Nobel Laureate and University of Chicago Professor of Economics and Sociology, Garyy Becker, AM’53, PhD’55, passed away on Saturday.  He was 83 years old.

« L'Académie royale des sciences de Suède a décidé de décerner le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel de 1992 au professeur Gary S. Becker, de l’Université de Chicago aux Etats-Unis pour avoir étendu le domaine de l'analyse microéconomique à un large éventail de comportements humains et d'interactions, y compris le comportement non marchand.

La contribution de Gary Becker à la recherche a principalement consisté à étendre le domaine de la théorie économique aux aspects du comportement humain qui n’avaient déjà été analysés (au mieux) que par d'autres disciplines des sciences sociales comme la sociologie, la démographie et la criminologie. Ce faisant, il a incité les économistes à s'attaquer à de nouveaux problèmes.

Le programme de recherche de Gary Becker est fondé sur l'idée que le comportement d'un individu respecte les mêmes principes fondamentaux dans un certain nombre de domaines différents. Le même modèle explicatif devrait donc, selon Becker, être applicable pour analyser des aspects très divers du comportement humain. Le modèle explicatif avec lequel Becker a choisi de travailler est basé sur ce qu'il appelle une approche économique, qu’il a appliquée dans divers domaines. Cette approche se caractérise par le fait que les agents individuels (qu'il s'agisse aussi bien de ménages, d'entreprises ou de d'autres organisations) sont supposés se comporter rationnellement, c'est-à-dire, à dessein, et que leur comportement peut être décrit comme s'ils maximisaient une fonction d’objectif spécifique, tel que l'utilité ou la richesse. Gary Becker a appliqué le principe de comportement rationnel, optimisateur dans des zones où les chercheurs supposaient jusqu’alors que le comportement était compulsif et souvent carrément irrationnel. Becker a emprunté un aphorisme de Bernard Shaw pour décrire sa philosophie méthodologique : "L'économie est l'art de tirer le plus de la vie".

Les applications du modèle de base de Becker à différents types de comportement humain peuvent être regroupées en quatre domaines de recherche : (i) les investissements dans le capital humain ; (ii) le comportement de la famille (ou du ménage), y compris la répartition du travail et la répartition du temps dans la famille ; (iii) le crime et le châtiment ; et (iv) la discrimination sur les marchés du travail et des biens.

Le capital humain

La contribution la plus remarquable de Gary Becker est peut-être celle dans le domaine du capital humain, c'est-à-dire les compétences humaines et les conséquences des investissements dans les compétences humaines. La théorie du capital humain est née avant les travaux de Becker dans ce domaine. Son principal apport est d'avoir formulé et formalisé les fondements microéconomiques de cette théorie. Ce faisant, il a développé l'approche du capital humain dans une théorie générale pour déterminer la distribution des revenus du travail. Les prédictions de la théorie au regard de la structure des salaires ont été formulées dans des fonctions de rémunérations du capital humain, qui spécifient la relation entre le revenu et le capital humain. Ces contributions ont d'abord été présentées dans quelques articles au début des années soixante et elles ont été davantage développées, à la fois aux niveaux théorique et empirique, dans son livre Human Capital en 1964.

La théorie du capital humain a créé un cadre d'analyse uniforme et d'application générale pour étudier non seulement le rendement de l'éducation et de la formation sur le tas, mais aussi les écarts salariaux et les évolutions de salaires au cours du temps. D'autres applications importantes, poursuivies par divers économistes, incluent une décomposition des facteurs sous-jacents à la croissance économique, la migration, ainsi que les investissements et les revenus dans le secteur de la santé. L'approche du capital humain permet aussi d'expliquer la structure des échanges entre les pays ; en fait, les différences dans l'offre de capital humain entre les pays contribuent à expliquer les différences dans l'offre de capital réel observées d’un pays à l’autre.

Les applications pratiques de la théorie du capital humain ont été considérablement facilitées par la plus grande disponibilité de données microéconomiques, par exemple les données de panel, concernant les salaires et les différentes caractéristiques du travail. Ce développement a également été stimulé par les études théoriques et empiriques de Becker. Il ne serait pas exagéré de dire que l'approche du capital humain est l'une des théories les plus appliquées empiriquement en économie aujourd'hui.

Le ménage et la famille

Gary Becker a réalisé une extension encore plus radicale de l'applicabilité de la théorie économique dans son analyse des relations entre les individus en dehors du système marchand. L'exemple le plus connu est son analyse des fonctions de la famille. Ces études sont résumées dans son livre A Treatise on the Family, écrit en 1981.

Une idée fondamentale dans l'analyse de Becker est qu'un ménage peut être considéré comme une "petite usine" qui produit ce qu'il appelle des produits de base, comme les repas, une résidence, des spectacles , etc., en utilisant le temps et l’intrant des produits sur le marché ordinaire, "semi-produits", que les ménages achètent sur le marché. Dans ce type d'analyse, les prix des produits de base ont deux composantes. La première est composée des coûts directs de l'achat de biens intermédiaires sur le marché. La seconde est la dépense en temps pour la production et la consommation du bien (…), cette dépense est équivalente à un salaire multiplié par le temps passé par unité de bien produit dans le ménage. Cela implique que l'augmentation du salaire d'un membre du ménage change non seulement les incitations à travailler sur le marché, mais modifie aussi la production et la consommation de biens produits par le ménage (c’est-à-dire de produits de base) en les rendant moins chronophages. Au lieu d'une analyse en termes de la dichotomie traditionnelle entre travail et loisirs, le modèle de Becker propose une théorie générale de la répartition du temps du ménage, comme illustrée dans l'essai "A Theory of the Allocation of Time" en 1965. Cette approche s'est révélée être une base très utile pour l'examen de nombreuses questions associées au comportement des ménages.

Becker est allé encore plus loin. Il a formulé une théorie générale du comportement de la famille, y compris non seulement pour la répartition du travail et pour la répartition du temps dans la famille, mais également pour les décisions concernant le mariage, le divorce et les enfants. Lorsque les salaires réels augmentent, ainsi que les possibilités de substitution du capital au travail dans les travaux ménagers, le travail est libéré dans le ménage, de sorte qu'il devient de moins en moins rentable de laisser un membre du ménage se spécialiser en totalité dans la production ménagère (par exemple, la garde d'enfants). En conséquence, certaines des fonctions sociales et économiques précédemment réalisées par la famille sont transférées à d'autres institutions telles que les entreprises, les écoles et d'autres organismes publics. Becker a affirmé que ces processus expliquent non seulement l'augmentation de la participation des femmes mariées au travail non domestique, mais aussi l’essor du divorce ; voir l’article qu’il a coécrit en 1986 avec N. Tomes "Human Capital and the Rise and Fall of Families".

Parallèlement à l'analyse de la répartition du travail et la répartition du temps dans le ménage, la contribution la plus influente de Becker dans le cadre du ménage et de la famille est probablement ses études sur la fertilité, notamment son essai intitulé "An Economic Analysis of Fertility" en 1960. Les parents sont supposés avoir des préférences concernant le nombre de leurs enfants et le niveau d'éducation de ces derniers, le niveau d'éducation étant affecté par la quantité de temps et d'autres ressources que les parents consacrent à leurs enfants. Les investissements dans le capital humain des enfants peuvent être déterminés par une fonction de revenus et de prix. Lorsque les salaires augmentent, les parents augmentent leurs investissements dans le capital humain et réduisent le nombre d'enfants. Becker utilise cette théorie pour expliquer, par exemple, le déclin historique de la fécondité dans les pays industrialisés, ainsi que les variations de fécondité entre les différents pays et entre les zones urbaines et rurales. En particulier, la politique familiale en Suède, à laquelle Becker se réfère souvent, suggère le bien-fondé de l'approche économique dans l'analyse de ces questions.

Crime et châtiment

Le troisième domaine où Gary Becker a appliqué la théorie du comportement rationnel et du capital humain est le "crime et châtiment". Un criminel, à l'exception d'un nombre limité de psychopathes, est supposé réagir à différents stimuli de manière prévisible ("rationnelle"), à la fois en ce qui concerne les rendements et les coûts, comme dans la forme du châtiment attendu. Au lieu de considérer l'activité criminelle comme un comportement irrationnel associé au statut spécifique psychologique et social d'un délinquant, la criminalité est analysée comme un comportement rationnel en situation d'incertitude. Ces idées sont exposées, par exemple, dans l'essai de Becker "Crime and Punishment: An Economic Approach" publié en 1968 et dans les Essays in the Economics of Crime and Punishment publiés en 1974.

Les études empiriques liées à cette approche indiquent que le type de crime commis par un certain groupe d'individus peut s'expliquer dans une large mesure par le capital humain (et donc, l'éducation) d'un individu. Ces études empiriques ont également montré que la probabilité de se faire prendre a un effet plus dissuasif sur la criminalité que la durée de la peine.

La discrimination économique

Un autre exemple d'application non conventionnelle de la théorie de comportement rationnel, optimisateur de Becker est son analyse de la discrimination sur la base de la race, le sexe, etc. Ce fut la première contribution de la recherche significative de Becker, publiée dans son livre intitulé The Economics of Discrimination en 1957. La discrimination est définie comme une situation où un agent économique est prêt à engager des frais afin de s'abstenir d'une opération économique ou de conclure un contrat économique avec quelqu'un qui se caractérise par des traits autres que les siens propres en termes de race ou de sexe. Becker démontre que ce type de comportement, en termes purement analytiques, agit comme un "coin fiscal" entre les taux de rendements sociaux et privés. L'explication est que l'agent discriminant se comporte comme si le prix du bien ou du service acheté auprès de l'agent discriminé était plus élevé que le prix effectivement payé et le prix de vente offert à l’agent discriminé était inférieur au prix effectivement obtenu. La discrimination tend donc à être économiquement préjudiciable non seulement à ceux qui sont victimes de discrimination, mais aussi à ceux qui pratiquent la discrimination.

L'influence de Becker

L'analyse de Gary Becker a souvent été controversée et donc, au départ, accueillie avec scepticisme et même avec méfiance. Malgré cela, il ne s’est pas découragé, mais a persévéré dans ses recherches, pour voir ses idées et ses méthodes de plus en plus acceptées par les économistes.

Becker a également eu une influence non négligeable dans d'autres sciences sociales. Divers aspects de la démographie constituent un exemple, en particulier en ce qui concerne la fécondité, les efforts menés par les parents dans l'éducation et le développement de leurs enfants, aussi bien que l’héritage. D'autres exemples sont la recherche sur la discrimination sur le marché du travail, le crime et le châtiment. Mais Becker a également eu un impact indirect sur les approches scientifiques en sciences sociales autres que l'économie ; plus fréquemment que par le passé, les sociologues et les politologues travaillent avec des modèles basés sur les théories de "choix rationnel". »

Académie royale des sciences de Suède, communiqué de presse, 13 octobre 1992. Traduit par Martin Anota