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Tag - Gauti Eggertsson

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lundi 5 avril 2021

L’« excès d’épargne » n’est pas excessif

« Comment l’économie américaine émergera-t-elle de l’actuelle pandémie de Covid-19 ? Va-t-elle avoir des difficultés à revenir aux niveaux antérieurs d’emploi et d’activité ou va-t-elle vite rebondir une fois les vaccinations généralisées à l’ensemble de la population et les Américains rassurés à l’idée de voyager et de manger dehors ? Une partie des réponses à ces questions tient à ce qui va se passer pour l'ample "excès d'épargne" que les ménages américains ont accumulé depuis mars 2020. Selon la plupart des estimations, cette épargne représente environ 1.600 milliards de dollars. Certains économistes, notamment Olivier Blanchard (2021), ont exprimé leurs inquiétudes à l’idée que, si une fraction considérable de ces fonds accumulés était immédiatement dépensée aussitôt l’économie rouverte, l’afflux de demande qui en résulterait se révélerait déstabilisateur. Ce billet affirme que cette épargne n’est pas excessive, lorsqu’on la considère au regard des interventions sans précédent du gouvernement au cours de l’année passée pour soutenir les ménages et qu’il est improbable qu’elle génère une explosion de la demande post-pandémique.

GRAPHIQUE Epargne personnelle dégagée chaque mois aux Etats-Unis (en milliards de dollars)

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Il est simple de calculer l’excès d’épargne : c’est le montant cumulé d’épargne personnelle durant la pandémie qui excède la trajectoire contrefactuelle sans épidémie de Covid-19. Comme l’indique la courbe bleue sur le graphique ci-dessus, l’épargne personnelle a été élevée depuis fin mars 2020. La ligne rouge représente un scénario contrefactuel plausible, dans lequel le taux d’épargne à partir du revenu disponible est constant et égal au niveau qu’il atteignait avant la pandémie (7,3 %), alors que le revenu personnel disponible croît à son rythme moyen au cours des vingt dernières années (3,5 %). L’excès d’épargne est représenté par la zone entre les deux lignes. Selon ce calcul, il représentait 1.600 milliards de dollars à la date de décembre 2020. Différentes hypothèses plausibles de l’évolution contrefactuelle de l’épargne personnelle en l’absence de pandémie amènent à des chiffres qui sont très proches de cette estimation.

D’où vient cet excès d’épargne ? Il y a manifestement trois facteurs sous-jacents. Premièrement, beaucoup d’Américains ont pu garder leur emploi et leur revenu l’année dernière. Cependant, ils n’ont pas dépensé autant qu’ils ne l’auraient fait en l’absence de la pandémie, parce qu’à cause de cette dernière ils ne sont pas allés au restaurant ou n’ont pas pris de vacances. L’accroissement des achats de fournitures, électronique et autres biens n’a compensé qu’en partie cette chute des achats de services. Par conséquent, la consommation globale a chuté pour plusieurs ménages, même si leur revenu est resté plus ou moins intact. Deuxièmement, à partir de la réponse d’urgence adoptée début mars et le subséquent CARES Act, le gouvernement est intervenu pour remplacer une partie du revenu perdu, en particulier pour les travailleurs dans les secteurs les plus touchés par la pandémie. Une partie de ce soutien des revenus a été dépensée pour permettre aux ménages de continuer de subvenir à leurs besoins, mais il ne l’a pas été en totalité. Troisièmement, il est possible que les ménages aient décidé d’épargner plus que d’habitude par précaution, étant donné la forte incertitude à propos de leurs emplois et de la santé future de l’économie.

Qu’importe la raison précise, il ne fait aucun doute que les ménages ont plus épargné l’année passée qu’ils ne l’auraient fait dans un monde sans pandémie. Mais y a-t-il quelque chose d’"excessif" à propos de l’épargne qu’ils ont ainsi accumulée ? Cette épargne est-elle vraiment si différente des 130 milliards de valeur nette que les ménages américains détiennent déjà qu’ils risqueraient à la dépenser plus vite qu’avec les autres composantes de leur richesse ? Il y a au moins trois raisons de penser que la réponse à cette question est non.

Tout d'abord, l’excès d’épargne est la contrepartie comptable du supplément de dette publique. Selon les principes de la comptabilité nationale, le flux d’épargne privée (par les ménages et les entreprises) doit être canalisé vers l’un des trois usages suivants : il peut financer l’investissement, être prêté à l’étranger ou être prêté au gouvernement. En 2020, le gouvernement américain a dépensé pratiquement 2.000 milliards de dollars pour combattre la récession provoquée par l’épidémie de Covid-19 et l’essentiel de ces dépenses a été financé par endettement. Les 1.600 milliards d’"excès d’épargne" constituent la contrepartie comptable de l’emprunt du gouvernement.

Comme c’est souvent le cas avec les identités comptables, cette observation n’a que des implications économiques limitées. Elle ne révèle pas pourquoi les ménages ont accumulé un "excès d’épargne", ni s’ils vont le dépenser une fois l’économie pleinement rouverte. Néanmoins, cela nous aide à le considérer sous un autre éclairage, non pas comme une ressource supplémentaire prête à être dépensée, mais comme le revers d’un effort budgétaire extraordinaire pour combattre la pandémie de Covid-19.

Ensuite, l’excès d’épargne est principalement détenu par… les épargnants. L’une des raisons pour lesquelles les économistes n’associent pas la hausse exceptionnelle de la dette publique observée l’année dernière à une explosion imminente de la demande agrégée (même s’ils peuvent s’inquiéter à son propos pour d’autres raisons) est l’idée que la dette publique est une dette que les citoyens se doivent à eux-mêmes. En tant que telle, elle ne représente pas une "richesse nette" qui est déjà dépensée. Dans le langage des économistes, cette idée est connue sous le nom d’équivalence ricardienne. Selon cette proposition, les transferts publics financés avec la dette publique n’affectent pas la consommation parce que les ménages les épargnent pour payer la hausse des impôts qui sera en définitive nécessaire pour rembourser cette dette. Si l’équivalence ricardienne est vérifiée, la propension marginale à consommer les transferts financés par endettement sera nulle et l’épargne résultante ne sera jamais dépensée.

L’équivalence ricardienne est le genre de repère théorique que les économistes adorent, mais elle n’est pas clairement vérifiée en pratique. En fait, beaucoup de ménages américains ont dépensé une part significative des chèques qu’ils ont reçus et des autres soutiens au revenu qu’ils ont reçus durant la pandémie. Selon les estimations disponibles, cette part est d’environ un tiers en moyenne. Le reste a été utilisé pour rembourser la dette (également d’environ un tiers) ou sinon épargné. Il est difficile de savoir précisément qui détient cette épargne, mais il semble raisonnable de supposer que ce sont des individus ou ménages avec un matelas dans leur budget et dont les décisions en matière de consommation sont par conséquent moins sensibles à leurs conditions économiques immédiates. C’est ce qui leur permet d’épargner une partie du soutien budgétaire qu’ils ont reçu. Selon la théorie économique, ces épargnants sont davantage susceptibles d’être ricardiens et donc de continuer à détenir cette épargne. Bien sûr, leurs conditions économiques peuvent changer à l’avenir et ils peuvent se retrouver dans la nécessité de dépenser ces ressources accumulées, mais la fin de la pandémie risque peu d’amener ces épargnants à consommer immédiatement. Et à mesure que les conditions agrégées s’améliorent, de moins en moins de ménages font face à des difficultés financières.

Enfin, il est improbable que l’excès d’épargne déclenche une demande de rattrapage pour les services. L’une des choses que l’on peut penser au terme de nos précédents propos est qu’une partie de l’"excès d’épargne" peut s’expliquer par un manque d’opportunités de dépenses dans les secteurs de l’économie les plus affectés par le virus, notamment les voyages et le divertissement. Si c’est exact, une partie de ces dépenses perdues peuvent se matérialiser une fois que ces secteurs seront pleinement rouverts.

A quel point cette demande de "rattrapage" sera importante ? D’un côté, il y a peu de doute que beaucoup de consommateurs vont s’offrir des repas au restaurant supplémentaires et peut-être des vacances prolongées après une si longue période où ils n’ont pas pu s’en offrir. D’un autre côté, il y a une limite à l’ampleur de ces repas et vacances supplémentaires. Pour savoir dans quelle mesure cette demande de rattrapage découlera de l’"excès d’épargne" accumulé durant la pandémie, rappelons que les estimations disponibles de la propension à consommer les transferts du CARES Act est d’environ un tiers. Cela signifie que le ménage moyen dépense environ 33 centimes pour chaque dollar reçu en transferts directs. Cette estimation concorde avec celles tirées des précédents transferts de ce genre, par exemple les Economic Stimulus Payments de 2008. Par conséquent, la pandémie ne semble pas avoir substantiellement limité la capacité des ménages à dépenser le soutien budgétaire qu’ils ont reçu.

L’une des conclusions que l’on peut tirer de ces trois considérations est que, malgré son importance par rapport aux normes historiques, l’épargne accumulée par les ménages américains n’apparaît pas "excessive" lorsqu’on la considère au regard des besoins extraordinaires que beaucoup de ménages américains présentent et de l’intervention publique sans précédent pour les soutenir. Il est certainement possible que les ménages utiliseront une partie de cette épargne pour se payer un supplément de voyages et de divertissement une fois le cauchemar de la pandémie derrière nous, mais notre conclusion est que la stimulation des dépenses qui en résultera sera très limitée. Cette conclusion n’exclut pas une forte reprise de l’activité économique suite au choc du virus. Elle implique seulement que la dépense de cet excès d’épargne n’en sera pas l’un des principaux moteurs. »

Florin Bilbiie, Gauti Eggertsson, Giorgio Primiceri et Andrea Tambalotti, « "Excess savings" are not excessive », in Federal Reserve Bank of New York, Liberty Street (blog), 5 avril 2021. Traduit par Martin Anota

mardi 4 septembre 2018

Stagnation séculaire : Mythe et réalité

« J’ai lu l’article intitulé "Le mythe de la stagnation séculaire" où Joseph Stiglitz (qui est généralement excellent) se penche sur la stagnation séculaire. L’article développe l’idée que le concept de stagnation séculaire est une sorte de subterfuge créé pour exonérer ceux qui sont en charge de la politique économique de la responsabilité de la faible reprise que nous avons connue suite à la Grande Récession. Je pense que cette vision est (…) fondamentalement erronée (…).

Lorsque Larry Summers a tout d’abord évoqué l’idée de stagnation séculaire dans un discours au FMI à la fin de l’année 2013, Neil Mehrotra et moi-même avions écrit un petit article quelques mois après qui, d’après ce que je sais, constitue le premier effort visant à théoriser cette idée dans un modèle DSGE moderne. Plus tard, avec l’aide de notre étudiant Jake Robbins, nous sommes allés au-delà de la simple illustration théorique pour explorer une version quantitative de l’hypothèse dans un article qui va être publié dans l’American Economic Journal: Macroeconomics. Entretemps, nous avons écrit plusieurs articles en collaboration avec Larry Summers et d’autres coauteurs qui ont exploré divers aspects de cette idée (par exemple, ici et). Il serait surprenant si j’avais participé à mon insu à une entreprise exonérant les décideurs de politique économique pour la responsabilité de la faiblesse de la reprise !

La plus grosse erreur et peut-être la plus évidente avec le raisonnement de Stiglitz est la suivante : si l’hypothèse de la stagnation séculaire est correcte, cela n’exonère en rien les responsables de la politique économique de la responsabilité de la faible reprise. En fait, elle dit exactement le contraire, si bien que, si elle est correcte, la théorie prédit que les décideurs de la politique économique auraient dû en faire plus en 2008 que les théories existantes ne le suggèrent. Quelle est d’ailleurs l’idée de la stagnation séculaire ? La plupart des gens, notamment moi-même, avions initialement considéré que la crise de 2008, où les Etats-Unis et beaucoup d’autres pays se retrouvaient contraints par la borne inférieure zéro (zero lower bound), était due à certaines forces temporaires, par exemple qu’elle résultait du cycle de désendettement (idée que j’ai développée avec Paul Krugman ici) ou de problèmes du secteur bancaire (une idée que j’ai développée avec Del Negro, Ferrero et Kiyotaki ici). Mais en aucun cas, la plupart des hypothèses étaient des hypothèses dans lesquelles les forces menant à la borne inférieure zéro étaient temporaires, si bien qu’une stratégie pour la politique économique (par exemple si le coût de l’intervention était considéré comme élevé) pouvait consister à tout simplement attendre, comme "bientôt tout irait mieux".

Ce qui a distingué l’hypothèse de Larry par rapport à beaucoup des travaux antérieurs était qu’elle suggérait que les forces qui poussent le taux d’intérêt naturel à la baisse, en amenant les taux à buter sur leur borne inférieure zéro à devenir, puissent ne pas être des forces temporaires, mais plutôt des forces qui ne se seraient pas dissipées par elles-mêmes. La littérature a identifié plusieurs forces susceptibles de le faire, notamment le changement démographique, la chute de la croissance de la productivité, l’excès mondial d’épargne (global savings glut), le creusement des inégalités et ainsi de suite, c’est-à-dire des forces qui peuvent générer un excès d’épargne par rapport à l’investissement et pousser ainsi le taux d’intérêt naturel en territoire négatif de façon permanente (ou du moins très longuement). Ce qui était intéressant lorsqu’on a essayé de modéliser l’hypothèse de stagnation séculaire était qu’on devait non seulement opérer à cœur ouvert du côté de la demande des modèles DSGE traditionnels (pour faire émerger la possibilité de taux d’intérêt constamment négatifs, qui sont dans les modèles standards fixés à l’inverse du paramètre gouvernant les préférences temporelles), mais aussi envisager la possibilité du côté de l’offre qu’il puisse y avoir une récession permanente due à une insuffisance de la demande, par exemple en raison de l’arbitrage permanent entre inflation et production (inconcevable dans la macroéconomie traditionnelle). En tout cas, cette recherche, contrairement à ce que Stiglitz semble penser, est que l’hypothèse de stagnation séculaire offre un robuste argument pour adopter des interventions agressives, notamment en 2008. Loin d’être "juste une excuse pour des politiques erronées" l’hypothèse a donné une bonne raison de croire que davantage de choses auraient pu être faites en 2008.

Il est difficile de finir ce billet sans répondre brièvement à l’affirmation de Stiglitz selon laquelle les événements de l’année dernière "ont démenti cette thèse" de stagnation séculaire. Stiglitz suggère que l’expansion budgétaire menée par Trump est responsable en partie de la reprise actuelle (une suggestion que je supposerais comme exacte afin de simplifier mon raisonnement). Il est étrange de suggérer que cela "dément l’idée" de stagnation séculaire, alors que c’est précisément ce que prédirait la théorie de la stagnation séculaire : Avec de faibles taux d’intérêt, il y a davantage de marge de manœuvre que d’habitude pour adopter un plan de relance budgétaire, c’est-à-dire qu’il est moins probable que la banque centrale réagisse en resserrant sa politique monétaire. Donc ici Stiglitz semble tout mélanger. Au final, je pense que l’implication du diagnostic de 2008 au prisme de la théorie de la stagnation séculaire est en fait tout à fait en résonnance avec de que Stiglitz a dit ici et ailleurs, par exemple que "la chute après la crise financière fut plus sévère et la redistribution massive du revenu et du patrimoine vers les plus riches a affaibli la demande agrégée" et que "la contraction de l’activité était susceptible d’être profonde et longue" et que ce qui était nécessaire était quelque chose de "plus fort et différent de ce qu’Obama a proposé". En effet, l’hypothèse de la stagnation séculaire contribue à structurer un tel raisonnement. »

Gauti Eggertsson, « Secular Stagnation, Myth and Reality », 2 septembre 2018. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Larry Summers et la stagnation séculaire »

« Les pays avancés font-ils face à une stagnation séculaire ? »

« Comment modéliser la stagnation séculaire ? »

« La stagnation séculaire en économie ouverte »

« Les importunités économiques pour nos petits-enfants… Genèse de l’hypothèse de la stagnation séculaire »

mercredi 27 janvier 2016

Le pétrole et le paradoxe du labeur

« Je pense que c'est durant l’automne de l’année 2009 que j’ai conçu ce que j’ai par la suite appelé le "paradoxe du labeur" (paradox of toil) ; j’ai notamment développé cette notion dans un document de travail de 2010. Il s’agit d’un paradoxe dans la lignée du vieux paradoxe de l’épargne (paradox of thrift), selon lequel si tout le monde désire travailler plus, il y aura moins d’épargne au niveau agrégé.

Le raisonnement était simple : dans une économie où les taux d’intérêt nominaux sont contraints par leur borne inférieure zéro (zero lower bound), alors ce qui importe réellement est la demande agrégée, non l’offre agrégée, si bien que vous devez vous focaliser sur les choses susceptibles d’accroître la demande. Si le problème est que les gens n’achètent pas assez de biens et services, il ne sera pas utile d’ajouter des capacités de production supplémentaires, dans la mesure où celles déjà en place risquent de n’être que partiellement exploitées (si un fermier ne peut vendre toute sa production, pourquoi achèterait-il un nouveau tracteur ou embaucherait-il un nouveau salarié ?).

Il y a un autre point, peut-être plus subtile, que l’article soulève, en l’occurrence le paradoxe du titre. Selon lui, si vous accroissez les facteurs de production sous des conditions particulières (par exemple si tout le monde désire travailler plus), alors vous pouvez vous retrouver en fait avec une production d’équilibre bien plus faible, c’est-à-dire qu’il est possible que chacun travaille en fait moins à l’équilibre.

La logique est assez simple à obtenir dans la plupart des modèles monétaires, si bien qu’elle peut s’appliquer assez largement (lorsque j’ai formulé le paradoxe, je n’ai pas cherché à trancher quant à savoir si c’était un bug ou un aspect des modèles des nouveaux keynésiens). A la borne inférieure zéro, le taux d’intérêt réel est trop élevé, dans la mesure où il est supérieur au taux d’intérêt naturel. Les choses qui accroissent l’offre vont tendre à réduire les coûts marginaux des entreprises (par exemple, les salaires dans l’exemple ci-dessus si tout le monde veut travailler plus) et donc entraîner des pressions déflationnistes. Le taux d’intérêt réel va alors avoir tendance à augmenter, ce qui est exactement ce que vous ne voulez pas avoir lorsque le taux d’intérêt naturel est négatif et que la banque centrale ne peut réduire davantage ses taux. Un taux d’intérêt plus élevé réduit l’incitation des personnes à dépenser et à investir. Donc, en fait, vous vous retrouvez dans la situation suivante : tout le monde désire travailler plus, mais il y a moins de travail effectif à l’équilibre. C’est le paradoxe du labeur.

J’ai parlé de plusieurs autres exemples dans mon ancien article qui peuvent avoir un tel effet, notamment une baisse temporaire des prix du pétrole. En regardant le monde aujourd’hui, il est difficile de penser que la récente chute des prix du pétrole ait particulièrement aidé l’économie mondiale. Les gens se sont typiquement focalisés sur la perturbation que ces chutes ont pu entraîner pour les entreprises produisant du pétrole et les banques qui leur ont accordé des prêts. Ces considérations sont sûrement assez importantes.

Le paradoxe du labeur pointe toutefois un problème plus général, à savoir que cette chute des prix du pétrole génère une pression baissière sur l’inflation courante et l’inflation anticipée, ce qui resserre davantage la politique monétaire tout autour du monde en accroissant les taux d’intérêt réels. Il semble que les anticipations d’inflation chutent dans tous les pays industrialisés, du moins selon certains indicateurs. Il est difficile d’imaginer comment toute nouvelle pression déflationniste pourrait aider dans ce contracte. Donc peut-être que la chute actuelle des prix du pétrole se révélera être une assez bonne expérience de laboratoire pour examiner le paradoxe du labeur (même, comme toujours en économie, il y a plein de choses qui se passent en même temps…). »

Gauti Eggertsson, « Oil and the paradox of toil », in Economic Notes (blog), 19 janvier 2016. Traduit par Martin Anota



aller plus loin... lire « Krugman, Fisher et Minsky »