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Tag - maladie hollandaise

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samedi 3 octobre 2015

Les booms de matières premières et la maladie hollandaise



« Lorsque l’économie connaît ce que l’on appelle une "maladie hollandaise" (ou "syndrome hollandais" ou encore "malédiction des ressources naturelles"), un boom dans le secteur produisant des matières premières au sein d’une économie exerce des pressions à la baisse sur la production de biens exportables (autres que les matières premières), en particulier sur la production de biens manufacturés.

Une longue littérature, apparue dans le sillage des études séminales de Corden (1981) et de Corden et Neary (1982), examine la dynamique et l’optimalité de la réallocation des facteurs entre les secteurs suite aux booms dans la production de matières premières (liés à la découverte de ressources naturelles). Les modèles présentés dans ces études prédisent qu’une amélioration des termes de l’échange pour les matières premières et la dépense subséquente du supplément de revenu dans l’économie domestique va pousser le taux de change à la hausse et détourner le travail et le capital hors du secteur manufacturier vers les secteurs produisant des matières premières et les secteurs produisant des biens non exportables. En fait, deux effets seraient alors à l’œuvre : d’une part, il y a un effet de "déplacement des ressources", à travers lequel la hausse des prix des matières premières alloue dans le secteur producteurs de matières premières les ressources tirées des autres secteurs productifs ; d’autre part, il y a un "effet de dépenses", qui tire les facteurs de production hors des secteurs produisant des biens exportables (auxquels se substituent les importations) pour les allouer dans le secteur de biens non exportables.

Malgré certaines preuves empiriques suggérant une relation positive entre les termes de l’échange et le taux de change réel des exportateurs de matières premières, la recherche empirique a abouti à des résultats nuancés lorsqu’elle a cherché à déterminer si les booms de matières premières nuisaient aux performances du secteur manufacturier. C’est notamment le cas des études qui se focalisent sur les mêmes pays ou les mêmes épisodes :

Plusieurs études ne constatent aucune maladie hollandaise. Les études portant sur le boom du prix du pétrole durant les années soixante-dix, telles que celles de Gelb et alii (1988) et de Spatafora et Warner (1995), estiment que la hausse des prix du pétrole a entraîné une appréciation du taux de change réel, mais qu’elle n’a eu aucun impact négatif sur la production manufacturière dans les économies exportant du pétrole. Sala-i-Martin et Subramanian (2003) constatent que le taux de change réel et l’activité manufacturière sont insensibles aux fluctuations du prix du pétrole au Nigéria, un exportateur de pétrole. Bjørnland (1998) affirme que les preuves empiriques suggérant une maladie hollandaise au Royaume-Uni suite au boom pétrolier sont fragiles et que la production manufacturière en Norvège bénéficia des découvertes de nouveaux gisements de pétrole et de la hausse des prix du pétrole.

D’autres études mettent au contraire en évidence des effets propres à la maladie hollandaise. Ces études sont souvent plus récentes. Ismael (2010) a utilisé des données désagrégées pour les sous-secteurs manufacturiers à partir d’un échantillon d’exportateurs de pétrole sur la période s’écoulant entre 1977 et 2004. Il constate que la production manufacturière fut négativement associée aux prix du pétrole, en particulier dans les sous-secteurs avec un degré relativement élevé d’intensité du travail dans la production. Harding et Venables (2013) ont utilisé des données relatives à la balance des paiements pour un large échantillon d’exportateurs de matières premières pour la période entre 1970 et 2006. Ils constatent qu’une hausse d’un dollar des exportations de matières premières tend à s’accompagner d’une chute de 0,75 dollar dans les exportations de biens autres que les matières premières et par une hausse de presque de 0,25 dollar des importations de biens autres que des matières premières.

Certaines preuves empiriques suggérant indirectement un effet de maladie hollandaise peuvent être décelées en regardant l’évolution des parts des pays dans les exportations manufacturières mondiales, qui tendent à être plus faibles en moyenne pour les exportateurs de matières premières que pour les autres pays émergents et en développement. Bien que les deux groupes aient accru leurs parts du marché au cours du temps (relativement aux économies avancées), les exportateurs de matières premières ont connu une plus faible hausse de leurs parts dans les exportations mondiales de biens manufacturés que les autres pays, et l’écart entre les parts de marché moyennes des deux groupes s’est élargi depuis le début des années quatre-vingt-dix.

Cependant les examens formels réalisés pour déterminer si les booms dans les termes de l’échange nuisaient aux performances à l’exportation du secteur manufacturier aboutissent à des résultats contrastés. Le taux de change réel s’apprécie graduellement suite à une hausse des termes de l’échange des matières premières (et la hausse devient statistiquement significative qu’après seulement la cinquième année), mais l’impact sur les exportations de biens manufacturés n’est pas significatif (…).

Diverses explications ont été avancées pour expliquer l’absence de symptômes de maladie hollandaise suite aux booms des termes de l’échange de matières premières. Elles incluent les restrictions dans le secteur pétrolier (en particulier dans les années soixante), la nature "d’enclave" du secteur des matières premières (en l’occurrence, sa participation limitée aux marchés de facteurs domestiques), la faible dépense des recettes sur les biens non exportables (avec au contraire un essor des importations) et une protection par l’Etat du secteur manufacturier.

Une autre explication peut être liée à l’accélération de l’activité économique mondiale qui, au cours de certains épisodes, peut contribuer aux booms des prix mondiaux des matières premières. Une plus forte activité mondiale peut entraîner une plus forte demande étrangère pour les biens manufacturés dans tous les pays, notamment dans les pays exportateurs de manières premières, si bien qu’elle compense au sein de ces derniers la perte de compétitivité associée à l’appréciation réelle du taux de change. Cette explication semble cohérente avec les résultats nuancés auxquels aboutit la littérature empirique. Les symptômes de la maladie hollandaise apparaissent être plus visibles dans les études qui examinent la performance du secteur manufacturier au cours de longues périodes de temps, qui incluent les épisodes de découvertes de gisements de ressources et la hausse subséquente des volumes de production de matières premières. On ne s’attendrait pas forcément à ce que de tels épisodes spécifiques aux pays coïncident avec les épisodes de plus forte croissance dans la demande mondiale.

Une question qui a reçu beaucoup d’attention de la part des responsables politiques est si les effets associés au boom des matières premières sur le secteur manufacturier pèsent sur la croissance à long terme. En principe, les booms de matières premières peuvent compromettre les perspectives à long terme de l’économie s’ils affaiblissent les caractéristiques du secteur manufacturier qui soutiennent la croissance à plus long terme, tels que les rendements d’échelle, l’apprentissage par la pratique (learning-by-doing) et les externalités technologiques positives. Cependant les preuves empiriques ne sont pas concluantes. Une explication pour le manque de corrélation apparente entre les symptômes de maladie hollandaise et la croissance à plus long terme peut être que les externalités associées à l’apprentissage par la pratique ne sont pas nécessairement exclusives à l’activité manufacturière ; les secteurs produisant des matières premières peuvent aussi bénéficier de cet effet (Frankel, 2012). Une autre explication pourrait être qu’un secteur manufacturier qui (…) se caractérise par une plus grande intensité capitalistique en conséquence d’un boom des matières premières (et qui, à son tour, utilise des travailleurs hautement qualifiés) peut générer des répercussions plus positives pour l’économie qu’un plus large secteur manufacturier qui utiliserait de la main-d’œuvre peu qualifiée (Ismael, 2010). »

Aqib Aslam et Zsóka Kóczán, « The not-so-sick patient: Commodity booms and the dutch disease phenomenon », in FMI, World Economic Outlook, octobre 2015, pp. 29-30. Traduit par Martin Anota



aller plus loin... lire « Le syndrome hollandais ou l'abondance en ressources naturelles comme malédiction »

mercredi 5 juin 2013

Les mécanismes de la malédiction des ressources

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« Nous avons vu dans notre précédent billet que les données internationales suggéraient que les pays dotés d'institutions faibles (caractérisées notamment par un manque d'équilibre des pouvoirs ou par des niveaux élevés de corruption) connaissent une contraction de leur activité lorsqu’ils découvrent les ressources naturelles. La question est : pourquoi ?

Il n'y a pas de consensus parmi les universitaires à ce sujet. Une très belle vue d'ensemble des nombreux arguments est fournie dans une récente revue de la littérature en 2011 par Rick van der Ploeg, expert en économie des ressources, “Natural resources: curse or blessing?”.

Un ensemble d'hypothèses est développé dans notre travail “Economic backwardness in political perspective” et dans l'article de Daron Acemoglu "Modeling inefficient institutions". L'idée est simple : si un dictateur ou un groupe d'élites est prêt à faire des choses inefficaces pour garder le pouvoir (ce fut le cas, comme nous l’avons discuté dans notre ouvrage Why Nations Fail, avec les élites russes et austro-hongrois au début du dix-neuvième siècle qui étaient prêtes à bloquer les chemins de fer et l'industrialisation), alors une plus grande rente des ressources naturelles ne fera qu’aggraver les choses. En particulier, les ressources naturelles vont accroître les "enjeux politiques", alimenter le désir des élites de s'accrocher au pouvoir et les pousser à élargir l'éventail des politiques, institutions et stratégies inefficaces et répressives pour atteindre cet objectif.

(…) De plus grands enjeux politiques ne rendront pas seulement les élites plus enclines à poursuivre des politiques ou une répression inefficaces pour s'accrocher au pouvoir, mais encourageront aussi les groupes qui aspirent à remplacer l’élite à contester le pouvoir pour prendre le contrôle des rentes des ressources naturelles, chose particulièrement probable dans les pays riches en ressources qui sont confrontés aux fréquentes guerres civiles. (…).

Une théorie connexe, peut-être mieux adaptée pour décrire les dynamiques observées au Cameroun, est celle développée par James Robinson en collaboration avec Ragnar Torvik et Thierry Verdier dans leur article “The political economy of the resource curse”. Dans ce modèle, un politicien en exercice essaye de rester au pouvoir lors d’une élection (…) en adoptant des pratiques clientélistes. Dans le modèle, le clientélisme consiste à garantir des emplois dans le secteur public à certains groupes en particulier. Cela est socialement inefficace parce que ces gens sont plus productifs dans le secteur privé, mais le rôle de l'emploi dans le secteur public est de lier les revenus futurs de ces personnes à l’actuel détenteur du pouvoir, les incitant ainsi à soutenir ce dernier lors des élections. S’il y a un boom des ressources naturelles, il devient beaucoup plus désirable pour le gouvernant de rester au pouvoir, si bien qu’il s'engage beaucoup plus agressivement dans le clientélisme et le secteur public s’élargit. Cela tend à réduire le revenu national. Bien sûr, l'augmentation de la richesse des ressources naturelles tend au contre à accroître mécaniquement le revenu national.

L’article montre que l'effet négatif peut être si important qu’il surcompense l'effet positif, si bien qu’une manne de ressources peut finalement se traduire par une baisse du revenu national. Cela se produit lorsque le clientélisme est un moyen très efficace pour rester au pouvoir et l’article l’interprète d’un point de vue institutionnel. Par exemple, lorsqu’il y a peu de freins et de contrepoids ou lorsque l'État est faible, il est alors facile d’ignorer le critère méritocratique pour embaucher dans le secteur public, comme ce fut le cas au Cameroun à la fin des années soixante-dix, auquel cas un boom des ressources naturelles peut réduire le revenu par habitant. »

Daron Acemoglu et James Robinson, « The economic nature of the resource curse: Mechanisms », in Why Nations Fail (blog), 23 mai 2013.

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vendredi 31 mai 2013

La malédiction des ressources naturelles : que nous enseignent les études empiriques ?

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« Donc le pétrole a été une malédiction pour le Cameroun.

Est-il vrai que l’abondance des ressources naturelles en général ou du pétrole en particulier a un effet négatif sur la croissance économique ? Si c'est le cas, via quels mécanismes ?

Avant de commencer à réfléchir aux mécanismes, concentrons-nous sur les données empiriques internationales. En fait, les études les plus soignées ne suggèrent pas qu’il y ait un tel effet inconditionnel. Les premiers travaux de Jeffrey Sachs et de ses collaborateurs ont suggéré que c'était le cas. Et il est vrai que la découverte et l'exploitation du pétrole au Cameroun a coïncidé avec un massif déclin économique et une détérioration du développement humain. Mais, comme nous le voyons dans le chapitre 14 de Why Nations Fail, ce n'était pas le cas au Botswana, où l’abondance de diamants a été un élément clé dans la réussite du développement économique et humain du pays. L'Australie, le Chili, la Norvège et les Etats-Unis sont d’autres exemples évidents où la richesse des ressources a contribué au développement économique.

Donc, l'affirmation selon laquelle l'effet moyen de la richesse des ressources naturelles sur la croissance économique est négatif doit être soit fausse ou inintéressante - ce qui signifie que l'effet hétérogène de la richesse des ressources dans différents contextes sont ce qui est vraiment intéressant à étudier. Quel contexte ? Comme nous le soulignons dans Why Nations Fail, la caractéristique distinctive du Botswana était son développement institutionnel avant la découverte de diamants. Il est aussi évident que le Cameroun avait de pauvres institutions en 1977 ; l'Australie, le Chili, la Norvège et les Etats-Unis avaient tous de relativement bonnes institutions quand ils ont découvert les ressources naturelles.

L'idée selon laquelle l'impact économique des ressources naturelles est conditionnelle à la qualité des institutions a été avancées de façon éclatante dans un document rédigé par Karl Moene, Halvor Mehlum et Ragnar Torvik, "Institutions and the resource curse" (voir aussi cet article). Les trois Norvégiens ont montré qu'il y a seulement une "malédiction conditionnelle des ressources" (conditional resource curse) dans le sens où il existe une corrélation négative entre l'abondance des ressources (telle qu’elle est mesurée par le ratio des exportations de produits primaires par rapport au PIB en 1970) et la croissance économique dans les pays où la qualité des institutions faibles. Mais la même corrélation est positive pour les pays, comme la Norvège, qui ont des institutions plus fortes (ou ce que nous pourrions appeler des "institutions inclusives").

Il y a bien sûr plusieurs façons de mesurer la qualité des institutions et plusieurs de ces mesures sont corrélées. Les trois Norvégiens ont créé un indice de qualité institutionnelle en faisant la moyenne non pondérée de cinq indices basés sur les données des Political Risk Services : un indice d’Etat de droit, un indice de qualité de l'administration, un indice de corruption du gouvernement, un indice de risque d'expropriation et un indice de répudiation des contrats par le gouvernement. Comme bon nombre des mesures des institutions utilisées dans cette littérature sont le résultat de processus politiques, elles sont aussi étroitement liées aux facteurs politiques.

Ainsi, cette malédiction dépend d’un assez grand nombre de facteurs qui conditionnent l'impact des ressources et qui touchent aux aspects fondamentaux des institutions politiques d'un pays (tels que la nature de la Constitution), aux institutions économiques de base (la sécurité des droits de propriété), à la nature de l'Etat (ma qualité de la bureaucratie) et à la politique du gouvernement (répudiation de contrats). Au final, leurs travaux rapportent un résultat très important : le Cameroun a connu une malédiction des ressources après 1977 parce que certains aspects clés de ses institutions étaient initialement pauvres.

Qu'en est-il des mécanismes ? Nous nous pencherons sur ce sujet dans notre prochain billet. »

Daron Acemoglu et James Robinson, « The economic nature of the resource curse: Evidence », in Why Nations Fail (blog), 21 mai 2013.

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dimanche 26 mai 2013

Y a-t-il une malédiction des ressources naturelles ? Le cas du Cameroun

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« Les ressources naturelles sont-elles vraiment une malédiction ? (...) Commençons par une étude de cas qui semble illustrer exactement ce que les gens ont à l'esprit lorsqu’ils parlent de la malédiction des ressources. Dans le récent ouvrage collectif Plundered Nations? Successes and Failures in Natural Resource Extraction dirigé par Paul Collier et Anthony Venables, se trouve un chapitre très intéressant, rédigé par Bernard Gauthier et Albert Zeufack appelé “Governance and Oil Revenues in Cameroon”. Il n'y a pas de meilleur endroit pour commencer à étudier la malédiction des ressources.

Le pétrole a été découvert au Cameroun en 1977. A ce moment-là, l'économie connaissait une croissance assez forte, fondée sur les exportations de café et de cacao. L'arrivée du pétrole a déclenché un boom et le taux de croissance moyen s’est établi à 9,4 % entre 1977 et 1986, puis le repli commença. Le positif est devenu négatif, si bien qu’en 1993 le revenu par habitant ne représentait plus que la moitié de son niveau de 1986. Bien que la croissance soit revenue ensuite, le Cameroun est encore plus pauvre qu’il ne l'était en 1986. Cette faible croissance est allée de pair avec une détérioration de développement humain. L'espérance de vie est tombée de 56 à 50 ans entre 1995 et 2006. La mortalité infantile a augmenté de presque 30 % sur la même période. Les taux de scolarisation primaire et secondaire ont diminué de 10 %. L’essentiel de ces baisses sont dues à un effondrement de l'investissement public.

Au premier abord, c’est bizarre, étant donné que Gauthier et Zeufack estiment que près de 20 milliards de dollars se sont accumulés comme rentes pétrolières pour le gouvernement camerounais depuis 1977. Cela représente environ 67 % du total des rentes pétrolières, de sorte que la part du lion de la rente est allée au gouvernement et non aux méchantes compagnies pétrolières.

Qu’a fait le gouvernement de cette manne ? Gauthier et Zeufack n'ont pas la réponse, ne serait-ce parce que seulement 54 % de cette manne (…) est apparue quelque part dans le budget du gouvernement. Le reste a tout simplement disparu et "a peut-être été pillé". Rien que pour arriver à ce premier chiffre, cela a pris énormément de travail et a nécessité d’utiliser de nombreuses sources parce que "le secteur pétrolier au Cameroun a été entouré par le secret officiel pour la plupart des trente dernières années... On en sait très peu sur le niveau des ressources revenant au pays et sur l'utilisation de ces ressources".

Fait intéressant, en 1977, le Président du Cameroun Ahmadou Ahidjo a décidé de créer un compte extrabudgétaire à l'étranger pour "gérer" les revenus pétroliers. La taille de ce compte n'a jamais été publiée et le président n’a fourni aucune information à son sujet. Ce n'était pas un fonds souverain comme celui géré par la Norvège ou par le Chili. Malheureusement, certaines justifications erronées ont été fournies ex post pour expliquer ce manque de transparence, même par la communauté internationale, qui aurait dû mieux savoir. Gauthier et Zeufack citent un rapport de la Banque mondiale de 1988 : "Bien que ce secret ait des effets potentiellement négatifs sur la responsabilité et la transparence concernant les recettes publiques, il a sans doute l'avantage de réduire les diverses pressions pour augmenter les dépenses du gouvernement qui émergent dès qu'il devient clair que le gouvernement manque de fonds."

Entre-temps, entre 1978 et 1986, les dépenses publiques sont passées de 17 % du PIB à 26 % d'un nombre beaucoup plus grand. Les salaires du secteur public ont augmenté, de même que les subventions. Il y avait aussi un boom dans la formation de capital du gouvernement, puisque celle-ci a triplé. Le gouvernement, sur la base d'une augmentation temporaire des revenus du pétrole, est à l’origine d’un boom insoutenable de la consommation et de l'investissement, dont une grande partie s’est retrouvée dans des projets non rentables, à faible valeur sociale. L’effondrement est survenu en 1986 et le Cameroun a conclu en 1988 un programme d'ajustement structurel avec le FMI.

Le Cameroun a boité depuis lors. Le président Paul Biya, qui a remplacé Ahidjo en 1982, est toujours au pouvoir après avoir survécu à la démocratisation du pays en 1992. En Octobre 2011, il a remporté son sixième mandat avec 77,9 % des voix. Entre-temps, il a dû amender la Constitution de 1996 pour retirer la limitation à deux mandats présidentiels. Le pétrole semble avoir apporté peu d’avantages pour le développement au Cameroun, bien au contraire. Cela ressemble à la malédiction des ressources n'est-ce pas ? Alors, la richesse des ressources est-elle toujours une malédiction ? »

Daron Acemoglu et James Robinson, « Is there a curse of resources? The case of the Cameroon », in Why Nations Fail? (blog), 16 mai 2013.

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