« Les nouvelles technologies peuvent parfois remplacer les travailleurs dans les emplois pour lesquels il n’y a plus assez d’êtres humains.

Certains s’inquiètent à l’idée que le progrès technique rapide, en particulier en matière d’automatisation et de robotique, entraîne une substitution des travailleurs par des machines dans de nombreux secteurs et finisse par générer des perturbations sociétales d’une ampleur qui n’avait plus été observée depuis le début de la Révolution industrielle. Les auteurs de "Demographics and Automation" (…) offrent un autre récit. Daron Acemoglu et Pascual Restrepo montrent que le changement démographique est un facteur lié à l’adoption de nouvelles technologies. Un vieillissement de la main-d’œuvre stimule l’automatisation, en particulier à travers la robotique, comme les employeurs réagissent à la raréfaction des travailleurs d’âge intermédiaire. Les nouvelles automatisation et technologies robotiques sont déployées plus rapidement dans les pays où les travailleurs jeunes et d’âge intermédiaire sont relativement rares.

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Les deux chercheurs étudient les différences démographiques dans les secteurs et entre les pays afin d’expliquer les différences en matière d’adoption de nouvelle automatisation et de technologies robotiques que l’on peut observer d’un pays à l’autre. Le nombre de robots pour mille travailleurs aux Etats-Unis dans le secteur manufacturier, par exemple, s’élève à 9,1 en 2014 ; ce chiffre est significativement plus élevé au Japon (14,2) et en Allemagne (17,0), deux pays qui ont une population plus âgée.

En utilisant les données provenant de diverses sources, notamment de la Fédération Internationale de Robotique, Acemoglu et Restrepo voient dans la répartition de la population en termes d’âges un possible facteur derrière l’innovation robotique. Ils qualifient de travailleurs d’âge intermédiaire ceux qui sont âgés de 26 à 55 ans et ils qualifient de travailleurs âgés ceux qui ont plus de 55 ans. Ils constatent que les pays qui connaissent un vieillissement rapide, c’est-à-dire dont le nombre de travailleurs d’âge intermédiaire relativement au nombre de travailleurs âgés baisse le plus, investissent significativement plus dans la robotique. Ces pays sont aussi davantage susceptibles de développer de nouvelles technologies et robots manufacturiers et de déployer ces robots dans la production.

Le vieillissement démographique peut expliquer près de 40 % des écarts observés d’un pays à l’autre dans l’adoption des robots industriels. Les chercheurs estiment qu’une hausse de 10 points de pourcentage du ratio rapportant le nombre de travailleurs d’âge intermédiaires sur le nombre de travailleurs âgés est associée à un supplément de 0,9 robots pour mille travailleurs. Dans leur échantillon de pays développés au cours des deux dernières décennies, le nombre moyen de robots pour mille travailleurs était de trois.

Les deux chercheurs estiment que les différences en matière de démographie peuvent expliquer 25 % de l’écart dans le nombre de robots par travailleur entre les Etats-Unis et l’Allemagne. Ils constatent aussi que le recours à l’automatisation est plus prononcé dans les secteurs qui dépendent traditionnellement plus des travailleurs d’âge intermédiaire.

Alors que les implications du vieillissement démographique pour la productivité d’un pays sont ambigües et dépendent de la façon par laquelle la technologie répond au changement démographique, les implications pour les productivités relatives de secteurs spécifiques sont claires : "En raison de la hausse induite de l’automatisation, les secteurs avec les plus grandes opportunités pour l’automatisation doivent accroître leur valeur ajoutée relativement aux autres secteurs". »

Jay Fitzgerald, « Automation can be a response to an aging workforce », NBER Digest, juillet 2018. Traduit par Martin Anota