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Tag - pétrole

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vendredi 8 avril 2016

Pourquoi le faible prix du pétrole ne semble-t-il pas stimuler la croissance mondiale ?

« Depuis juin 2014, les prix du pétrole libellés en dollars ont chuté d’environ 65 % (soit environ 70 dollars), comme la croissance a progressivement ralenti dans plusieurs pays. Même en prenant en compte l’appréciation de 20 % du dollar durant cette période (en termes de taux de change effectif nominal), le déclin des prix du pétrole dans la devise locale a été d’environ 60 dollars. Cette dynamique a intrigué plusieurs observateurs, notamment les économistes du FMI, qui croyaient que les chutes du prix du pétrole seraient un bénéfice net pour l’économie mondiale, qu’elles pénaliseraient certes les pays exportateurs, mais que leurs pertes seraient plus que compensées par les gains qu’en tireraient les pays importateurs. Nous faisions l’hypothèse qu’il y avait une différence de comportement en termes d’épargne entre les pays importateurs de pétrole et les pays exportateurs. En l'occurrence, on supposait que les consommateurs des régions important du pétrole, comme l’Europe, ont une plus forte propension à consommer que les consommateurs des pays exportateurs, par exemple l’Arabie Saoudite.

Les marchés boursiers mondiaux n’ont clairement pas souscrit à cette théorie. Au cours des six derniers mois, voire davantage, les cours boursiers ont eu tendance à chuter lorsque les prix du pétrole chutent (pas ce que nous avions attendu si la baisse des prix du pétrole aidait globalement l’économie mondiale). En effet, depuis août 2015, la simple corrélation entre les cours boursiers et les prix du pétrole n’a pas seulement été positive, mais elle a également doublé en comparaison avec l’année précédente (…).

Les précédents épisodes de variations brutales ont eu tendance à avoir des effets contracycliques visibles ; par exemple, un ralentissement de la croissance mondiale après de fortes hausses. Est-ce que cela a été différent cette fois-ci ? Divers facteurs affectent la relation entre les prix du pétrole et la croissance, mais nous allons affirmer qu’une grosse différence par rapport aux précédentes épisodes est que plusieurs économies avancées ont des taux d’intérêt nominaux à zéro ou proches de zéro.

Offre versus demande


Un problème évident dans la prédiction des variations des prix du pétrole est qu’une chute des prix mondiaux peut résulter soit d’une hausse de l’offre mondiale, soit d’une baisse de la demande mondiale. Mais dans ce dernier cas, nous nous attendrions à voir exactement la même dynamique que celle que nous avons vu ces derniers trimestres (une chute des prix, accompagnée par un ralentissement de la croissance mondiale, avec la baisse des prix du pétrole freinant, mais non renversant, le ralentissement de la croissance).

Le ralentissement de la demande joue sans aucun doute un rôle dans l’histoire, mais les preuves empiriques suggèrent que l’accroissement de l’offre est au moins aussi important. Plus généralement, l’offre de pétrole a été importante en raison d’une forte production de la part des pays-membres de l’OPEP incluant, dorénavant, les exportations iraniennes, aussi bien que de la part de certains pays n’appartenant pas à l’OPEP. De plus, l’offre américaine de pétrole par fracturation hydraulique s’est révélée initialement assez résistante face à la baisse des prix. (…)

En outre, même aux Etats-Unis, un pays importateur net de pétrole où la demande a été assez forte, le pétrole bon marché n’a pas entraîné un ralentissement substantiel de la croissance. Les études économiques ou autres suggèrent que seulement une part du récent déclin du pétrole s’explique par le ralentissement de la demande (quelque part entre un tiers et la moitié) avec le reste s’expliquant par une hausse de la demande.

Donc il reste une énigme : où a-t-on pu voir dans le monde les effets positifs de la baisse des prix du pétrole ?

Pour répondre à cette question, les Perspectives de l’économie mondiale publiées cet avril comparent la croissance de la demande domestique en 2015 dans les pays exportateurs de pétrole et les pays importateurs de pétrole à ce que nous avions attendu en avril 2015, après la première baisse substantielle des prix du pétrole. La part du lion de la révision à la baisse pour la demande mondiale vient des exportateurs de pétrole, malgré leur part relativement faible du PIB mondial (environ 12 %). Mais la demande domestique dans les pays importateurs de pétrole n’a pas non plus été meilleure que ce que nous avions prévu, malgré une chute des prix du pétrole qui s’est révélée plus large qu’attendu.

Comprendre pourquoi les effets positifs sur les dépenses ne sont pas visibles à l’œil nu requiert une observation plus poussée de la composition de la demande dans les pays exportateurs et importateurs de pétrole. (…)

La demande domestique dans les pays exportateurs de pétrole


En 2015, la demande domestique dans les pays exportateurs de pétrole a en effet été bien plus faible que ce que nous avions prévu il y a un an. Cette surprise négative a reflété à la fois une plus faible consommation et surtout un plus faible investissement. Les pays riches exportateurs de pétrole peuvent s’appuyer sur leurs réserves ou leurs fonds souverains, et la plupart d’entre eux en ont, mais ils ont aussi fortement réduit leurs dépenses publiques. Les pays les plus pauvres, bien sûr, ont une moindre capacité à emprunter et ils risquent de connaître une crise si les niveaux de dette extérieure deviennent trop élevés. La plupart ont brutalement réduit leurs excédents de compte courants ou bien accru leurs déficits et leurs primes de risque souverain ont augmenté. Dans ces pays, les dépenses domestiques peuvent fortement chuter, d’une manière non linéaire ; quelques fois à travers l’impact de larges dépréciations du taux de change qui rendent les biens importés plus chers. L’investissement public a chuté très rapidement ; la plupart des biens d’équipement sont importés et, lorsque l’ajustement budgétaire est nécessaire, les dépenses en capital sont typiquement le premier poste à être réduit. Et, bien sûr, les facteurs non reliés aux prix du pétrole ont aussi pesé sur l’activité économique dans plusieurs pays exportateurs de pétrole, allant des conflits internes en Iraq, en Libye et au Yémen aux sanctions en Russie.

Bien sûr, de faibles prix du pétrole rendent les activités d’exploration et d’extraction moins profitables dans le secteur privé, entraînant de plus faibles dépenses en capital également ici. (…) Même certains importateurs de pétrole en ont été très affectés, notamment les Etats-Unis, ce qui explique une part significative de la chute mondiale dans l’investissement relatif à l’énergie.

La demande domestique dans les pays importateurs de pétrole


Les économies développées qui importent du pétrole ont en effet vu certains effets positifs sur la consommation (par exemple en zone euro), mais l’impact a été moins important que ce qui a été anticipé. Et la croissance de l’investissement a été plus faible qu’attendu, ce qui reflète aussi la forte baisse non anticipée de l’investissement étasunien relatif à l’énergie (…). La situation pour les pays importateurs de pétrole dans le monde émergent et en développement est variée. Ces pays ont typiquement une transmission plus limitée des prix du carburant internationaux vers les prix domestiques que les économies avancées ; certains ont réduit leurs subventions aux carburants. Certes, l’amélioration des situations budgétaires des Etats peut au final se traduire par une baisse des impôts ou par une hausse des dépenses publiques, mais le processus peut aussi prendre du temps et être sujet à diverses frictions et fuites. Globalement, la croissance de la demande domestique pour ces pays importateurs de pétrole fut globalement en phase avec ce qui est attendu, malgré les conditions macroéconomiques difficiles dans quelques pays qui exportent d’autres matières premières.

La macroéconomie surprenante à la borne inférieure zéro


Il y a un autre facteur susceptible d’empêcher une hausse de la demande dans les pays importateurs de pétrole.

En comparaison avec les précédents cycles du prix, la chute des prix du pétrole que nous avons récemment connue coïncide avec une période de lente croissance économique – si faible que les banques centrales majeures ont une marge réduite, voire aucune marge, pour réduire davantage leurs taux directeurs afin de soutenir la croissance et combattre les pressions déflationnistes.

Pourquoi cela importe-t-il ? Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, une large littérature économique, résumée par Michael Bruno et Jeffrey Sachs il y a plus de trois décennies, a montré que les hausses de prix liées à l’offre de pétrole entraînent une stagflation, c’est-à-dire une combinaison de forte inflation et de faible croissance. La stagflation est un résultat direct de la hausse des coûts pour les producteurs qui utilisent de l’énergie, ce qui les pousse à réduire la production, à licencier et à relever leurs propres prix pour essayer de sauvegarder leurs profits

Même si le pétrole est un intrant moins important pour la production qu’il y a trois décennies, ce raisonnement peut fonctionner en sens inverse lorsque les prix du pétrole chutent, entraînant une baisse des coûts de production, davantage d’embauches et un ralentissement de l’inflation. Mais ce canal provoque un problème lorsque les banques centrales ne peuvent réduire les taux d’intérêt. Parce que le taux directeur ne peut chuter davantage, le déclin de l’inflation (efffective et anticipée) en raison de la baisse des coûts de production accroît le taux d’intérêt réel, comprime la demande et étouffe la production et l’embauche. En effet, ces agrégats peuvent tous les deux chuter. Quelque chose comme cela peut être à l’œuvre à l’instant présent dans certaines économies. (…)

Etre proche de la borne inférieure zéro peut aussi impliquer une réponse "perverse" à de plus hauts prix du pétrole. Lorsque les banques centrales se battent contre les pressions déflationnistes, elles ne sont pas susceptibles d’accroître agressivement leurs taux directeurs pour contrer une accélération de l’inflation. Par conséquent, une hausse des prix du pétrole, symétriquement, peut stimuler l’activité en réduisant le taux d’intérêt réel. »

Maurice Obstfeld, Gian Maria Milesi-Ferretti et Rabah Arezki, « Oil prices and the global economy: It’s complicated », in FMI, iMFdirect (blog), 24 mars 2016. Traduit par Martin Anota



Le pétrole bon marché déprime-t-il l’activité ?



« On supposait que de faibles prix du pétrole stimuleraient fortement l’économie mondiale, mais cela ne semble pas être le cas. Maurice Obstfeld, co-auteur de mon manuel d’économie internationale et économiste en chef au FMI, avance une explication assez intéressante : il suggère que c’est à cause de la borne inférieure zéro (zero lower bound). La chute des prix entraîne une révision à la baisse des anticipations d’inflation, si bien que, dans la mesure où les taux d’intérêt nominaux ne peuvent davantage chuter, les taux d’intérêt réels s’accroissent, ce qui nuit à l’économie.

Matt O’Brien est sceptique à propos de ce raisonnement, tout comme je le suis moi-même, même si je suis partisan de l’idée qu’il faille revoir nos hypothèses habituelles lorsque l’économie est à la borne inférieure zéro.

Premièrement, a priori, la chute des prix du pétrole ne doit pas affecter les anticipations relatives au taux d’inflation des biens (hors pétrole) et des services, ou tout du moins il n’est pas évident qu’il le fasse ; or c’est ce taux d’inflation qui doit importer pour l’investissement. Certes, vous pouvez toujours suggérer que le pétrole affecte en fait ces anticipations (…). Ce que Matt fait, c’est rappeler que corrélation n’est pas forcément causalité.

Je soulèverais un autre point : même en utilisant les anticipations de marchés, les taux d’intérêt réels ont en fait baissé, pas grimpé, lorsque les prix du pétrole ont baissé. Comment est-ce possible, étant donné la borne inférieure zéro ? C’est lié à la structure de terme : les taux d’intérêts à long terme ne sont pas à zéro, bien qu’ils soient au moins quelque peu soutenus par le plancher sur les taux de court terme. Et il s’avère que durant la récente chute des prix du pétrole, les taux de long terme chutèrent suffisamment pour plus que compenser le déclin de l’inflation anticipée.

Bien sût, il est possible que Maurice ait raison dans une logique à la "toutes choses égales par ailleurs". Mais je pense que la déception à propos des prix du pétrole s’explique moins par les canaux des anticipations que par deux faits : le pétrole est désormais un moteur crucial de l’investissement, via la fracturation hydraulique, et les exportateurs de pétrole sont en fait contraints en termes de liquidité ces derniers temps, si bien qu’ils ont une plus forte propension à dépenser que les consommateurs de pétrole. »

Paul Krugman, « Is cheap oil contractionary? », in The Conscience of a Liberal (blog), 13 avril 2016. Traduit par Martin Anota

jeudi 23 avril 2015

Production et investissement dans le pétrole conventionnel et non conventionnel

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source : The Economist

mardi 14 avril 2015

L’effondrement des cours du pétrole : question d’offre ou de demande ?

« Les cours du pétrole ont diminué de moitié entre juin et décembre 2014. Les retombées de ce recul sur l’économie mondiale dépendent de manière cruciale des facteurs sous-jacents. Si elle tient à une augmentation de l’offre, la baisse aurait dû stimuler la croissance mondiale de diverses façons, notamment en relevant les revenus réels des consommateurs de pétrole. Par contre, si elle est imputable à une contraction de l’activité, elle serait purement et simplement le symptôme d’une faiblesse de la demande mondiale.

Il est difficile d’identifier les chocs à l’origine du recul. Le pétrole brut est un bien stockable et, à ce titre, un actif réel : son cours dépend non seulement de la situation de l’offre et de la demande, mais aussi des anticipations sur l’évolution du marché. Ces anticipations dépendent elles-mêmes de nombreux facteurs, dont les perspectives de l’économie mondiale, mais elles influent aussi sur ces perspectives (par exemple, une vision pessimiste de l’offre de pétrole devrait entraîner une hausse des cours et, en conséquence, un recul de l’activité). Le présent encadré examine deux approches efficaces pour dissocier les chocs sur l’offre et sur la demande qui ont provoqué l’effondrement des cours en 2014. L’identification des chocs dépendant du modèle sous-jacent, les deux séries de résultats ne donnent pas une évaluation chiffrée précise, mais présentent une vision d’ensemble des facteurs susceptibles d’avoir causé cet effondrement.

La première approche dissocie les chocs sur l’offre de ceux sur la demande en examinant les variations parallèles des cours du pétrole et des valeurs mobilières. Plus précisément, un modèle d’autorégression vectorielle (ARV) est estimé avec des données quotidiennes sur les cours du pétrole (brut Brent) et les cours mondiaux des valeurs mobilières (Morgan Stanley Capital International All Country World Index) entre le 2 janvier 1991 et le 5 janvier 2015. Les chocs sur l’offre et sur la demande sont identifiés en supposant qu’il existe une relation entre un choc positif (négatif) sur la demande et une hausse (baisse) des cours des valeurs mobilières et du pétrole, tandis qu’un choc sur l’offre a des effets inverses sur les cours du pétrole et sur ceux des valeurs mobilières, une augmentation (diminution) de l’offre de pétrole entraînant une baisse (hausse) des cours du pétrole et une hausse (baisse) de ceux des valeurs mobilières. Selon les résultats, l’effondrement des cours du pétrole depuis le milieu de 2014 est attribuable à des chocs sur l’offre et la demande, avec la contribution relative d’une variation de ces facteurs dans le temps. Si, entre juillet et le milieu d’octobre 2014, la chute peut s’expliquer essentiellement par la faiblesse de la demande (graphique 1, plage 1), l’augmentation de l’offre y a le plus contribué (à hauteur de 64 % environ) entre le milieu d’octobre 2014 et le début de janvier 2015 (graphique 1, plage 2).

GRAPHIQUE 1 Déterminants des cous du pétrole : modèle à deux variables, estimé à partir de données quotidiennes, juillet 2014–janvier (Variation cumulée du log des cours du pétrole en pourcentage)

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Un examen des périodes antérieures donne à penser que l’effondrement des cours du pétrole pendant la crise financière mondiale tient essentiellement à des chocs sur la demande (graphique 2, plage 1), alors qu’en 1986, il avait été principalement causé par des chocs sur l’offre (graphique 2, plage 2), les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEC) ayant alors décidé de relever leur production pour accroître leur part de marché (Gately, 1986).

GRAPHIQUE 2 Déterminants des cours du pétrole : modèle à deux variables, estimé à partir de données quotidiennes, 1986 et 2008 (Variation cumulée du log des cours du pétrole en pourcentage)

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La seconde approche est basée sur un modèle structurel d’autorégression vectorielle pour le marché pétrolier mondial, estimé avec des données trimestrielles portant sur la période 1985–2014. Quatre variables sont inclues : la production industrielle mondiale (à titre de mesure indirecte de la situation de la demande mondiale), la production de pétrole dans le monde, les stocks de pétrole des pays de l’OCDE et des pays membres en développement et le prix réel du pétrole. La méthode d’identification est la même que dans l’approche précédente, avec des restrictions supplémentaires. Les cours et la demande mondiale évoluent parallèlement ou inversement selon que les chocs frappent la demande ou l’offre. En outre, si la demande de stocks augmente (pour des motifs de précaution, par exemple), les cours, les stocks et l’offre évoluent dans le même sens, et la demande mondiale dans le sens opposé.

Les résultats donnent à penser que les variations imprévues de la demande et surtout de l’offre expliquent pour ainsi dire les deux tiers de la baisse des cours du pétrole entre le deuxième et le quatrième trimestre de 2014 (graphique 3, plage 1). Les chocs sur la demande de stocks ne semblent pas être la cause de la chute des cours pendant cette période. Un choc positif sur cette demande explique plutôt en grande partie la hausse effective des cours du pétrole observée au deuxième trimestre de 2014, sous l’effet sans doute d’une intensification des tensions géopolitiques, notamment au Moyen-Orient. Ces chocs positifs sur la demande de stocks ont persisté jusqu’à la fin de l’année, compensant dans une certaine mesure les effets négatifs des autres chocs.

GRAPHIQUE 3 Déterminants des cours du pétrole : modèle à quatre variables, estimé à partir de données trimestrielles (Variation cumulée du log de l’écart par rapport au cours moyen du pétrole en pourcentage)

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L’importante composante inexpliquée (choc résiduel dans le modèle) en 2014 cadre avec l’opinion selon laquelle l’effondrement des cours du pétrole résultait en partie de mutations anticipées dans les fondamentaux du marché. Le modèle ne saisit pas ces anticipations si elles comportent des changements dans les profils par rapport à ceux saisis par les données antérieures.

La décomposition selon la seconde approche des chocs pour les périodes antérieures de baisse des cours du pétrole est conforme aux travaux classiques. Plus précisément, le modèle identifie les chocs positifs sur l’offre et les chocs sur la demande comme les principaux facteurs expliquant, respectivement, le recul des cours en 1986 et leur effondrement en 2008 et au début de 2009 (graphique 3, plages 2 et 3).

En résumé, les résultats des deux approches semblent indiquer que des facteurs liés à la fois à l’offre et à la demande ont joué un rôle dans l’effondrement des cours du pétrole en 2014. Ils laissent en outre entendre que la situation actuelle du marché n’explique pas totalement ce recul. En effet, Baumeister et Kilian (2015) insistent sur les contributions avant juin 2014 de facteurs spécifiques au marché du pétrole, tandis que la seconde approche suggère que des changements dans les anticipations ont également joué un rôle. Il est difficile de dissocier les facteurs liés à l’offre de ceux liés à la demande dans les anticipations, mais les récentes révisions des perspectives de la croissance mondiale pour 2015–20 semblent insuffisantes pour conférer à la demande un rôle prédominant dans ces changements. Les estimations standard des élasticités de l’offre et de la demande par rapport aux cours à court et à moyen terme auraient nécessité des révisions plus importantes des prévisions de croissance. »

FMI, « L’effondrement des cours du pétrole : question d’offre ou de demande ? », Perspectives de l’économie mondiale, avril 2015.



aller plus loin... lire « Pourquoi les cours du pétrole ont-ils récemment chuté ? »

vendredi 16 janvier 2015

Le plongeon du cours du pétrole

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source : The Economist (2015)

jeudi 15 janvier 2015

Quel est l’impact d’une baisse des prix du pétrole sur la production et l’inflation ?

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« Les prix du pétrole ont fortement chuté au second trimestre de l’année 2014, mettant un terme à une période de quatre ans marquée par la stabilité du prix autour de 105 dollars le baril. Cette baisse (...) peut signaler la fin d’un "supercycle" des prix. On s’attend à ce que les prix du pétrole restent faibles en 2015 et augmentent seulement faiblement en 2016. Les origines et les implications de la baisse brutale des prix du pétrole sont l’objet d’intenses débats. (…)

Que nous dit la littérature existante ?

Les variations des prix du pétrole ont souvent été associées aux variations de la production et de l’inflation. Bien que les effets des variations des prix du pétrole sur la production et l’inflation aient décliné au cours du temps, ils tendent à être plus large lorsque les prix augmentent (plutôt que lorsqu’ils diminuent) et lorsque leurs variations s’expliquent par les variations d’offre de pétrole (plutôt que de la demande de pétrole).

Quels canaux transmettent les variations des prix du pétrole à la production et à l’inflation ?

(…) La chute des prix du pétrole affecte l’activité et l’inflation en influençant la demande et l’offre globales et en amenant les autorités publiques à réagir. Du côté de l’offre, la baisse des prix du pétrole entraîne une baisse du coût de production. La baisse du coût de production dans une large gamme de biens intensifs en énergie peut se répercuter sur les prix à la consommation et ainsi réduire l’inflation. La baisse du coût de production peut également se traduire par une hausse de l’investissement. Du côté de la demande, en réduisant la facture énergétique, une baisse des prix du pétrole augmente le revenu réel des ménages et incite donc ces derniers à davantage consommer.

Si la baisse des prix du pétrole réduit l’inflation (…), les banques centrales peuvent réagir en assouplissant leurs politique monétaire, ce qui stimule alors l’activité. Cependant, si l’inflation sous-jacente et les anticipations d’inflation restent stables, les banques centrales sont moins susceptibles d’assouplir leur politique réelle, si bien que l’impact sur l’activité réelle pourrait être faible. Une baisse des prix du pétrole peut également entraîner un ajustement des politiques budgétaires qui affectent à leur tour l’activité.

Quelle est l'ampleur de la transmission des changements des prix du pétrole sur l’activité ?

La littérature cherche principalement à estimer l’impact des hausses des prix du pétrole sur l’activité réelle dans les grandes économies. Ces estimations varient fortement d’une étude à l’autre, en fonction de l’intensité en pétrole de l’économie, du statut d’exportateur ou d’importateur de pétrole, des échantillons de données et de la méthodologie employée. Par exemple, pour les pays de l’OCDE, une hausse de 10 % des prix du pétrole a été associée à un déclin de l’activité réelle compris entre 0,3 et 0,6 % aux Etats-Unis et à une baisse comprise entre 0,1 et 0,3 % en zone euro. (…) Les récentes études suggèrent que les effets des prix du pétrole sur l’activité et l’inflation dépendent de la source sous-jacente des variations des prix et de leur direction. En outre, l’impact s’est réduit au cours du temps.

La source des variations des prix du pétrole. L’impact des prix du pétrole sur l’activité dépend fondamentalement de leur source. On s’attend à ce que les chocs d’offre de pétrole influencent indépendamment l’activité. A l’inverse, les chocs de demande de pétrole seraient eux-mêmes le produit des changements de l'activité réelle avec des effets de second tour limités. En effet, les variations des prix du pétrole qui s’expliquent par les chocs d’offre de pétrole sont souvent associées à des changements significatifs de la production mondiale et à des transferts de revenu entre les exportateurs et les importateurs de pétrole. D’un autre côté, les variations des prix qui s’expliquent par des chocs de demande de pétrole tendent à entraîner des effets plus faibles, voire insignifiants selon certaines études.

Effets asymétriques. L’incapacité du contre-choc pétrolier de 1986 à générer un boom économique a conduit au développement de toute une littérature sur l’impact asymétrique des variations des prix du pétrole sur l’activité. Un tel effet asymétrique pourrait s’expliquer par une plus coûteuse réallocation des facteurs, par l’incertitude et par la réponse asymétrique de la politique monétaire. En particulier, la Fed des Etats-Unis a habituellement choisi de répondre vigoureusement aux accélérations d’inflation amorcées par les hausses du prix du pétrole, mais à répondre moins agressivement aux ralentissements inattendus de l’inflation suite aux baisses des prix du pétrole. Donc, les hausses des prix du pétrole (en particulier les plus fortes) ont été associées à une baisse de la production aux Etats-Unis, tandis que les baisses des prix du pétrole ont été suivies par une hausse plus faible et statistiquement non significative de la production.

Un moindre impact. Plusieurs études ont montré que l’impact des prix du pétrole sur la production a chuté au cours du temps. Par exemple, Hamilton estime qu’une hausse de 10 % du prix du pétrole réduisait la production américaine de près de 3 % au cours des trimestres consécutifs sur la période comprise entre 1949 et 1980, mais de moins de 1 % lorsque l’on étend l’échantillon à 2005. La littérature a fourni plusieurs raisons susceptibles d’expliquer pourquoi les prix du pétrole affectent de moins en moins l’économie : des changements structurels tels que la baisse de l’intensité énergétique de l’activité et la plus grande flexibilité des marchés du travail qui réduit les rigidités associées aux marges. De plus, le nouveau cadre de la politique monétaire a réduit l’impact des chocs pétroliers en ancrant davantage les anticipations d’inflation, donc en réduisant le pouvoir de fixation des prix des entreprises et en aidant à créer un régime où l’inflation est moins sensible aux chocs.

Quelle est l'ampleur de la transmission des changements des prix du pétrole à l’inflation ?

Historiquement, les fluctuations des prix du pétrole et de l’inflation ont été positivement associées, même si cette relation a fortement varié d’un pays à l’autre. De larges hausses des prix du pétrole durant les quarante dernières années furent souvent suivies par une forte inflation dans plusieurs pays. Comme dans le cas de la production, l’impact des fluctuations des prix du pétrole sur l’inflation a cependant décliné au cours du temps. (… Le déclin de la transmission est attribuable aux raisons ci-dessus qui expliquent le déclin de l’impact sur l’activité, en particulier les améliorations apportées au cadre de la politique monétaire qui se traduisirent par un meilleur ancrage des anticipations à long terme.

Quelles seront les implications macroéconomiques et financières de l’actuelle baisse des prix ?

Les prix du pétrole affectent la croissance et l’inflation principalement à travers trois canaux de transmission :

  • Les coûts des intrants. De plus faibles prix du pétrole réduisent les coûts énergétiques en général (…) et l’énergie électrique alimentée par le pétrole est moins chère à produire. De plus, comme le pétrole est la matière première pour divers secteur, notamment la pétrochimie, le papier et l’aluminium, la baisse du prix du pétrole affecterait directement une large gamme d’intrants traités ou semi-traités. Le transport, la pétrochimie, l’agriculture et certaines industries manufacturières seraient les secteurs qui bénéficieraient le plus de la baisse des prix.

  • Les transferts de revenu réel. Les baisses des prix du pétrole réduisent le revenu réel bénéficiant aux importateurs de pétrole et les pertes que subissent les exportateurs de pétrole. Le transfert de revenu des économies exportatrices de pétrole caractérisées par des taux d’épargne élevés vers les importateurs nets caractérisés par une plus forte propension à dépenser se traduirait en général par une plus forte demande mondiale à moyen terme. Cependant, les effets peuvent fortement varier d’un pays à l’autre et au cours du temps : certaines économies exportatrices peuvent être forcées par des contraintes financières à ajuster abruptement leurs dépenses publiques et importations à court terme, tandis que les bénéfices des pays importateurs peuvent être diffus et compensés par une plus forte épargne de précaution si la confiance reste faible dans la reprise.

  • Les politiques monétaire et budgétaire. Dans les pays importateurs de pétrole où les baisses des prix du pétrole peuvent amener les agents à réviser leurs anticipations d’inflation à moyen terme en-deçà de la cible, les banques centrales peuvent répondre en assouplissant davantage leur politique monétaire, ce qui stimule la croissance. (…) Dans les pays exportateurs de pétrole, en revanche, la baisse des prix du pétrole peuvent amener les gouvernements à adopter des plans d’austérité budgétaire, à moins qu’ils disposent d’une marge de manœuvre budgétaire pour protéger les dépenses d’un déclin des recettes fiscales dans le secteur pétrolier.

Ces canaux n’opèrent pas avec la même force, ni aussi rapidement, d’un pays à l’autre. Cependant, il semble clair que la baisse des prix du pétrole a généralement de plus faibles effets sur la production dans les économies importatrices que la hausse des prix du pétrole. Cette asymétrie peut s’expliquer par les frictions et coûts d’ajustement associés aux variations des prix du pétrole.

Croissance mondiale

Le fait que les hausses de l'offre de pétrole aient plutôt pris de court les marchés, le déroulement de certains risques géopolitiques et les changements dans les objectifs poursuivis par l’OPEP suggèrent que des facteurs du côté de l’offre ont joué un rôle majeur dans la récente chute du prix. Les estimations historiques suggèrent qu’une baisse du prix du pétrole de 30 % (…) qui trouverait son origine dans un choc d’offre serait associée à une hausse du PIB mondial d’environ 0,5 point de pourcentage à moyen terme. (…)

Inflation

La baisse des prix du pétrole va temporairement réduire l’inflation mondiale. L’impact va varier fortement d’un pays à l’autre, en fonction de l’importance du pétrole dans les dépenses des ménages, des évolutions des taux de change, de l’orientation de la politique monétaire, de l’ampleur des subventions aux carburants et des réglementations des autres prix. (…) De façon à évaluer l'impact probable des variations des prix du pétrole sur l’inflation, nous nous sommes appuyés sur deux modèles économétriques simples et avons utilisé les données relatives aux pays du G20. (…) La transmission à l’inflation globale est dans la plupart des cas modeste, avec une hausse de 10 % du prix du pétrole augmentant l’inflation de 0,3 point de pourcentage à son pic. (…) Ces résultats suggèrent qu’une baisse durable de 30 % des prix du pétrole réduirait l’inflation mondiale de 0,4 à 0,9 point de pourcentage en 2015. (…) Les circonstances spécifiques aux pays vont dans certains cas influencer l’impact des prix du pétrole sur l’inflation domestique. Pour les économies qui importent de larges volumes de pétrole, l’appréciation (respectivement la dépréciation) de la devise va renforcer (atténuer) l’impact inflationniste du déclin du prix du pétrole. Dans les pays où le gouvernement subventionne la consommation énergétique des ménages, la transmission des prix mondiaux du pétrole vers les prix locaux d’énergie va s’en trouver atténuée.

Les marchés financiers

La forte baisse des prix du pétrole s’est accompagnée d’une forte volatilité sur les marchés des changes et des actions de plusieurs pays émergents depuis octobre. La faiblesse des prix du pétrole ont déjà amené les investisseurs à réévaluer les perspectives de croissance des pays exportateurs. Cela a contribué à des fuites de capitaux, des pertes en réserves de devises, de fortes dépréciations ou à une hausse des prix de risque souverain dans plusieurs pays exportateurs, notamment la Russie, le Venezuela, la Colombie, le Nigéria et l’Angola. Les ralentissements de la croissance dans les pays exportateurs de pétrole peuvent aussi contraindre les bilans des entreprises (en particulier des grandes compagnies pétrolières) et accroître les défauts de remboursement. Les problèmes financiers des grands pays émergents exportateurs de pétrole peuvent avoir des effets de contagion sur les autres économies. En outre, les exportateurs de pétrole ont canalisé une épargne excédentaire des recettes du pétrole dans une large gamme d’actifs étrangers, notamment les obligations publiques, les obligations d’entreprises, les entreprises et l’immobilier. Le flux des soi-disant "pétrodollars" a alimenté la liquidité des marchés financiers et contribua à maintenir de faibles coûts d’emprunt au cours de la dernière décennie. Si les prix du pétrole restaient faibles, le rapatriement des actifs étrangers pourrait générer des fuites de capitaux et des turbulences financiers dans les pays qui sont devenus trop dépendants des afflux de pétrodollars. »

Banque mondiale, « Understanding the plunge in oil prices: Sources and implications », Global Economic Prospects. Having fiscal space and using it, janvier 2015. Traduit par Martin Anota

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