« Paul Krugman nous rappelle que l’une des questions les plus mal posée en macroéconomie est : "est-ce que les cycles d’affaires sont autocorrectifs ?". C’est le cas particulier d’une autre erreur, celle de dire que la durée du cycle d’affaires dépend de la vitesse de l’ajustement des prix. Cette réponse est sérieusement incomplète, parce qu’elle n’est seulement valide que pour un ensemble restreint de règles de politique monétaire (plus des hypothèses à propos de la politique budgétaire).

Il est très facile de voir ça. Supposons que la banque centrale soit si perspicace qu’elle connaisse parfaitement tous les chocs qui frappent l’économie et la manière par laquelle les taux d’intérêt influencent cette économie. Dans le cas où il n’y a pas de borne inférieure zéro (zero lower bound), le cycle d’affaires disparaitrait, et ce qu’importe la vitesse d’ajustement des prix. Ou supposons que la politique monétaire suive une règle crédible qui relie les taux d’intérêt réels à l’écart de production (output gap) plutôt qu’à l’excès d’inflation. Une fois encore, la vitesse d’ajustement des prix n’est pas centrale pour expliquer la durée des cycles d’affaires. Comme Nick Rowe le souligne, si vous aviez une très mauvaise politique monétaire, les récessions pourraient durer indéfiniment.

Une meilleure réponse aux deux questions (celle de l’autocorrection et celle de la durée des cycles d’affaires) est que ça dépend entièrement de la politique monétaire. En fait, même cette réponse fait implicitement une hypothèse, en l’occurrence celle qu’il n’y a pas de (dé)stabilisation budgétaire. La réponse correcte aux deux questions est que ça dépend premièrement et principalement de la politique économique. La vitesse d’ajustement ne devient cruciale que pour des règles particulières de politique économique.

Donc pourquoi plusieurs économistes (notamment occasionnellement quelques macroéconomistes) se trompent-ils ici ? Pourquoi est-ce que les manuels sont souvent imprécis à ce sujet ? Ce n’est peut-être qu’un accident fortuit. Nous sommes si habitués à enseigner à propos des règles d’offre de monnaie fixe (ou, dans mon cas, des règles de Taylor), que nous pouvons prendre ces règles comme garanties. Mais il y a aussi une réponse plus intéressante. Aux yeux de certains économistes, il est troublant de penser que la politique économique puisse être essentielle à l’ajustement de l’économie face aux chocs. Ils préfèrent penser qu’une économie de marché tend "naturellement" à se corriger et considérer que l’intervention publique n’a un rôle à jouer que s’il y a une sérieuse "imperfection de marché". En l’occurrence, l’imperfection de marché dans le cas des cycles d’affaires serait la rigidité des prix.

Se contenter de cette idée peut entraîner de grandes erreurs. A de nombreuses reprises, j’ai entendu de bons économistes dirent qu’en 2015 nous pourrions ne plus être dans une récession provoquée par une insuffisance de la demande globale, parce que l’ajustement des prix ne peut être aussi lent. Ils commettent cette erreur parce qu’ils considèrent que la politique économique en vigueur est la plus optimale. Il est presque certainement vrai qu’aucune récession ne doit durer aussi longtemps, parce que la politique budgétaire peut se substituer à la politique monétaire à la borne inférieure zéro. Mais lorsque la politique économique est sous-optimale, la durée des récessions a plus à voir avec cette mauvaise politique qu’elle n’a à voir avec la vitesse de l’ajustement des prix.

A la borne inférieure zéro, il apparaît clairement évident à quel point il peut être trompeur de se focaliser sur la vitesse d’ajustement des prix. Avec des taux d’intérêt collés à zéro, un ajustement rapide des prix va aggraver la récession, et non l’écourter. La rigidité des prix peut être une condition pour l’existence de cycles d’affaires, mais il est probable qu’elle n’ait rien à voir avec leur durée. »

Simon Wren-Lewis, « The centrality of policy to how long recessions last », in Mainly Macro (blog), 1er décembre 2015. Traduit par Martin Anota