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Tag - Troïka

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dimanche 5 juillet 2015

Les idéologues de la zone euro et la capture du FMI

« Certes le PIB grec a chuté de 25 % en 4 ans, le chômage a augmenté et atteint 25 % et le chômage des jeunes 50 %, mais avant l’élection de Syriza le PIB grec avait en fait arrêté de se contracter. De nouvelles mesures d’austérité budgétaire étaient prévues, si bien que la Grèce pouvait commencer à payer des intérêts sur son énorme dette publique. Les réformes prévues étaient évidemment dans les intérêts de l’économie grecque. Les prévisions officielles suggéraient que l’économie grecque allait recommencer à croître à un rythme suffisamment rapide pour stopper la hausse du chômage. Qui sait, dans une décennie, il aurait même pu chuter sous 20 %.

Mais il y eut soudainement le désastre. Le peuple grec gâcha tout en élisant un gouvernement qui proclamait qu’il pouvait y avoir une alternative à tout ça. Bien sûr, on ne peut pas rejeter la faute sur le peuple grec : comment peut-il comprendre qu’il n’y a pas d’alternative à ses souffrances ? Les vrais responsables, ce sont les politiciens "populistes" qui prétendaient qu’il pouvait y avoir une alternative. Les négociateurs si patients et compréhensifs de la Troïka eurent alors à négocier avec des "idéologues adolescents" qui étaient prêts à utiliser la souffrance des Grecs comme moyen d’atteindre leurs propres fins politiques. (…)

Beaucoup voient vraiment les choses ainsi (…). L’hypocrisie de certains commentaires sur la Grèce est effroyable. Quand l’"idéologue adolescent" Tsipras montre sa maturité en tant que chef d’Etat en se préparant à faire des compromis afin d’obtenir un accord, il est accusé d’être incohérent et de divaguer. Quand les personnes avec lequel il négocie le poussent à en faire davantage qu’il n’est prêt à faire, il est accusé d’"amener la Grèce au bord du précipice" en ayant la témérité de demander au peuple grec de choisir. (Tout politicien mature sait que dans une Europe moderne vous faites seulement appel à un référendum lorsque vous êtes sûr d’obtenir la réponse que vous voulez et que cela ne vous amène pas à en ignorer le résultat pour appeler à un autre référendum.) Monsieur Tsipras est accusé d’oublier que les autres nations ont, elles aussi, des régimes démocratiques, comme si la Troïka avait présenté un profond respect pour la démocratie en agissant comme si rien n’avait changé avec l’élection de Syriza.

L’OCDE estime que l’écart de production en Grèce est actuellement bien supérieur à 10 %. Cela signifie que les personnes actuellement au chômage auraient pu produire quelque chose d’utile et que le PIB peut facilement s’accroître d’au moins 10 % sans générer d’inflation. (Le taux d’inflation est actuellement d’environ – 2 %.) Cela ne serait pas seulement dans les intérêts de la Grèce, mais aussi dans les intérêts de ses créanciers. C’est une manière de générer les excédents primaires que la Troïka désire sans infliger davantage de souffrances aux Grecs. C’est également indéniable que de nouvelles mesures d’austérité tendraient à réduire le PIB, de la même manière que les précédentes l’avaient fait. Donc chacun serait dans une meilleure situation si on laissait un peu respirer la Grèce, c’est-à-dire si nous laissions enfin son économie renouer avec la croissance. Mais c’est apparemment puéril de vouloir négocier pour que ce soit le cas.

Pourquoi est-il impossible pour la Troïka d’accepter un tel accord ? Elle affirme que ses propres démocraties ne le permettraient pas, mais c’est être bon politicien de faire des compromis lorsque ces compris sont dans l’intérêt de chacun. Je pense que cet argument est dans certains cas un écran de fumée, surtout lorsque l’on voit ce qui a pu être demandé à Tsipras. Il y a un schéma ici. Lorsqu’il était impossible pour la BCE d’agir comme prêteur en dernier ressort aux Etats, la seule réponse était un surcroît d’austérité, jusqu’à ce que cette austérité soit mise en place et que l’OMT devienne possible. Quand le gouvernement français essaya d’atteindre ses objectifs de déficit en élevant des impôts plutôt qu’en réduisant les dépenses publiques, on lui dit que ce n'était pas la bonne austérité à adopter. Beaucoup ont rejeté l’idée d’un assouplissement quantitatif car ils jugent qu’il réduirait les incitations des gouvernements à embrasser l’austérité et à adopter des "réformes". Donc, ce n’est peut-être que lorsque le gouvernement formé par Syriza aura échoué et que son successeur acceptera davantage d’austérité et de réformes qu’il s’avérera que la Troïka peut effectivement faire preuve de flexibilité à propos de la restructuration de dette.

L’une des accusations fréquemment portées à l’encontre des opposants de l’austérité dans la zone euro est qu’ils chercheraient à faire échouer le projet de l’euro. L’inverse est certainement plus proche de la vérité. Le problème avec le projet de l’euro est qu’il a été véritablement capturé par une idéologie économique et que l’austérité est la principale arme de cette idéologie. Une zone euro qui serait mature et qui aurait véritablement confiance en elle serait capable de tolérer la diversité, plutôt que d’essayer d’écraser toute dissidence. Une zone euro capturée par cette idéologie va marteler qu’il n’y a qu’une seule voie possible et que l’impératif de l’austérité est trop important pour tenir compte de la volonté démocratique des citoyens. Cette idéologie amène la zone euro au bord du précipice en s’apprêtant à mettre à la porte l’un de ses membres non coopératifs. Les critiques de l’austérité n’essayent pas de détruire la zone euro, mais de la sauver des griffes de cette idéologie autodestructrice. »

Simon Wren-Lewis, « The ideologues of the Eurozone », in Mainly Macro (blog), 3 juillet 2015. Traduit par Martin Anota



« Quand les gouvernements empruntent de trop et qu’ils ne peuvent plus rembourser leur dette, il se tournent généralement vers le FMI pour régler les choses. En jouant ce rôle, le FMI aurait dû être ferme face aux créanciers. Comme Interfluidity le souligne si remarquablement, c’est là où réside le véritable aléa moral.

Donc qu’est-ce qui s’est mal passé avec la Grèce ? Rappelez-vous que la Troïka fit une grande erreur en utilisant l’argent de ses citoyens pour prêter à la Grèce, afin que celle-ci puisse rembourser en partie les créanciers du secteur privé ; c’est bien vers ces derniers que l’essentiel de l’argent de la Troïka s’est retrouvé. La propre analyse du FMI fut profondément erronée (dans la mesure où elle sous-estima fortement l’impact de l’austérité sur l’économie grecque) et même l’accord échoua à son propre examen, donc une dérogation spéciale était nécessaire.

(…) Beaucoup des créanciers étaient des banques européennes, donc les motifs derrière leur renflouement étaient, pour le moins que l’on puisse dire, quelque peu conflictuels. Le FMI fut néanmoins persuadé d’avoir à agir comme il le fit en raison des craintes de contagion. Pourtant, s’il craignait une contagion sur les marchés de la dette souveraine, c’était à la BCE d’y mettre un terme en jouant enfin son rôle de prêteur en dernier ressort aux Etats (chose qu’elle finit par faire avec son programme OMT). Si le FMI craignait un effondrement du système bancaire européen, alors son sauvetage était de la responsabilité des gouvernements concernés et non du peuple grec.

(…) Oubliez tout ce que vous pouvez lire dans la plupart des articles sur le sujet. (…) Un accord aurait pu être trouvé si la Troïka avait laissé la possibilité d’une restructuration de la dette. Tout comme la plupart des économistes, le FMI confirme que la dette doit être restructurée. (…) Il n’a pas pour autant changé de comportement vis-à-vis du reste de la Troïka lors des négociations. Donc la Troïka écarta la possibilité d’une restructuration de la table des négociations : de vagues promesses de parler d’une éventuelle restructuration après la signature d’un accord ne suffisaient pas pour que Syriza accepte cet accord. Il y a deux raisons expliquant pourquoi l’Allemagne n’a pas voulu mettre cette option sur la table des négociations. La première est qu’elle n’a jamais voulu à ce qu’il y ait un accord ; la seconde est qu’il aurait été politiquement embarrassant pour les politiciens allemands d’introduire cette question lors des renégociations.

Le FMI n’avait pas à partager l’une ou l’autre de ces inquiétudes. Il aurait dû se montrer ferme face aux créanciers, en l’occurrence face aux institutions européennes. Il disposait clairement du pouvoir politique pour faire incliner les gouvernements européens sur la question de la restructuration. S’il l’avait fait, un accord aurait été trouvé. La seule conclusion que je peux tirer est que le FMI a été capturé par le reste de la Troïka (1) (2) (3). Comme Ashoka Mody le suggère, il s’est fait piéger par les priorités de certains actionnaires, notamment par le Royaume-Uni et l’Allemagne au cours des dernières années.

(1) Peter Doyle a aussi noté comment les interventions du FMI sur les "réformes" essentielles sont douteuses, tant sur le plan économique que politique. (Si ce rapport est exact, c’est même encore pire.) Alors même que plusieurs de ses membres semblent comprendre les multiplicateurs keynésiens (voir (2) ci-dessous), ceux en charge des négociations semblent avoir embrassé une vue allemande. (…)

(2) L’une des raisons justifiant qu’il est dans la tâche du FMI d’être dur envers les créanciers est que les créanciers ne s’inquiètent pas du bien-être social, c’est-à-dire du bien-être de l’ensemble des agents, c’est-à-dire eux-mêmes, mais aussi les emprunteurs. (…) Comme ce point n’est pas abordé dans les médias, penchons-nous un peu dessus (les chiffres se basent sur les chiffres d’un article de Martin Sandbu dans le Financial Times). Pour générer un excédent primaire de 1 % du PIB qui serait transféré à la Troïka, les gouvernements grecs doivent adopter des mesures d’austérité qui vont réduire le PIB grec de 3 % (en supposant un multiplicateur de 1,5…). Cette réduction du PIB est une perte sociale (la perte de l’économie grecque est de 3 % du PIB, auxquels s’ajoute le transfert de 1 %). C’est au mieux un pur gâchis et probablement pour certains la cause de beaucoup de souffrance.

(3) Voici ce que disait l’ancien chef du département européen du FMI sur la nécessité d’une restructuration de la dette et sur les dangers qu’il y a à exiger de plus larges excédents primaires à la Grèce.

Simon Wren-Lewis, « Greece and the political capture of the IMF », in Mainly Macro (blog), 4 juillet 2015. Traduit par Martin Anota

jeudi 25 juin 2015

Grèce : des négociations sans confiance

« La zone euro et la Grèce entament les dernières heures d’une négociation visant à débloquer des fonds additionnels prévus par un précédent accord et à fixer les bases pour un nouvel accord.

Ce que l’on a pu apprendre de la dernière proposition grecque et des contre-propositions de la zone euro sont avant tout des détails et discussions autour de questions technique (par exemple, si la réforme des retraites est effective à partir du 1er juillet ou à partir du 31 octobre). Mais ce que les discussions techniques révèlent, c’est que les négociations risquent d’aboutir à une issue qui ne satisfait aucune des parties.

En lisant entre les lignes des détails techniques, nous voyons que la zone euro demande à la Grèce un paquet de mesures d’austérité budgétaire immédiates et plusieurs d’entre elles sont précisément celles que le gouvernement grec voulait éviter, puisqu’elles vont à l’encontre du programme pour lequel il a été élu. Il serait très facile d'accuser l’Allemagne, Bruxelles et le FMI d’être incapables de voir que nous sommes peut-être en train de répéter les mêmes erreurs que les précédents accords et que ce nouvel accord sera lui aussi condamné à échouer. Mais la réalité est qu’il est très difficile d’imaginer tout autre type d’accord, étant donné la défiance que chaque partie nourrit envers l’autre.

Plusieurs affirment que l’on ne doit pas demander à ce gouvernement de payer pour les erreurs des précédents gouvernements. Après tout, Syriza n’était pas au pouvoir lorsque l’Etat grec et l’économie grecque généraient de larges déficits. C’est vrai, mais il est également vrai que le parti Syriza ne fut pas élu pour un programme de réformes économiques, même si certaines des réformes économiques qui sont en discussions ne sont pas contraires à leurs idées. J

e suis tout à fait d’accord avec le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis lorsqu’il déclare que la Grèce a besoin avant tout de croissance économique et que l’austérité budgétaire ne va pas fournir la croissance nécessaire. Mais je comprends aussi la zone euro qui doit négocier avec un gouvernement grec qui fut élu pour un programme dont il n’est pas certain qu’il entraînera une croissance soutenable. En raison du manque de confiance, ce que la zone euro recherche dans ces négociations, c’est l'engagement du gouvernement grec de prendre des mesures allant contre son propre programme électoral. Dans un monde idéal, ces mesures viseraient avant tout à stimuler la croissance : des réformes dans un environnement où la demande n’est pas une contrainte pour la croissance. Mais plusieurs réformes ne peuvent pas être mises en œuvre à court terme, donc la seule manière d’obtenir un signal d’engagement est de mettre sur la table un ensemble de mesures d’austérité budgétaire pour améliorer le solde budgétaire primaire, des mesures que le gouvernement grec voulait précisément éviter de prendre.

Donc nous nous retrouvons avec une proposition qui ressemble bien trop aux précédentes et il est très probable que, même s’il y a un accord au cours des prochaines heures ou des prochains jours, nous verrons bientôt de nouvelles renégociations entre la Grèce et la zone euro une fois qu’il sera évident que le projet actuel ne fonctionne pas.

C’est le résultat malheureux d’une négociation qui a commencé sans confiance entre les deux parties et où les deux seuls aboutissements possibles sont sous-optimaux : soit un autre accord irréaliste, soit un échec des négociations qui entraîne un défaut de paiement de la Grèce et peut-être sa sortie de la zone euro. Au cours des prochains jours, nous verrons lequel des deux (mauvais) scénarii va devenir réalité. »

Antonio Fatás, « Greece: negotiating without trust », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 25 juin 2015. Traduit par Martin Anota

samedi 9 mai 2015

La Grèce, ses créanciers et la réalité économique

« Dans un article du Financial Times, Chris Giles a récemment décrit comment les membres de la Troïka se voyaient eux-mêmes comme des parents qui feraient face aux bêtises de leur enfant turbulent, en l’occurrence Syriza en Grèce. Giles répartit ces parents en deux groupes : ceux qui désirent agir comme si l’enfant avait grandi (même s’ils n’y croient pas), ceux qui veulent faire de la discipline, etc. L’analogie semble exacte pour retranscrire l’image que la Troïka a d’elle-même et qu’elle cherche à présenter au public. Elle s’accorde bien avec le flux constant d’articles de presse qui prédisent une crise imminente parce que la Grèce "refuse d’être raisonnable".

(…) Peter Doyle a écrit à propos d’une récente conférence à la Brookings Institution à Washington, le très respecté think tank américain en recherche en sciences sociales. Au cours de cette conférence, Wolfgang Schäuble et Yanis Varoufakis, respectivement ministres des Finances en Allemagne et en Grèce, se sont présentés dos à dos. Doyle décrit comment "Schäuble fut avunculaire, effacé et germanique et il fut toléré par ses hôtes plutôt que chaleureusement accueilli". A l’inverse, "lorsque Varoufakis parlait, les yeux brûlant de colère, ses hôtes furent vivement entraînés par ses paroles". L’auditoire sympathisa avec la position de la Grèce et demanda "comment elle pouvait se sentir d’avoir raison, mais sans argent". Doyle écrit que "il n’y avait aucun doute vers lequel des deux invités la sympathie des hôtes allait".

Je ne suis pas du tout surpris par ce compte-rendu. Je pense que beaucoup de mes collègues partagent l’idée (…) que la Grèce a connu une réelle agonie pour satisfaire les vœux irréalistes de ses créanciers. Nous savons que si la Grèce ne faisait pas partie de la zone euro, mais était juste un pays comme bien d’autres qui avait trop emprunté et devait faire un défaut partiel, ses créanciers seraient aujourd’hui dans une position plus précaire, dans la mesure où la Grèce génère à présent des excédents primaires (c’est-à-dire génère plus de prélèvements publics que de dépenses publiques, si l’on ne prend pas en compte la charge de la dette). Si la Troïka n’est pas aussi faible que ça, c’est parce que, dans sa position d’émettrice de la devise grecque, elle peut proférer des menaces additionnelles.

Il est important de comprendre ce sur quoi portent les négociations actuelles. Générer un excédent primaire signifie que la Grèce n’a plus besoin d’emprunter à nouveau, si ce n’est pour rembourser ses précédents emprunts. Une partie du débat porte sur l’ampleur à laquelle l’excédent primaire grec doit s’élever. Le sens commun dirait qu’un supplément d’austérité doit être évité, pour que l’économie grecque puisse achever sa reprise et qu’elle ait davantage de ressources pour être capable de rembourser des prêts. En fait, les créanciers veulent plus d’austérité pour que la Grèce génère un excédent primaire encore plus important. Bien sûr, le premier scénario est le meilleur pour la Grèce ; il n’est par contre pas clair quel est le meilleur scénario pour les créanciers. Les négociations portent aussi sur l’adoption de réformes structurelles supplémentaires. La Grèce en a déjà entreprises plusieurs et elle s’apprête à aller plus loin, mais la Troïka en veut encore plus.

Comme le souligne Andrew Watt, de la perspective de la zone euro et du FMI, c’est de la petite bière (1). Vous pourriez penser que ces acteurs clés avaient plus de choses importantes à faire. Les avantages matériels que pourrait retirer la Troïka à montrer les muscles dans les négociations sont faibles de son point de vue, alors que les menaces pesant sur l’économie grecque risquent de nuire non seulement à l’investissement, mais aussi aux excédents primaires qu’aimerait voir la Troïka. Donc pourquoi la Troïka insiste-t-elle pour que la Grèce se rapproche de l’abîme ? A croire qu’il s’agit d’acculer à l’échec un gouvernement qui a osé remettre en question l’idéologie politique et économique qui domine.

(…) Le débat à propos de la délégation de la politique économique aux experts économiques porte en fait avant tout sur la transparence de la politique plutôt que sur la démocratie. Les politiques élus ont normalement toujours le contrôle ultime. Quelques fois la "délégation" se ramène souvent à rendre transparents les conseils qu’ils reçoivent : confier les prévisions budgétaires à l’OBR au Royaume-Uni en est un exemple (2). Ce qui pèse vraiment ici sur la démocratie, c’est la capacité des responsables politiques à dissimuler ou à manipuler les conseils qu’ils reçoivent et à tromper alors le public. La Grèce montre (malheureusement) à quel point les politiciens sont prêts à aller pour tromper leur propre électorat, afin de couvrir leurs propres erreurs et parvenir à leurs propres fins politiques.

(1) Le FMI est avant tout une organisation où travaillent des centaines d’économistes, mais il est dirigé par des politiciens, et sur des questions comme celles-ci les politiciens tendent à prendre le dessus.

(2) Avec une banque centrale indépendante, ils perdent le contrôle, mais ils peuvent normalement reprendre le contrôle d’une certaine manière. De plus, si la banque centrale non démocratique prend de façon persistante de mauvaises décisions, il serait populaire de reprendre le contrôle. Une exception est la BCE, ce qui peut contribuer à expliquer pourquoi nombre de ses paroles et actions sont véritablement problématiques. »

Simon Wren-Lewis, « Greece: of parents and children, economists and politicians », in Mainly Macro (blog), 21 avril 2015. Traduit par Martin Anota



« Je suis fier de n’être pas le seul à avoir été déçu que Yanis Varoufakis soit écarté des négociations de la Grèce avec la Troïka. Mohamed El-Erian a écrit que "Varoufakis fut une bouffée d’oxygène dans ce bien long et épuisant drame grec, qui implique d’énormes coûts humains en termes de chômage, de pauvreté et d’opportunités perdues. Soutenu par de solides arguments économiques et motivé par le désir d’améliorer les choses, il appela à introduire plus de réalisme dans les conditions exigées par les créanciers de la Grèce. Et il n’a de cesse de rappeler aux gens que la reprise de la Grèce ne fut pas que de la seule responsabilité du pays".

Nous ne nous sommes jamais rencontré, mais chacun d’entre nous a déjà commenté les propos de l’autre, avant qu’il ne devienne ministre des Finances et nous pouvons même peut-être mis en lien le blog de l’autre sur nos blogs respectifs. Bien que je ne sois pas marxiste (…), je reconnais que Yanis a une vision macroéconomique du monde sensée. Cela peut faire de lui la mauvaise personne pour négocier avec les ministres des Finances de l’eurogroupe.

Les autres économistes qui furent consultés durant ces négociations sont au FMI. Leur position a toujours été problématique. En partie parce qu’ils sous-estimèrent sans justification la taille du multiplicateur budgétaire, ce sont eux qui permirent à la Troïka d’infliger à l’économie grecque une austérité d’une impressionnante échelle. Ils se trompèrent également lorsqu’ils certifièrent au reste de la Troïka à croire que le défaut partiel et non complet de la dette permettrait à la Grèce de renouer avec la solvabilité. (Pour plus de détails, regardez ce petit guide.) Cependant, à la différence de ses collègues de la Troïka, le FMI peut admettre ses erreurs et apprendre de celles-ci, plutôt que d’essayer de les couvrir. Il semble désormais se dire que les ministres des Finances de la zone euro doivent davantage effacer de la dette grecque avant que le Fonds ne sorte plus d’argent.

Est-ce que le FMI va forcer les créanciers de la Grèce à être plus réalistes ? Le problème est que nous avons déjà été ici auparavant et que le FMI fit alors marche arrière. Il peut employer beaucoup d’économistes, il n’en demeure pas moins qu’il est dirigé en dernier ressort par des politiciens qui ont des relations très étroites avec ceux de la zone euro. Mais comme Ashoka Mody le dit, la crédibilité du FMI est en jeu. Il doit arrêter d’accentuer les pressions sur le nouveau gouvernement grec pour l’inciter à faire des réformes qui contredisent le programme pour lequel il a été élu plutôt que de chercher à ce que le reste de la Troïka soit réaliste. Avant tout, on doit aider la Grèce à sortir de sa dépression le plus rapidement possible. Des macroéconomistes sensés, notamment ceux au FMI, savent que cela fait sens. Si Yanis Varoufakis peut ne pas y parvenir à lui seul, peut-être que les économistes au FMI pourraient y parvenir. »

Simon Wren-Lewis, « The IMF, Greece and economic reality », in Mainly Macro (blog), 7 mai 2015. Traduit par Martin Anota

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