais d’autres pays s’en sont également bien tirés, dans certains cas et dans une certaine mesure mieux. En fait, parmi les grands pays développés, la grande vedette de l’ère pandémique est, sans doute, la France.

La France ? Aussi longtemps que je m’en souvienne, la couverture médiatique de l’économie française aux Etats-Unis a été constamment négative. (…) Dans les années 1990, on nous disait que la France était culturellement trop stagnante pour se maintenir avec la technologie moderne ; un article de 1997 était intitulé "Pourquoi les Français détestent internet". (La France a actuellement une meilleure pénétration du haut débit que les Etats-Unis.) Durant la crise de l’euro entre 2010 et 2013, j’ai régulièrement entendu certains affirmer que la France était la prochaine à rejoindre les économies en difficulté du sud de la zone euro ; "la France est en chute libre" avait affirmé un rédacteur dans la revue Fortune.

Les données n’ont jamais soutenu ce négativisme. Ce qui se passe vraiment, je pense, c’est que les discours dans les milieux d’affaires aux Etats-Unis sont fortement façonnés par l’idéologie conservatrice et, aux yeux de celle-ci, la France, avec ses énormes dépenses sociales, sa fiscalité élevée et sa réglementation économique, ne pouvait être qu’un cas désespéré. (…)

En fait, l’économie française a continué d’avancer. Certes, le PIB par tête est environ un quart plus faible en France qu’aux Etats-Unis. Mais cela reflète principalement une combinaison de retraites précoces et, surtout, d’une plus courte durée du travail, parce que les Français, contrairement aux Américains, prennent des vacances. Autrement dit, ce moindre PIB par tête reflète principalement un choix plutôt qu’un problème. Et alors que les Français travaillent moins que les Américains, ils sont davantage susceptibles que ces derniers de travailler aux âges intermédiaires. (…)

Et c’est du côté de l’emploi à l’âge intermédiaire que la France a particulièrement bien réussi pendant la pandémie. Beaucoup d’économistes utilisent le pourcentage d’adultes employés entre 25 à 54 ans pour jauger des conditions sur le marché du travail. Ce ratio a plongé aux Etats-Unis durant le pire de la récession pandémique ; il a depuis fortement rebondi, mais il reste toujours en-deçà des niveaux prépandémiques, même si d’autres indicateurs suggèrent un marché du travail sous tension, l’une des divergences dont les économistes parlent lorsqu’ils évoquent une Grande Démission (Great Resignation) des travailleurs, qui ne veulent ou ne peuvent retourner dans la vie active. La France, par contre, a non seulement réussi à éviter un fort plongeon de l’emploi, mais elle a aussi réussi à dépasser son niveau prépandémique :

GRAPHIQUE 1 Taux d'emploi des 25-54 ans (en %)

Paul_Krugman__France_Etats_Unis_taux_d__emploi_25_54_ans.png

Comment y est-elle parvenue ? Quand la pandémie a forcé les économies à adopter un confinement temporaire, les pays européens, notamment la France et les Etats-Unis prirent des routes divergentes en ce qui concerne le soutien du revenu des travailleurs. Les Etats-Unis ont amélioré les allocations chômage ; la France a offert des subventions aux employeurs pour maintenir les travailleurs en chômage technique sur la liste de paie. Aujourd’hui, la solution européenne apparaît comme meilleure, parce qu’elle a maintenu le lien des travailleurs à leurs employeurs et parce qu’elle a facilité leur retour lorsque les vaccins ont été mis à la disposition de la population.

Oh, et même si les Français ont également leurs antivaxx, ces derniers n’ont pas autant d’écho politique que leurs homologues américains, donc la France a su mieux vacciner :

GRAPHIQUE 2 Part de la population pleinement vaccinée contre la Covid-19 (en %)

Krugman__France_Etats_Unis_part_population_vaccinee_Covid-19.png

La France a aussi un système de garde d’enfants universel, qui rouvrit relativement vite pendant la pandémie, tout comme les écoles, permettant aux parents, en particulier aux mères, de retourner travailler. Je ne veux pas romancer l’économie ou la société française, qui ont toutes les deux beaucoup de problèmes. Et les progressistes qui aiment s’imaginer que nous pouvons neutraliser la colère de la classe laborieuse blanche aux Etats-Unis en relevant les salaires et en étendant le filet de sécurité sociale devraient savoir que la France, dont les politiques sont à gauche de leurs rêves les plus fous, a son propre mouvement nationaliste blanc, quoique moins puissant que le nôtre.

Pourtant, à un instant où les Républicains qualifient de "socialisme" destructeur tout effort visant à rendre les Etats-Unis moins inégaux, il est intéressant de noter que l’économie française (qui n’est pas socialiste, mais se rapproche davantage du socialisme que tout ce que proposent les démocrates) se porte relativement bien. »

Paul Krugman, « France’s economy is having a good pandemic », 14 janvier 2022. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« La France gère mieux la crise économique que les Etats-Unis »

« Les marchés du travail face à la pandémie : la grande divergence »

mercredi 12 avril 2017

L’Europe a des problèmes, mais Le Pen n’est pas une solution

« La France va tenir ses élections présidentielles d’ici quelques semaines et beaucoup craignent de façon justifiée un nouveau choc Trump. En effet, les travers de l’euro ont terni la réputation du projet européen (la longue marche vers la paix et la prospérité via l’intégration économique) et ont donné des arguments pour les politiciens anti-européens. Et des contacts français me disent que la campagne de Le Pen cherche à présenter les critiques que d’éminents économistes ont fait des politiques européennes comme constituant des accords implicites au programme du FN.

Elles n’en sont pas.

Je me suis montré très critique vis-à-vis de l’euro et des plans d’austérité budgétaire qui ont été poursuivis dans la zone euro depuis 2010. La France peut et doit réaliser de meilleures performances qu’elle n’en fait actuellement. Mais le genre de politiques dont le FN parle (notamment une sortie unilatérale, non seulement de la zone euro, mais aussi de l’UE) se révéleraient nocives, et non bénéfiques, pour l’économie française.

Commençons avec l’euro. La devise unique était et est toujours un projet boiteux, et les pays qui ne l’ont jamais adoptée (la Suède, le Royaume-Uni, l’Islande…) ont bénéficié de la flexibilité qu’apporte la possession d’une devise indépendante. Il y a, cependant, une grande différence entre ne pas adopter la monnaie unique et l’abandonner. Les coûts de transition associés à une sortie de la zone euro et à la restauration de la monnaie nationale seraient massifs : une fuite massive des capitaux provoquerait une crise bancaire ; des contrôles de capitaux et des fermetures de banques seraient imposés ; les difficultés à libeller les contrats créeraient un chaos juridique ; les entreprises seraient perturbées durant une longue période de confusion et d’incertitude.

Il pourrait néanmoins être utile de s’infliger ces coûts sous des circonstances extrêmes, comme celles auxquelles la Grèce fait face : une économie sévèrement déprimée qui nécessite une forte réduction des coûts relativement à ses partenaires à l’échange pourrait trouver qu’une sortie de l’euro suivie par une dévaluation préférable à des années de déflation nocive.

La France, cependant, ne colle pas à cette description. La performance du chômage français doit être meilleure, mais elle n’est pas non plus catastrophique : les adultes en France sont davantage susceptibles d’être employés que ceux aux Etats-Unis. Et depuis la création de l’euro, les coûts du travail français ont plutôt suivi la moyenne de la zone euro dans son ensemble, donc il y a peu de raisons de croire qu’une restauration du franc serait suivie par une forte dévaluation. Bref, pour la France, sortir de la zone euro lui infligerait tous les coûts que la Grèce aurait subis, mais sans aucun des bénéfices.

GRAPHIQUE 1 Coûts unitaires du travail en France et en zone euro (en indices, base 100 en 1999)

Paul_Krugman__couts_unitaires_du_travail__France_zone_euro__Martin_Anota_.png

Que dire à propos de l’UE en général ? Il y a de très bonnes raisons de croire que l’appartenance à l’UE, en permettant à la France d’accéder à un marché bien plus large que celui auquel elle aurait accédé par elle-même, a rendu l’industrie française plus productive et elle offre aux citoyens français une plus large gamme de produits moins chers qu’ils n’auraient sinon été capables d’acheter. Désolé, mais la France n’est juste pas assez grosse pour prospérer avec des politiques introverties et nationalistes. Au vu des bénéfices associés à l’appartenance à une plus large entité économique, faire partie de Schengen (qui réduit les frictions et améliore le fonctionnement de l’intégration) doit être perçu comme un privilège, non comme un fardeau.

Je ne suis en aucune manière en train dire que l’UE va bien ou que la politique économique française est fabuleuse. Le consensus européen en faveur de l’austérité a été tout particulièrement malavisé et destructeur. Et la France a trop cherché à s’infliger une austérité inutile. J’ai parfois dit que la maladie économique la plus sérieuse dont souffre la France est l'hypocondrie, une tendance à croire la propagande qui la dépeint comme l’homme malade de l’Europe depuis plus de trois décennies, alors même qu’elle continue de présenter une forte productivité et une performance honorable en termes d’emploi.

Le fait est, cependant, que rien de ce que le FN a à offrir ne pousserait la France dans la bonne direction. Ce n’est pas parce que Le Pen et les économistes comme moi-même sommes critiques vis-à-vis de la politique européenne que cela signifie que nous ayons quelque chose en commun. »

Paul Krugman, « Europe has problems, but Le Pen is not the answer », in The Conscience of a Liberal (blog), 11 avril 2017. Traduit par Martin Anota



La France versus les Etats-Unis


« Je suis toujours en train de penser aux élections qui se tiendront prochainement en France. Est-ce que Le Pen sera le prochain Trump ? Je n’en ai aucune idée. Mais j’ai remarqué avec intérêt à quel point il y a si peu de ressemblances entre l’économie française et l’économie américaine, ce qui m’amène davantage à douter que "l’anxiété économique" puisse expliquer l’envolée populiste. (...)

En fait, les années 1990 ont constitué ce qui semble être un point bas. A plusieurs niveaux, la France a réalisé de meilleures performances depuis lors, en particulier en comparaison avec les Etats-Unis. Le chômage officiel est élevé, mais cela est quelque peu trompeur. Si vous regardez les adultes dans la force de l’âge, vous constaterez qu’ils sont actuellement bien plus susceptibles d’être employés en France qu’ils ne le sont aux Etats-Unis :

GRAPHIQUE 2 Taux d’emploi des 25-54 ans aux Etats-Unis et en France (en %)

Paul_Krugman__France_Etats-Unis_taux_d_emploi_25-54_ans__Martin_Anota_.png

La productivité française était tout d’abord légèrement supérieure et elle est désormais légèrement inférieure à celle des Etats-Unis, peut-être parce que davantage de personnes sont employées ; mais de toutes façons, étant donnée la marge de manœuvre dans de tels chiffres, nous sommes en train de regarder un pays qui se situe sur la frontière technologique :

GRAPHIQUE 3 Productivité horaire aux Etats-Unis et en France (en dollars)

Paul_Krugman__productivite__France_Etats-Unis__Martin_Anota_.png

Et la France a, du moins jusqu’à présent, été épargnée par l’épidémie Case-Deaton de "morts de désespoir" :

GRAPHIQUE 4 Taux de mortalité ajustés en fonction de l’âge entre 45 et 54 ans (en indices, base 100 en 2010)

Case_Deaton__Taux_de_mortalite_ajustes_en_fonction_de_l_age_entre_45_et_54_ans.png

Si la très faible inflation en est un bon indicateur, il semble que l’économie française semble opérer quelque part sous son potentiel. Mais elle ne connaît pas de crise macroéconomique.

Et, comme je l’ai écrit dans mon précédent billet, la France n’est pas la Grèce : l’euro a été une mauvaise idée, mais la France n’est pas une nation qui souffre vraiment aujourd’hui du fait de ne pas avoir de devise indépendante, donc il n’y a pas d’urgence pour elle à sortir de la zone euro et donc pas de raison évidence pour qu’elle subisse les coûts massifs qu’une sortie de l’euro imposerait. (...) Oh, et permettez-moi de le répéter : Le Pen n’offre aucune réponse aux problèmes de l’UE »

Paul Krugman, « The French, ourselves », in The Conscience of a Liberal (blog), 12 avril 2017. Traduit par Martin Anota

jeudi 7 avril 2016

La croissance de la zone euro est trop dépendante de la demande extérieure

GRAPHIQUE Contributions à la croissance du PIB de la zone euro (en % du total, entre 2012 et 2015)

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source : The Economist (2016)

jeudi 7 mai 2015

Impact de la Grande Récession sur les salaires, la productivité et le chômage

The_Economist__impact_Grande_Recession_sur_chomage__salaires_et_productivite__Martin_Anota_.png

source : The Economist (2015)