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« Le dramatique effondrement du commerce international durant la crise financière mondiale (2008-2009) fut remarquable. Que les importations chutent lorsqu’un pays subit une crise financière et une récession n’est pas surprenant. Ce qui retient l’attention des économistes et des responsables politiques fut l’ampleur de l’effondrement et le fait qu’il fut bien plus large que la chute du PIB et de la demande mondiaux. (…) Notre récente étude (…) souligne un élément qui n’a pas été mis en avant jusqu’à maintenant, en l'occurrence la durée d’acheminement. (…)

La durée d’acheminement est une dimension clé pour expliquer en quoi le commerce international diffère du commerce intra-national. L’expédition à l’étranger prend plus de temps et varie énormément selon la destination. Une expédition prend une journée de Rotterdam à Copenhague. Elle prend 28 jours pour aller de Rotterdam à Hong Kong. Et ceci ne prend pas en compte la durée nécessaire pour charger et décharger le bateau et le temps pris par les douanes et autres procédures administratives. (…) La durée médiane entre l’instant où les biens sont prêts à être expédiés depuis l’usine jusqu’à celui où les biens sont chargés sur un bateau est de 21 jours. Dans notre étude, nous trouvons que la chute du commerce international causée par les crises financières est amplifiée par le temps nécessaire à expédier les biens d’un pays donné à un autre. (…)

En temps normal, le temps de charger et d'expédier implique un coût de transport qui dépend de la distance, ainsi que de la valeur et du poids du bien transporté. (…) Durant une crise financière, la durée d’expédition accroît l’exposition de l’entreprise importatrice à la détresse financière et donc élève la probabilité de non-paiement. Les longs retards ne sont jamais bons, mais ils peuvent être très préjudiciables quand la santé financière de l’acheteur est fragile. (…)

La durée d’expédition amplifie donc l’effet négatif des crises financières sur le commerce. La raison en est que les exportateurs réagissent à la probabilité accrue de défaut en relevant leur prix à l’exportation et en réduisant les volumes et valeurs des produits exportés, et ce d’autant plus que la durée de transport sera longue. Dans un tel contexte, la probabilité de sortir du marché et de cesser d’exporter est plus élevée dans un pays qui expérimente une crise financière et cet effet est encore amplifié par la durée de transport. En utilisant les données françaises, nous constatons que les exportateurs français relèvent leur prix pour les pays touchés par une crise financière. Nous trouvons aussi (…) que la probabilité qu’un exportateur cesse d’exporter vers un pays donné s’accroît lorsqu’il subit une crise financière et que cela est amplifié pour les destinations pour lesquelles la durée de transport est plus longue. »

Nicolas Berman, José de Sousa, Philippe Martin & Thierry Mayer, « Time to ship during financial crises », in VoxEU.org, 20 octobre 2012.